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22 juillet 2007 7 22 /07 /juillet /2007 19:37

Nous posons là un article racontant l'histoire... lire l'avis de Sedir sur le sujet...

La Rose-Croix : tout est dans le secret

Par Jean-Pierre Bayard



Dans la période troublée qui suit les guerres de Religion apparaît en Allemagne un mouvement initiatique qui va faire des émules. Avides de réponses, les gens se tournent vers l'ésotérisme. C'est ainsi qu'une supercherie estudiantine finit par devenir un mythe.

En ce brûlant été 1623, les Parisiens découvrent, placardés aux carrefours, d'étranges billets écrits à la main : « Nous, députés du collège principal des frères de la Rose-Croix, faisons séjour visible et invisible en cette ville par la grâce du Très-Haut, vers lequel se tournent les coeurs des justes. Nous montrons et enseignons, sans livres ni marques, à parler toutes sortes de langues des pays où nous voulons être, pour tirer les hommes, nos semblables, d'erreur de mort... » Les badauds, ne sachant lire, ne réagissent pas, mais le clergé soupçonne une action improvisée des huguenots qui se réfèrent au Très-Haut mais n'évoquent ni Jésus, ni la Vierge, ni les saints.

De nouvelles affiches sont apposées : « Nous, députés du collège de Rose-Croix, donnons avis à tous ceux qui désireront entrer en notre Société et Congrégation de les enseigner en parfaite connaissance du Très-Haut de la part duquel nous ferons aujourd'hui assemblée et les rendrons comme nous de visibles invisibles et d'invisibles visibles et serons transportés par tous les pays étrangers où leur désir les portera. Mais pour parvenir à la connaissance de ces merveilles, nous avertissons le lecteur que nous connaissons ses pensées et que, si volonté le prend de nous voir par curiosité seulement, il ne communiquera jamais avec nous, mais si la volonté le porte réellement de s'inscrire sur les registres de notre confraternité, nous qui jugeons les pensées, nous lui ferons voir la vérité de nos promesses tellement que nous ne mettons point le lieu de notre demeure puisque les pensées, jointes à la volonté réelle du lecteur, seront capables de nous faire connaître à lui, et lui à nous. »

Chacun s'interroge. A la demande de Louis XIII, Gabriel Naudé, le curieux bibliothécaire de Mazarin, enquête et publie en 1623, son érudite et picaresque Instruction à la France sur la vérité des frères de la Roze-Croix dans laquelle il conclut : « Les frères de la Roze-Croix s'engageaient totalement à exercer gratuitement la médecine, à se réunir une fois chaque année, à tenir leurs assemblées secrètes. Ils prétendaient que la doctrine de leur maître était la plus sublime qu'on pût imaginer : qu'ils étaient pieux et sages au suprême degré ; qu'ils connaissaient par révélation ceux qui étaient dignes d'être de leur compagnie ; qu'ils pouvaient attirer à eux, par la seule vertu de leurs chants, les perles et les pierres précieuses ; qu'ils confessaient que le pape est l'Antéchrist ; qu'ils reconnaissaient pour leur chef et pour celui de tous les chrétiens l'empereur des Romains et qu'ils lui fourniraient plus d'or et d'argent que le roi d'Espagne n'en tirait du revenu des Indes, attendu que leurs trésors ne pouvaient jamais être épuisés... » Mais qui sont donc ces frères ?

Quelques années auparavant, deux opuscules anonymes paraissent en Allemagne, à Kassel, chez l'éditeur Wessen, révélant l'existence de la Fraternité rosicrucienne. Le premier manifeste, la Fama Fraternitatis, adressé à tous les savants et chefs de l'Europe, paraît en 1614. Cette satire des réformes sociales et morales combat le catholicisme, le pape, les jésuites, les faiseurs d'or ; l'on décrit la vie allégorique d'un certain frère C. R., Christian Rosenkreutz (Rosecroix en français). La Bible y est comparée aux enseignements de Platon, d'Aristote et de Pythagore. Le second manifeste, édité en 1615, porte le titre de Confessio Fraternitatis : il s'agit de préparer l'humanité à l'avènement du Saint-Esprit. On y évoque une écriture magique et secrète, un langage adamique (propre à Adam), l'astrologie ; on y rejette le système de Ptolémée. Enfin, en 1616, l'éditeur Zetzner, à Strasbourg, publie, toujours sans nom d'auteur, Les Noces chymiques de Christian Rosenkreutz, le périple initiatique d'un homme de quatre-vingt-un ans qui débute le vendredi saint de l'année 1459 : des noces alchimiques qui par leur symbolisme montrent la lente aspiration de l'âme vers Dieu. Le style de ce récit allégorique diffère de celui des deux précédents manifestes. Cette oeuvre chatoyante aux symboles alchimiques et initiatiques serait l'oeuvre de Johann Valentin Andreae (1586-1654), petit-fils de Jakob Andreae qui, avec son ami Luther (1483-1546), avaient marqué leur rupture avec l'Eglise. On sait aujourd'hui que Johann Valentin appartenait au « cercle de Tübingen », un groupe d'étudiants allemands luthériens qui partageaient avec l'aïeul les espoirs d'une « réformation universelle ».

Dès leur publication, ces écrits, qui participent au fondement de la doctrine humaniste des Rose-Croix, déchaînent les passions : certains y voient une véritable révélation, d'autres une mystification. Les plus convaincus prêchent la réforme ; les plus virulents accusent les rosicruciens de sorcellerie. Les idées de cette mystérieuse confrérie gagnent la France, par l'intermédiaire de René Descartes (1596-1650), puis l'Angleterre protestante et plus particulièrement l'université d'Oxford. Robert Fludd (1574-1637), médecin et hermétiste, tout en affirmant ne pas appartenir à cette fraternité, constitue une loge rosicrucienne. Thomas Vaughan (1622-1666), sous le pseudonyme d'Eugène Philalèthe, traduit en 1652 la Fama et la Confessio, publie divers ouvrages sur la Rose-Croix. Elie Ashmole (1617-1692), alchimiste, rosicrucien, maçon en 1646, concourt à ce courant de « réforme générale » en établissant une Maison de Salomon ; il anime, en 1669, l'Invisible College d'Oxford. Enfin, l'influence de la Rose-Croix sur l'entourage proche (les pasteurs Anderson et Désaguliers) du physicien anglais Isaac Newton (1642-1727), pratiquant la magie et l'alchimie, est une certitude dans la transformation de la maçonnerie opérative (celle des bâtisseurs de cathédrales) en maçonnerie spéculative (lire p. 36).

En 1714, un Silésien nommé Samuel Richter - il préfère se faire appeler Sincerus Renatus, c'est-à-dire le « régénéré » - publie à Breslau, dans un but purement ludique, les règlements d'une prétendue société secrète : la Rose-Croix d'or. Cette fraternité fera de nouveaux émules, jusque vers 1755, dans la franc-maçonnerie prussienne.

La France est touchée à son tour. Le vicomte Charles-Edouard de Lapasse (1792-1867), un alchimiste toulousain soi-disant disciple de Cagliostro, aurait fondé à Toulouse, vers 1850, l'Ordre kabbalistique de la Rose-Croix. Une trentaine d'années plus tard, quelques esprits éclairés, philosophes, médecins, artistes, fort connus, dont le marquis Stanislas de Guaita (1861-1897) et Joséphin Péladan (1858-1918), journaliste dans la sphère artistique, relancent ce groupe en 1888, dans le milieu parisien. Mais ce dernier, jugeant ce cercle trop bouddhiste et peu catholique, démissionne pour créer, en 1890, l'Ordre de la Rose-Croix catholique et esthétique du Temple et du Graal, « une confrérie de charité intellectuelle, consacré à l'accomplissement des oeuvres de miséricorde selon le Saint-Esprit, dont il s'efforce d'augmenter la Gloire et de préparer le Règne ». Les deux groupes se combattent par « mandements » interposés publiés dans la presse, divertissant ainsi le public qui baptise cette querelle « la guerre des deux Roses ».

De nombreuses sociétés se considèrent aujourd'hui comme les héritières de cette confrérie du XVIIe siècle, dont, entre autres, le Cénacle de la Rose-Croix (CR + C), l'Ecole spirituelle de la Rose-Croix d'Or, la Confrérie de Crotone de l'ordre rosicrucien, l'Ancien et Mystique Ordre de la Rose-Croix (l'Amorc). Cette dernière, une association américaine, est « réveillée » par un certain Harvey Spencer Lewis (1883-1939), après un voyage initiatique à Toulouse en 1909. Annonçant près de 250 000 membres dans le monde, dont 25 000 dans la juridiction française (France, Suisse, Belgique, Québec, Afrique francophone), cette fraternité se réclame d'une origine très lointaine, puisqu'elle remonterait à 1350 avant notre ère, sous le règne du pharaon Amenhotep IV, plus connu sous le nom d'Akhenaton.

L'Amorc délivre son enseignement au long d'un parcours découpé en douze degrés. A chaque étape une initiation personnelle est faite dans un « sanctuaire sacré », la loge, ou au domicile de l'impétrant, à l'aide d'un miroir et de devoirs écrits. L'accent est mis sur l'étude de thèmes philosophiques ou mystiques : origine de l'univers, structure de la matière, concepts du temps et de l'espace, mystère de la mort, de l'après-vie et de la réincarnation, etc. On y développe également l'apprentissage de techniques de relaxation, concentration et méditation ; rituels et décors rappellent ceux de la franc-maçonnerie. Mais ce mouvement philosophique, qui se définit comme « initiatique et traditionnel mondial, non religieux, non sectaire et apolitique, ouvert aux hommes et aux femmes, sans distinction de race, de religion ou de position sociale », est considéré par le rapport parlementaire de 1999 comme une secte, en France, ce que conteste bien sûr le grand maître de l'Amorc.


Docteur ès lettres, spécialiste du monde secret, ésotérique et légendaire, Jean-Pierre Bayard est l'auteur de nombreux ouvrages dont Les Sociétés secrètes et les Sectes (éditions Philippe Lebaud, 1997), La Spiritualité de la Rose-Croix (Dangles, 1990).

La symbolique

Croix dorée ayant en son centre une rose rouge. La croix représente le corps de l'homme, la rose son âme. L'union entre la rose et la croix peut avoir plusieurs explications. Pour certains, il s'agit d'un symbole venu d'Angleterre représentant la rose de la dynastie régnante mariée à la croix de saint Georges, patron de la chevalerie. Pour d'autres, il s'agit d'une transformation du blason de la famille Andreae : la croix de saint André ornée de quatre roses rouges, un hommage à Luther dont les armoiries représentaient une rose rouge et une croix.

Repères

1614
Publication de la Fama Fraternitatis à Kassel, en Allemagne.
1615
Parution du second manifeste, la Confessio Fraternitatis .
1616
Publication des Noces chymiques de Christian Rosenkreutz à Strasbourg.
1623
Enquête sur les Rose-Croix à la demande de Louis XIII.

Repères

1714
Samuel Richter crée un ordre : la Rose-Croix d'or.
1850
Charles-Edouard de Lapasse fonde l'Ordre kabbalistique de la Rose-Croix.
1890
Création de l'Ordre de la Rose-Croix catholique.
1915
Fondation de l'Amorc aux Etats-Unis par H. Spencer Lewis.

En complément

Les Rose-Croix , de Serge Toussaint (Lanore, 2007).
Les Rose-Croix , de Roland Edighoffer (Que sais-je ? 2005).
L'Utopie rose-croix , de Robert Vanloo (Dervy, 2001).
La Bible des Rose-Croix , de Bernard Gorceix (PUF, 1970).

Sources
Historia

Posté par Adriana Evangelizt

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26 décembre 2006 2 26 /12 /décembre /2006 20:15

 

 

La Rose-Croix

 

 

par Sédir

 

 

Chapitre VIII de La Voie Mystique

 



Quand on prononce devant eux le nom de Rose-Croix, les hommes raisonnables et instruits font une moue dubitative, et ils invoquent Leibniz, Gassendi, le Père Mersenne, qui ont cherché partout les Rose-Croix et ne les ont point trouvés.

Je ne vous fatiguerai pas par de longues énumérations de dates, de chartes, de parchemins, de vieux livres, de vieilles estampes, de vieilles légendes. Toute croyance, même superstitieuse, a une base; l'imagination ne peut créer l'irréel; il lui faut une parcelle de vérité pour construire ses palais alentour. Il est donc impossible qu'il n'y ait jamais rien existé de semblable à la Rose-Croix. Notre tâche sera de séparer, dans les documents connus, le faux du vrai : le faux intellectuel, le faux historique, le faux moral. Par éliminations successives, la statue enterrée apparaîtra enfin au jour; probablement mutilée; mais les tronçons épars nous diront, malgré tout, par l'éloquence convaincante de leur beauté, qu'il y eut là un chef-d'oeuvre; et, puisque les chefs-d'œuvre sont impérissables, il y a encore là le même chef-d'œuvre rayonnant sur nous sa gloire essentielle.

* *


Les sociétés contemporaines qui, en Angleterre, en Allemagne, en France, aux États-Unis, se sont parées du titre de Rose-Croix, agrandi par divers qualificatifs, apparaissent d'abord toutes comme antichristiques par leurs théologies et par leurs ascèses. Elles apparaissent ensuite très peu rosicruciennes par la complication de leurs grades, l'étroitesse de leur horizon spirituel, la partialité de leurs opinions, la tyrannie de leurs chefs, la superficialité de leur science.

Au dix-huitième siècle,
Samuel Richter, Schroepfei, Weisshaupt fondèrent des ordres soit-disant rosicruciens; quoique beaucoup plus savants en occultisme, en alchimie, en magie que leurs homonymes du dix-neuvième siècle, ces groupes prêtent d'eux-mêmes à la critique.

C'est au dix-septième siècle qu'il faut revenir pour rencontrer des adeptes dignes de ce nom. Au quinzième siècle, les érudits soupçonnent à Naples, en Flandre, en Bavière des vestiges d'associations rosicruciennes. Au quatorzième siècle se place la légende initiale et initiatique du fondateur supposé de l'Ordre, Christian Rosenkreutz. Avant le quatorzième siècle, le chercheur s'épuise dans des enquêtes impossibles à travers les courants vaudois, albigeois, franciscains, templiers et celtiques. Les documents font défaut;
ceux qui fourniraient des indices restent inaccessibles, enfermés dans des armoires ignorées, au Vatican,
en Suisse, en Hongrie, à Paris.

Toutefois, on peut recueillir, par l'enquête interne, et aussi avec l'aide de l'enquête externe, quelques idées justes sur la plus mystérieuse des fraternités secrètes. Mais ces idées sont tellement extraordinaires qu'aucun étudiant presque ne les admettra d'abord. Je vais vous les dire, avec le plus de clarté possible; vous les rappellerez de temps à autre à votre mémoire; et peut-être, si vous êtes doués, si votre destin spirituel vous y porte, les comprendrez-vous dans quelques années et les accepterez-vous. 

* *


Quels hommes étaient ces mystérieux hérauts d'une sagesse et d'une science inconnues ?

Qu'on feuillette les petits pamphlets distribués aux foires de Leipzig et de Francfort, véritables expositions universelles de ce temps, ou qu'on lise les affiches placardées sur les murs de Paris, de ce Paris à l'aurore du siècle de Vincent de Paul et de Pascal, de ce Paris encore tout pantelant des horreurs de la guerre civile, les grands verbes millénaires annonciateurs de la paix et de la beauté s'expriment avec éloquence dans ces documents.
Voici ce que disent les signataires de ces manifestes, types originaux
de tous les supérieurs inconnus qui foisonnent dans les initiations frelatées
du dix-huitième siècle :
« Nous faisons en cette ville résidence visible et invisible par la grâce du Très-Haut qui se tourne vers le cœur des justes.
Nous enseignons sans livres ni marques; nous parlons les langues des pays où nous voulons être, pour tirer les hommes nos semblables d'erreur et de mort. »

Voilà les grands pouvoirs de l'adepte vrai. La présence invisible et réelle, l'enseignement intérieur, le rayonnement spirituel attractif, le don des langues appartiennent, en effet, à ceux-là seuls qui ont réalisé la grande renonciation, entendu les paroles des dieux, affronté les ténèbres extérieures et rendu à tous les êtres ce qui leur appartient.

Robert Fludd affirme qu'ils résident visiblement en neuf collèges au mont Athos, vers Basra, au Travancore, près d'Oudh, en Lucanie, à la Mecque, à Fez, aux Pyramides et au Parnasse.
Que ces Rose-Croix s'attribuent comme résidence le Temple du Saint-Esprit, ce n'est pas une vantardise. Le Temple du Saint,Esprit, s'il m'est permis d'en parler
avec des mots incompréhensibles aux indignes, leTemple du Saint-Esprit, c'est ce lieu secret où sont réunies les entités vivantes de l'Intelligence, de l'Harmonie et de la Beauté universelles.
L'Esprit, lui,
personne ne peut le saisir, personne ne peut savoir ni d'où il vient, ni où il va. Mais la maison des Rose-Croix est une des œuvres de cet Esprit insaisissable; c'est pourquoi quelques hommes ont pu l'apercevoir et y entrer.
Ces Rose-Croix de la fin du seizième siècle professaient la divinité de Notre Seigneur Jésus-Christ comme aboutissement terrestre de l'incarnation cosmique du Verbe. La Bible, le Tarot étaient leurs manuels de théosophie. L'expérienc
e matérielle (arts occultes) et immatérielle (Liber, Mundi), leur manuel d'observation pratique. Les œuvres de Tauler, de Weigel, surtout de Thomas a Kempis étaient leur code d'initiation.

Ils déclaraient posséder
la pierre philosophale, la Médecine universelle, l'Élixir de longue vie, connaître les vertus des simples, les secrets des dieux, les mystères des nombres, des signes, de la musique. Ils offraient à leurs élèves les mêmes trésors. Ils se présentaient enfin au monde avec, dans les mains, les plans de la triple réforme : pour la science, pour la politique et pour la religion.
Entre 1592 et 1624 on rencontrait parfois, aux grands centres européens du commerce ou de la civilisation, sur les routes de Hollande, de Suisse ou d'Italie, tel inconnu, paraissant avoir atteint la quarantaine, au costume discret, à la parole rare, au nom modeste, à l'abord simple et cependant peu familier. Quelque ravagé que fût le visage de ce voyageur, son regard brillait d'un feu limpide et jeune; sa conversation, riche comme celle d'un qui a beaucoup vu, étonnait, instruisait, éveillait des idées nouvelles. Il portait toujours sur soi, au moment opportun, l'élixir précieux, le simple, le remède même du malade imprévu qu'il rencontrait. Et les chercheurs
capables d'un long effort de discipulat trouvaient souvent quelqu'un de ces inconnus près d'un lac dont les eaux fournissaient le prétexte à un signe mystérieux de reconnaissance et de maîtrise.

Toutefois - la justice exige qu'on le dise - il y eut, dans les mains de ces maîtres,
des pouvoirs licites et des pouvoirs illicites. La suite de cet entretien permettra, je l'espère, à ceux d'entre vous à qui cela sera utile, d'en établir le critérium. Les rares écrits de ces adeptes d'ailleurs nous les montrent encore plus comme des chercheurs que comme des Œdipes immobiles revenus de tous les sphinx.


* *
Depuis que la terre porte des fils d'Adam, il existe un centre de sagesse dont le mouvement du dix-septième siècle ne fut qu'un des mille rayons, lancé sur la seule Europe et baptisé du titre de Rose-Croix. Des motifs de haute convenance m'interdisent de révéler quels noms portèrent les autres rayons de ce même centre, lancés sur d'autres pays, avant comme après cette époque.
Ne cherchez pas à connaître prématurément ces secrets. La curiosité fait fuir les mystères. Comprenez seulement que
ceux qui, depuis lors, se parent du titre de Rose-Croix ou qui disent se rattacher à cet Ordre, se trompent et trompent leur public, puisque le centre qui se nomme ainsi au dix-septième siècle a changé son titre.

Les vrais Rose-Croix ne se sont
jamais fait connaître et n'ont jamais rien dévoilé de leurs réels secrets. Ils se sont même ingéniés à détruire quelques livres trop révélateurs, comme le petit in-quarto de Welling imprimé à la fin du dix-huitième siècle, ou les récits de ce capitaine anglais parus à Londres il y a quelque soixante ans. Sait-on davantage ce que sont devenus les carnets chiffrés de Cagliostro ?

La Rose-Croix est une fonction immatérielle de l'âme de la terre. je vais essayer de préciser.
Notre planète reçoit toutes les formes de sa vie, non pas d'un seul soleil, le soleil jaune qui nous éclaire, mais encore de six autres soleils invisibles. Le premier d'entre eux, le rouge, construit les corps terrestres. Son ange est l'être que Paracelse et quelques autres nomment Hélias Artista. Il gouverne la morphologie générale, les affinités des êtres sous leur aspect de molécules minérales, les organisations physiques, chimiques, sociales, intellectuelles et religieuses. Et, de même que tous les soleils, il agit sur terre par intermittences, à la façon d'un phare tournant.
Je dois expliquer comment je conçois les caractères propres de la vie minérale. Elle consiste essentiellement, étant donné un être ou un milieu quelconque, dans un mode propre d'agrégation des atomes de ce milieu ou de cet être, de cette créature en un mot.
La physique et la chimie officielles étudient des modes d'agrégation dans ce qu'elles appellent la matière terrestre.
Mais tout, dans l'univers, possède un aspect minéral. Lorsque l'atome humain se réunit à d'autres atomes humains, de façon à former un groupe solide, fixe et inaltérable (telle la cellule sociale des anciennes synarchies), cette sorte d'organisation, on peut l'appeler l'aspect minéral de l'être social.

Autre exemple. Quand un penseur a construit son organisme mental, ou plutôt l'a reconstruit suivant les lignes de force idéales, telles que l'ensemble de ces conceptions, son savoir personnel, sa sapience individuelle arrive à constituer une sorte d'entité intellectuelle, définitive et immuable, cette sorte d'œuvre cérébrale est l'aspect minéral de la pensée humaine.
Considérons maintenant la personnalité humaine dans l'ensemble des organes occultes qui la constituent essentiellement et dont ce que nous connaissons de nous-mêmes n'est que le résultat extérieur. Cette personnalité contient des représentations de tout l'univers. Pour parler net,
il y a en nous un corps qui vit de la même façon que l'ange, par exemple; il y a en nous un corps qui vit de la même façon que le génie, ou l'élémental, ou l'astre, ou la plante, comme nous savons tous qu'il y a en nous un corps, notre corps physique, qui vit de la vie des animaux.
L'un de ces organismes secrets ne peut être mieux comparé qu'à une gangue en voie de cristallisation dans les profondeurs du s
ol. Quand le rayon du soleil rouge passe, cet organisme se développe sous son influence; comme dans chaque individu prédomine un des types de la vie universelle, l'homme chez qui cette prédominance est minérale voit son être spirituel entraîné dans la direction d'Hélias Artista, et tendre vers l'état du Rose-Croix.


Tout ceci doit vous sembler de pures imaginations; cependant rien n'est plus réel. Dieu est le vivant. La vie est partout; avec elle sont partout la sensibilité, l'intelligence et l'amour. Une pierre éprouve des sensations, perçoit des idées et engendre une volonté. Les pierres de notre terre se trouvent tout au bas de l'échelle universelle des minéraux;
tout en haut sont les pierres rayonnantes et parlantes de la Cité sainte. Un jour viendra où l'homme conversera avec le champ et avec la montagne, où les cailloux du chemin diront leurs secrets au voyageur, où les galets de la grève raconteront au pêcheur les histoires des siècles disparus. Car la nature tient encore en réserve ses secrets par milliards.
Nul ne peut définir cet Hélias Artista. Ceux même sur lesquels il repose sentent son influence sans la pouvoir analyser.
Ce n'est pas Dieu, c'est un dieu,
simplement un des ministres du Père, le remous dans les paradis cosmiques des haleines de l'Esprit à travers les vergers du Seigneur. C'est une force attractive, agglomérante, harmonisatrice qui, dans chaque espèce, tend à réunir les individus et à les organiser par une hiérarchisation d'équilibre et de concours mutuel.

* *


La santé parfaite pour le corps, la pierre philosophale pour la matière, la médecine universelle pour la thérapeutique, l'organon intégral du savoir, la monarchie universelle, la paix universelle, la religion universelle, la fraternité universelle : voilà les œuvres de cet Hélias et les buts des travaux rosicruciens.
Voilà ce qu'ont cherché des alchimistes comme Artéphius, Basile Valentin et le Cosmopolite; des philosophes comme Raymond Lulle, Sabbathier, Fabre d'Olivet, Wronski, Saint-Yves d'Alveydre et Jacob; des meneurs d'hommes tels que Ram, Moise, Charlemagne; des thaumaturges comme Enoch, Elie, et quelques saints peu connus; des émissaires comme le visiteur de Jacob Boehme, comme Isaac Barnaud et Irenaeus Agnostus auprès de Henri IV et de Guillaume d'Orange; comme Ellious Bocthor, l'interprète de Bonaparte aux Pyramides; comme les deux cavaliers albanais soudain apparus aux portières du carrosse où Napoléon ramenait la jeune Marie-louise; comme surtout le grand et intrépide Cagliostro.

Tous ces hommes ont essayé de refondre les anarchies en organisations stables; c'est pourquoi, selon les brochures de 1604, leur patrie symbolique est la Germanie. Et presque tous ont échoué, parce que, si
Hélias Artista représente le Verbe cosmique comme Pacificateur, ce même Verbe, comme Sauveur, n'est encore venu ici-bas que pour y apporter la guerre et non la paix.

Mais il n'importe. Si la maturation de l'or céleste demande des cycles quand la maturation de l'or terrestre demande des siècles, accordons à l'avenir la confiance la plus optimiste. Les murs de la Cité éternelle, que l'apôtre Jean nous décrit avec une concision splendide, ces murs impérissables, sur les parois desquels joue l'infinie magnificence des spectacles divins, leurs pierres ce seront des esprits d'hommes parfaits. Ces portes de la Cité sainte, immuables, grandioses, toutes belles, ce seront ces esprits que connut autrefois l'esprit de la terre, sous l'égide de la Rose-Croix. Souvenons-nous que seulement au jour de l'universelle réintégration se réalisera l'hypothèse sacrée
: « De ces pierres Dieu peut faire naître des enfants à Abraham. » Notre jésus ne déclare-t-il pas être le Roc ? Ses paroles sont totalement vraies le règne de la Pierre est une des formes de l'être cosmique du Verbe. Et si nous ne voyons ici-bas que les pierres muettes, inertes et endormies, il existe dans les eaux supérieures du firmament des roches et des gemmes toutes palpitantes d'une vie extraordinaire et prestigieuse.

* *

Ces inconnus, « amants de la Rose et porteurs de la Croix », comme ils s'intitulaient, en appelant à eux les hommes de bonne volonté, leur indiquaient le chemin.
Il faut ici considérer deux points : l'état d'âme du disciple, puis sa méthode de travail.
Quand l'homme interroge en silence
ses propres profondeurs, il s'affirme l'existence d'une source éternelle de force, de lumière et de paix. Cette fontaine cachée répand parmi les paysages invisibles d'innombrables et d'intarissables ruisselets; point de sente, là-bas, que n'accompagne le murmure de ces ondes régénératrices; point de sable qu'elles ne fertilisent. Il ne s'agit que de laisser tomber les costumes artificiels dont nous croyons à tort devoir nous revêtir et de nous baigner dans ces eaux dispensatrices de vigueur et de pureté.

Alors la simplicité, cette vertu négative, deviendra la simplesse, une vertu active et féconde. Nos yeux, regardant la nature, verront vraiment la Nature, et non pas l'image préconçue que nous nous en étions forgée; regardant les hommes, et nous-mêmes, nous les verrons, nous nous verrons, chair, sang, passions, misères et grandeurs, et
non plus types schématiques ou artificiels.

L'occultisme ordinaire ressemble à un bachelier ès sciences qui, à force de tout réduire en équations, finit par devenir incapable de voir dans les mondes du sentiment autre chose que des prétextes à polynômes. La noblesse d'une colline, la courbe d'un sourire, le pathétique d'un crépuscule, il couche toutes ces beautés sur des épures noires de chiffres. Il ne peut plus s'assimiler la vie; il ne trouve plus en lui de forces pour aimer ni de motifs pour agir.
Quand il a bien macéré
dans les eaux pétrifiantes de la théorie, il se lance à l'extrême opposé. Il brise l'émail dont il s'était fait un masque; il se jette vers la spontanéité, vers l'élan; il s'enflamme; et il se meurtrit durement la tête; car l'esprit est prompt, mais la Nature est lente.

Patience !
« Possédez vos âmes par la patience », a dit le Maître des maîtres. Le vrai désir, le désir sain, le désir fort, le désir prédestiné à la victoire ne se traîne ni ne court; il marche d'un pas long et sûr, comme un vieux soldat. Il marche le jour, oui, mais surtout tout le long des longues nuits froides où l'on bute contre l'invisible caillou, où l'on tombe dans le ravin aux épines mauvaises, où les bêtes rampantes piquent si le bâton les dérange. Il marche tout seul, recru de fatigue, la tête sans pensées, les reins moulus, du nuage gris sur les yeux. Nuits sans lune et sans étoiles, voyageur sans même un chien, bois noir qu'il faut traverser malgré d'insidieuses, chuchotantes et terrifiantes voix; fermes où l'on sait , horribles entr'aperçus, que l'on sera chassé; formes dans les ténèbres; pierres levées, tronc desséché où se blottit l'immémoriale sorcière : la peur!
Et la route diminue en montant, pas après pas, détour après détour, lieue après lieue. La vie est longue, ô disciple; et, si tu trouves quelque roche avec un tapis de mousse, prends le temps d'y dormir une heure ou deux.
Ce sommeil sera propice à ton amour.

Le fort torrent de l'Amour divin demande à être
canalisé dans le cœur de l'homme entre de solides quais de granit; il faut apprendre à attendre, comme un vin nouveau dans une cave sèche et fraîche, qu'années après années l'Amour dans notre cœur dépose sa lie impure.

Ici encore, à l'entrée des domaines rosicruciens, on peut lire le commandement universel des néophytes :
«Abandonne ce qui t'aime, et cherche ce qui te déplaît. »
Il existe, en Europe, un livre où cette maxime se trouve examinée dans tous les sens et sous tous les rapports. Ce livre est pour
ceux qui brûlent, pour ceux qui flambent, pour ceux qui agonisent chaque jour de ne pouvoir étreindre leur idéal. Ce livre, c'est le quai de granit, c'est la cave silencieuse, c'est le vieux prieur lent, c'est le mur infranchissable du cloître.

Il dissèque la science, la vanité, la prudence, la retenue, les affections déréglées; il rend impossibles les espoirs impatients, les épanchements sur un coeur ami, les discours, le zèle indiscret; il émonde, il échenille, il concentre très lentement; il apaise, il amène à l'apparence d'être un cadavre. Et, lorsque toutes les flammes, tous les ouragans, tous les tonnerres dans le cœur du disciple sont enfin ensevelis sous la cendre, emprisonnés dans la crypte, engloutis dans le souverain silence,
ce livre ouvre soudain la porte. Le cœur jaillit comme un bolide, et son élan longuement préparé le jette avec certitude aux pieds de la Présence permanente qui résume les désirs de toute créature.
Voyez-vous maintenant pourquoi
les fils de Rosenkreutz disent que, lorsqu'on a réalisé le premier livre de l'Imitation de Jésus-Christ, on est prêt à entrer dans leur cohorte ? Voilà l'état d'âme du disciple, voilà son effort personnel.

Il va recevoir une aide. Il est sorti de
sa démence mystique; son bel amour primitif de Dieu, son repentir tumultueux flottent enfin devant lui comme d'irréels fantômes; enfin il lie, pense plus à la gloire adeptale ni à son propre salut; il s'oublie lui-même; en parlant à Dieu il peut dire.: « Mon frère le vent, ma sœur la terre, mon frère l'âne, ma sœur la misère. » Alors, en vérité, il commence à parler avec Dieu. Et Dieu lui envoie Son ange.
Ensemble ils partent dans la nuit
vers la Montagne au centre de la terre, où se cache le Trésor, où veille le diable. Le guide et l'homme prient ensemble en marchant; c'est la vraie prière; la sueur jaillit de l'homme tout entier pressé dans les mains effroyables de l'angoisse. Et, comme ils arrivent au sommet, les dragons, les monstres et les diables se jettent sur eux; l'ouragan s'élève, la terre tremble, les rochers se fendent, le tonnerre remplit les ténèbres. Si le voyageur persiste dans la calme et confiante oraison, il est sauf. Aux premières blancheurs de l'aurore le Trésor apparaît et la nature alentour devient un paradis.


Le candidat est accepté;
les vertus des choses et les arcanes physiques lui sont dévoilés.
Toutefois, la connaissance des arcanes ne doit pas être le but de ses efforts. Aussi les Rose-Croix n'y voient-ils qu'un Parergon. Ils n'admettent à l'Œuvre véritable qu'après de nouvelles épreuves. Quant à la nature de cet Œuvre, jamais ils ne l'ont expliqu
é. Il ne convient pas de violer leur secret. C'est déjà beaucoup de savoir que, à leur yeux, les maîtrises en alchimie, ou en magie, ou en hermétisme ne sont qu'une préparation.

* *


C'est le moment de conclure.

Vouloir conquérir le titre de Rose-Croix est une illusion. On peut seulement se mettre dans les conditions nécessaires pour que, lorsqu
e la splendeur d'Hélias Artista passera sur notre esprit, il soit fécondé par cette force, et qu'il se développe ensuite selon cette forme.
Ces conditions se trouvent remplies quand on est devenu un
élève docile de Thomas a Kempis.

Mais, comme personne ne se connaît, ni dans son état actuel ni dans ses possibilités futures,
comme personne ne sait le moment où passe l'Artista mystérieux ni même ne peut discerner son passage, n'est-il pas plus prudent de remonter à la source de l'Imitation qui est l'Évangile, de rechercher le maître d'Hélias, notre Seigneur Jésus ?

Aucun homme, aucun dieu n'a encore embrassé du regard l'horizon spirituel que décrivent les Évangiles. Aucun autre livre ne renferm
e une égale somme de connaissances ni sur la terre, ni sur aucun astre visible, ni dans aucun lieu invisible. L'initiation rosicrucienne n'est qu'une seule des quelque soixante-dix initiations dont l'Evangile énonce les règles. Il les énonce d'une façon incompréhensible, sur un plan inconnaissable pour nous; mais je vous certifie qu'il les énonce.
Attachons-nous donc à l'Évangile. Que le dernier des hommes, le plus ignorant, le plus stupide parvienne dans toute sa vie à réaliser un seul des conseils évangéliques, il atteindrait tout de suite la Maison du Père, et
ce monde, ne pouvant supporter le feu terrible que rayonnerait ce cœur, le libérerait à l'instant des chaînes de matière.
L'homme recèle les germes de toutes les sciences et de tous les pouvoirs; il les laisse dormir et, quand il veut les réveiller, il en fait de frêles plantes de serre ou des fleurs monstrueuses, sans parfum et sans vertu.
Écoutons plutôt le grand Jardinier : le Jardinier, la forme sous laquelle le Verbe apparut après Sa victoire à l'amour repentant. Nous avons tous
, comme la courtisane d'Israël, avili nos beautés intérieures. Laissons le Jardinier arracher les mauvaises herbes, bêcher, ensemencer, fumer, arroser; ne L'aidons que comme Il nous demande de L'aider, et non pas comme nous croyons utile de L'aider.

Si nous nous estimions à notre juste valeur, si nous étions humbles, toutes ces angoisses et ces fatigues que j'ai essayé de vous décrire tout à l'heure nous seraient épargnées.
Ne cherchons pas à devenir des adeptes, des Rose-Croix, des Mahatmas, ni même des saints. Cherchons simplement à faire plaisir à Notre Ami très fidèle. Il sait bien quels offices nous sommes capables de remplir. De quoi nous inquiétons-nous ?
La possession de quels secrets, la maîtrise de quelles forces, la victoire sur quels dieux vaudront-elles jamais devant l'ineffable promesse :
« Voici, mes Amis, je suis avec vous tous les jours jusqu'à la fin ?»

Vous tous qui m'écoutez, vous avez lu cette promesse, dès votre enfance, et combien de fois ?
Cependant qui de vous l'a lue ?
Croyez-en quelqu'un revenu de chez les peuples étranges : ne cherchez pas des trésors au loin ; ramassez ceux, ici, que l'on foule aux pieds. Et apprenons ensemble à nous baisser. Nous apprendrons ainsi que l'attitude la plus magnifique où l'homme puisse atteindre, c'est de se tenir à genoux.

Sources Livres Mystiques

Posté par Adriana Evangelizt

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