J'intercale ici volontairement le dernier article du livre de Volney pour prouver combien la loi de Moïse a été trahie comme tend à le prouver Les Grands Initiés de Schuré. Ainsi avait-il prescrit une année sabbatique -encore en vigueur dans le langage occidental quand on veut "se consacrer à autre chose,"- tous les 7 ans. Qu'en est-il ? Imaginez un peu la révolution. Tous les 7 ans, le Peuple fait ce qui lui plaît. Hormis travailler. Oisiveté et repos absolu. Qu'en est-il en Israël aujourd'hui ?
Chapitre extrait des Oeuvres complètes de Volney
Recherches Nouvelles sur l'histoire ancienne
Tome I
1821
par Constantin François Volney
23ème partie
21 - Division de Sem 4
20 - Division de Sem 3
18 - Division de Sem 1
17 - Le système géographique des Hébreux 2
16 - Le système géographique des Hébreux 1
15 - Mythologie de la Création 2
14 - Mythologie de la Création 1
12 Des personnages antédiluviens 2
1 - Des temps antérieurs à Moïse
CHAPITRE IV
Y a-t-il eu un cycle sabbatique ?
PLUSIEURS chronologistes, pour dernière ressource, ont eu recours au cycle sabbatique, c’est-à-dire à ce jubilé prescrit par Moïse, qui avait ordonné que chaque 7e année, à l’imitation du 7e jour de la semaine, fût une année de Sabbat ; c’est-à-dire d’oisiveté et de repos absolus, même pour la culture de la terre. Moïse avait de plus ordonné1 qu’en cette 7e année toute créance d’argent prêté serait annulée ; que le débiteur serait libre, et de plus encore, que tout Hébreu réduit en esclavage, pour dette ou autre cause, serait remis en liberté, et, renvoyé avec des provisions capables de l’entretenir pendant du temps.
Il est certain que si une telle loi eût eu son exécution, elle eût produit une sensation et constitué une époque aussi remarquable par ses retours septénaires que la période olympique chez les Grecs ; mais on cherche en vain dans tous les livres hébreux une mention, une indication même légère de ces jubilés. L’on n’en trouve pas la moindre trace ni dans le Livre des Juges, ni dans celui de Samuel, quoique très détaillé dans une durée de plus de 60 ans, ni dans le Livre des Rois ; au contraire, Jérémie, dans le chapitre 34 de ses prophéties, nous fournit la preuve positive de la négligence et de l’inobservation de cette loi dès son origine.
Jérémie, est-il dit, engagea le roi Sédéqiah, les grands et le peuple de Jérusalem à renvoyer leurs esclaves hébreux ; ils s’y engagèrent par la cérémonie d’un sacrifice, et ils renvoyèrent leurs esclaves hébreux ; puis s’en étant repentis, ils les reprirent et les contraignirent de force ; et Jérémie leur dit : Écoutez les paroles du Dieu d’Israël :
Au jour où je retirai vos pères de l’Égypte, je fis un pacte avec eux et je leur dis : Lorsque 7 ans seront écoulés, que chacun de vous renvoie l’esclave hébreu qui lui a été vendu et qui a servi 6 ans ; que l’esclave soit libre ; et vos pères n’ont point écouté ma paroles ils n’ont point incliné leur oreille (à m’obéir) ; vous, aujourd’hui, vous vous êtes retournés (de leur sentier) et vous avez fait le bien, vous avez fait alliance avec moi, mais ensuite vous l’avez violée (comme vos pères) ; maintenant je vais amener sur vous tous les maux, etc.
Pour tout lecteur qui pèsera bien ces mots : Vos pères n’ont point écouté ma parole, n’ont point obéi à mon ordre de renvoyer libre ; vous, aujourd’hui, vous vous êtes retournés (de leur sentier, etc.) ; pour tout lecteur, disons-nous, il sera prouvé que jusqu’au temps de Sédéqiah, les Juifs avaient. imité leurs pères et n’avaient point observé le jubilé septénaire ; par conséquent il n’y a point eu chez eux de cycle sabbatique avant la captivité de Babylone. Ce ne fut qu’alors et au retour dans leur patrie, qu’ayant pris à tâche d’exécuter littéralement les lois de Moïse, celle-ci devint en usage avec plusieurs autres. De savants chronologistes, quoique très pieux, n’ont pu s’empêcher de reconnaître ces faits ; entre autres, le Père Petau, jésuite, dans son Traité de la doctrine des temps, livre IX, chapitre 26, s’avoue réduit à la nécessité de révoquer en doute l’observance des années sabbatiques2 avant le règne d’Antiochus Eupator ; mais beaucoup d’autres ont cru leur religion intéressée à en soutenir la croyance. Le savant Desvignoles présente, à cet égard, une inconséquence remarquable ; car après avoir exposé avec candeur une masse de raisons négatives, il finit par dire3 que comme il faut avoir une mesure de temps, il se range au gros des chronologistes qui ont admis les Sabbats ; ce qui ne l’empêche point de convenir ailleurs, que les cycles sabbatiques, produits par les Samaritains et les Juifs, et remontant jusqu’à la création, sont des cycles fictifs et inventés après coup4.
Par une autre inconséquence, Desvignoles fournit un argument ingénieux de calculer le temps de la monarchie, en admettant la non-existence ou l'inobservance des Sabbats. Tout le monde connaît la célèbre prophétie de Jérémie, concernant l’exil et la captivité du peuple hébreu pendant 70 ans, et cela pour avoir négligé et méprisé les ordonnances de Dieu. En comparant à ce texte celui des Paralipomènes, qui dit (chap. 36, vers. 10) : Que le peuple hébreu fut déporté à Babylone, afin que la terre (d’Israël) prît plaisir à célébrer ses sabbats, et qu’elle eût 70 ans de repos ; » Desvignoles a pensé que Jérémie dans sa prédiction avait eu spécialement en vue la loi de Moïse sur les jubilés de 7 ans, et que par le nombre 70 il avait entendu établir une compensation des sabbats que l’on avait omis ou négligé de célébrer : il est bien vrai que ces 70 jubilés de 7 ans donnent une somme totale de 490 ans, et que si l’on prend ces 490 ans pour la durée des rois, en y ajoutant 604, qui sont la date première de la prophétie en question, l’on a pour première année de Saül, l’an 1094 avant J.-C. Or, les calculs de Josèphe donnent pour ce même intervalle 1091, et l’analogie est frappante ; mais nous avons vu que
Un fait positif vient aussi prouver qu’elle n’en eut point sous les juges, qui furent un véritable temps d’anarchie ; car lorsque Josué entre en Palestine, on le voit admettre les Gabaonites à vivre au milieu d’Israël à titre d’esclaves et d’ilotes, malgré la loi de Moïse qui ordonnait l'extermination ; et ces mêmes Gabaonites sont cités au temps de David ; comme subsistants dans le même état(8), ce qui n’aurait pu être si la loi des jubilés eût été exécutée. De plus, il est dit dans le Livre des Juges(9), qu’après le partage des terres, chaque tribu accorda aux Chananéens de son arrondissement, la faculté d’habiter avec le peuple de Dieu, en payant un tribut qu’ils payaient encore au temps de Salomon. On est en droit de conclure de ce double fait, que la loi des Jubilés sabbatiques, cette loi étrange d’oisiveté, de stérilité, de famine organisée pour chaque huitième année, fut abrogée dès le début de la conquête par les Hébreux, qui, après tant de peine et de danger, trouvèrent sans doute trop dur de relâcher des esclaves et des biens achetés au prix de leur sang : dans ce premier état anarchique ou démocratique, personne n’eut intérêt de réclamer contre l’inobservance ; personne n’eût eu le pouvoir de faire exécuter ; dans le second état, c’est-à-dire, sous le règne monarchique, lorsque les rois investis d’un pouvoir arbitraire eurent cette faculté, leur prudence dut trouver trop dangereux de rétablir une loi qui eût tout bouleversé.
Ainsi il est constant que depuis Josué jusqu’au temps du roi Sédéqiah, les Juifs n’observèrent point la loi sabbatique, et cela est fâcheux pour la science chronologique, qui eût trouvé dans ce cycle, une mesure précise du temps.
En résumé de toute notre discussion sur le temps des juges, le lecteur voit qu’au delà du grand-prêtre Héli, le système des Juifs est brisé et dissous ; que tout y est vague, incertain, confus, que leurs annales ne remontent réellement d’un fil continu, que jusqu’à l’an 1131 ; enfin, qu’il est impossible d’assigner, à 20 ou 30 ans près, le temps où Moïse a vécu, et qu’il est seulement permis, par un calcul raisonnable de probabilité, de le placer entre les années 1420 et 1450.
1 Deutéronome, chap. 15, v. 1, 12 et suivants.
2 Nihil in sacris litteris aut in historicis exteris satis expressum legi unde sciri possit, utrum jubileus etiam in Judœa ipsa, necdum in aliena regione ac deportatione, Judœi servaverint. — Primas est is quo Antiochus Eupator, Epiphanis filius, Hierosolymam obsedit. (Voyez chap. 26, p. 59). Voyez, aussi : Johan. Davidis Michaelis Commentationes ; Bremœ, 1774, Commentatio nona : de anno Sabbatico, où ce savant auteur déclare aussi que cette loi n’a point eu d’exécution.
3 Tome I, p. 694.
4 Desvignoles, tome I, p. 709, où il cite les solides raisons de Godefroi Vendelin.
5 [Chap.
6 [Chap. 29, v. 5-10]. Bâtissez des maisons à Babylone ; plantez-y, semez-y ; mariez-vous-y, etc. ; car voici ce que dit le Seigneur : Lorsque 70 ans seront écoulés (pendant votre séjour) à Babylone, je vous visiterai et vous ramènerai ici.
7 La différence de 2 ou 3 ans que nous avons citée n’aurait-elle point pour cause l’intercalation de quelques années, faite dans cet espace de près de 500 ans, par des procédés que nous ignorons ; car, quoique l’on en ait dit, nous ne connaissons pas exactement la forme de l’année juive avant la captivité de Babylone ?
8 Samuel, lib. II, cap. 24, v. 2.
9 Tout le chapitre premier.
Posté par Adriana Evangelizt