Salomon dans les moeurs donnait l'exemple... il aurait eu 700 femmes et 300 concubines...
Histoire de la prostitution chez tous les Peuples du monde
depuis l'Antiquité la plus reculée jusqu'à nos jours
par P. L JACOB
Chapitre III
2ème partie
Un ancien commentateur juif des livres de Moïse ajoute beaucoup de traits de moeurs, que lui fournit la tradition, au chapitre xv des Nombres, dans lequel sont mentionnés les débordements des Israélites avec les filles de Moab. Ces filles avaient dressé des tentes et ouvert des boutiques (officinae) depuis Bet- Aiscimot jusqu'à Ar-Ascaleg : là, elles vendaient toutes sortes de bijoux ; et les Hébreux mangeaient et buvaient au milieu de ce camp de Prostitution.
Quand l'un d'eux sortait pour prendre l'air et se promenait le long des tentes, une fille l'appelait de l'intérieur de la tente où elle était couchée : « Viens, et achète-moi quelque chose? » Et il achetait; le lendemain il achetait encore, et le troisième jour elle lui disait : « Entre, et choisis-moi ; tu es le maître ici. » Alors, il entrait dans la tente; et là, il trouvait une coupe pleine de vin ammonite qui l'attendait : « Qu'il te plaise de boire ce vin ! » lui disait-elle. Et il buvait, et ce vin enflammait ses sens, et il disait à la belle fille de Moab : « Baise-moi! » Elle, tirant de son sein l'image de Phegor (sans doute un phallus) : « Mon seigneur, lui disait-elle, si tu veux que je te donne un baiser, adore mon dieu ? — Quoi ! s'écriait-il, puis-je accepter l'idolâtrie?—Que t'importe! reprenait l'enchanteresse; il suffit de te découvrir devant cette image. » L'Israélite se gardait bien.de refuser un pareil marché ; il se découvrait, et la Moabite achevait de l'initier au culte de Baal- Phegor. C'était donc reconnaître Baal et l'adorer, que de se découvrir devant lui. Aussi, les Juifs, de peur de paraître la tête nue en sa présence, conservaient leur bonnet jusque dans le temple et devant le tabernacle du Seigneur. Ces filles de Moab n'étaient peut-être pas trop innocentes de la plaie qui frappa Israël, à la suite des idolâtries qu'elles avaient sollicitées; car, après l'expédition triomphante que Moïse avait envoyée contre les Madianites, tous les hommes ayant été passés au fil de l'épée, il ordonna de tuer aussi une partie des femmes qui restaient prisonnières : « Ce sont elles, dit-il aux capitaines de l'armée, ce sont elles qui, à la suggestion de Balaam, ont séduit les fils d'Israël et vous ont fait pécher contre le Seigneur en vous montrant l'image de Phegor. » Il fit donc tuer impitoyablement toutes les femmes qui avaient perdu leur virginité (mulieres quae noverunt viros in coitu).
Moïse, dans vingt endroits de ses livres, paraît se préoccuper beaucoup de la virginité des filles : c'était là une dot obligée que la femme juive apportait à son mari, et l'on doit croire que les Hébreux, si peu avancés qu'ils fussent dans les sciences naturelles, avaient des moyens certains de constater la virginité, lorsqu'elle existait, et de prouver ensuite qu'elle avait existé. Ainsi (Deuteron., ch. XXII), lorsqu'un mari, après avoir épousé sa femme, l'accusait de n'être point entrée vierge dans le lit conjugal, le père et la mère de l'accusée se présentaient devant les anciens qui siégeaient à la porte de la ville, et produisaient à leurs yeux les marques de la virginité de leur fille, en déployant la chemise qu'elle avait la nuit de ses noces. Dans ce cas, on imposait silence au mari et il n'avait plus rien à objecter contre une virginité si bien établie. Mais, dans le cas contraire, quand la pauvre femme n'en pouvait produire autant, elle courait risque d'être convaincue d'avoir manqué à ses devoirs et d'être alors condamnée comme ayant forniqué dans la maison de son père : on la conduisait devant cette maison et on l'assommait à coups de pierres. Moïse, ainsi que tous les législateurs, avait prononcé la peine de mort contre les adultères; quant au viol, celui d'une fille fiancée était seul puni de mort, et la fille périssait avec l'homme qni l'avait outragée, à moins que le crime eût été commis en plein champ ; autrement, cette infortunée était censée n'avoir pas crié ou avoir peu crié. Si la fille n'avait pas encore reçu l'anneau de fiancée, son insulteur devenait son mari pour l'avoir humiliée (quia humiliavit illam), à la charge seulement de payer au père de sa victime cinquante sicles d'argent, ce qui s'appelait l'achat d'une vierge.
Moïse, plus indulgent pour les hommes que pour les femmes, prescrivait à celles-ci une chasteté si rigoureuse, que la femme mariée qui voyait son mari aux prises avec un autre homme ne pouvait lui venir en aide, sous peine de s'exposer à perdre la main; car on coupait la main à la femme qui, par mégarde ou autrement, touchait les parties honteuses d'un homme; or, dans leurs rixes, les Juifs avaient l'habitude de recourir trop souvent à ce mode d'attaque redoutable, qui n'allait à rien moins qu'à mutiler la race juive. Ce fut donc pour empêcher ces combats dangereux, que Moïse ferma l'entrée du temple aux eunuques, de quelque façon qu'ils le fussent devenus (attrilis vel ampulatis testiculis et abscisso veretro. Deutéron., XXIII). Mais toutes ces rigueurs de la loi ne s'appliquaient qu'aux femmes juives ; les étrangères, quoi qu'elles fissent dans Israël ou avec Israël, n'étaient nullement inquiétées, et Moïse lui-même savait bien tout le prix de ces étrangères, puisque, âgé de plus de cent ans, il en prit une pour femme ou plutôt pour concubine.
C'était une Éthiopienne, qui n'adorait pas le Dieu des Juifs, mais qui n'en plaisait pas moins à Moïse. La soeur de ce favori de l'Éternel, Marie, eut à se repentir d'avoir mal parlé de l'Éthiopienne, car Moïse s'attrista et le Seigneur s'irrita : Marie devint lépreuse, blanche comme neige, en châtiment de ses malins propos contre la noire maîtresse de Moïse. Celui-ci, qui ne prêchait pas toujours d'exemple, eût été malvenu à exiger des Israélites une continence qui lui semblait difficile à garder. Il leur recommandait seulement la modération dans les plaisirs des sens, la chasteté dans les actes extérieurs. Ainsi, suivant sa loi, l'amour était une sorte de mystère, qui ne devait s'accomplir qu'avec certaines conditions de temps, de lieu et de décence. Il y avait, en outre, beaucoup de précautions à prendre dans l'intérêt de la salubrité publique : les femmes juives étaient sujettes à des indispositions héréditaires que l'abus des rapports sexuels pouvait aggraver et multiplier; les familles, en se concentrant pour ainsi dire sur elles-mêmes, avaient appauvri et vicié leur sang.
L'intempérance étant le vice dominant des Israélites, leur législateur, qui eût été impuissant à les rendre absolument chastes et vertueux, leur prescrivit de se modérer dans leurs désirs et dans leurs jouissances : «Que les fils d'Israël , dit le Seigneur à Moïse, portent des bandelettes de pourpre aux bords de leurs manteaux, afin que la vue de ces bandelettes leur rappelle les commandements du Seigneur et détourne de la fornication leurs yeux et leurs pensées. » (Nombr., xv.)
Les étrangères ou femmes de plaisir n'étaient pas si décriées dans Israël, que leurs fils ne pussent prendre rang et autorité parmi le peuple de Dieu : ainsi, le brave Jephté était né, à Galaad, d'une prostituée, et il n'en fut pas moins un des chefs de guerre les plus estimés des Israélites. Un commentateur des livres saints a pensé que Jephté, pour expier la prostitution de sa mère, consacra au Seigneur la virginité de sa fille unique. On a peine à croire, en effet, que Jephté ait réellement immolé sa fille, et il faut sans doute ne voir dans cet holocauste humain qu'un emblème assez intelligible : la fille de Jephté pleure, pendant deux mois, sa virginité avec ses compagnes, avant de prendre l'habit de veuve et de se vouer au service du Seigneur.
Quant au lévite d Éphraïm, il avait pris dans le pays de Bethléem une concubine qui paillarda chez lui, dit la traduction protestante de la Bible, et qui le quitta pour retourner chez son père. Ce fut là que le lévite alla, pour leur malheur, la rechercher : à son retour, il accepta l'hospitalité que lui offrait un bon vieillard de la ville de Guibha, et entra dans la maison de ce vieillard, pour y passer la nuit, avec ses deux ânes, sa concubine et son serviteur. Les voyageurs lavèrent leurs pieds, mangèrent et burent; mais, comme ils allaient s'endormir, les habitants de Guibha , qui étaient enfants de Jemini et appartenaient à la tribu de Benjamin, environnèrent la maison et, heurtant à la porte, crièrent à l'hôte : « Amène-nous l'homme qui est entré chez toi, pour que nous abusions de lui (ut abutamur co). » Le vieillard sortit à la rencontre de ces fils de Bélial et leur dit : « Frères, ne commettez pas cette vilaine action ; cet homme est mon hôte et je dois le protéger. J'ai une fille vierge et cet homme a une concubine : je vais vous livrer ces deux femmes et vous assouvirez sur elles votre brutalité; mais , je vous en supplie, ne vous souillez pas d'un crime contre nature, en abusant de cet homme. » Ces furieux ne voulaient rien entendre; enfin, le lévite d'Ephraïm mit dehors sa concubine et l'abandonna aux Benjamites, qui abusèrent d'elle toute la nuit. Le lendemain matin, ils la renvoyèrent, et cette malheureuse, épuisée par cette horrible débauche, put à peine se traîner jusqu'à la maison où dormait son amant : elle tomba morte, les mains étendues sur le seuil. C'est en ce triste état que le lévite la trouva en se levant. Quoiqu'il l'eût en quelque sorte sacrifiée lui-même, il ne fut que plus ardent à la venger. Israël prit fait et cause pour cette concubine et s'arma contre les Benjamites, qui furent presque exterminés. Ce qui resta de la tribu coupable n'aurait pas eu de postérité, si les autres tribus, qui avaient juré de ne pas donner leurs filles à ces fils de Bélial, ne s'étaient avisées de faire prisonnières les filles de Jabès en Galaad et d'enlever les filles de Silo en Chanaan, pour repeupler le pays, que cette affreuse guerre avait changé en solitude.
Les Benjamites épousèrent donc des étrangères et des idolâtres. Ces étrangères ne tardèrent pas sans doute à rétablir le culte de Moloch et de Baal-Phegor dans Israël, comme le firent plus tard les concubines du roi Salomon. Sous ce roi, qui régnait mille ans avant Jésus-Christ, et qui éleva le peuple juif au plus haut degré de prospérité, la licence des moeurs fut poussée aux dernières limites. Le roi David, sur ses vieux jours, s'était contenté de prendre une jeune fille vierge qui avait soin de lui et qui le réchauffait la nuit dans sa couche. Le Seigneur, malgré cette innocente velléité d'un vieillard glacé par l'âge, ne s'était pourtant pas retiré de lui et le visitait encore souvent. Mais Salomon, après un règne glorieux et magnifique,
se laissa emporter par la fougue de ses passions charnelles : il aima, outre la fille d'un Pharaon d'Egypte, qu'il avait épousée, des femmes étrangères, des Moabites, des Ammonites, des Iduméennes, des Sidoniennes et d'autres que le dieu d'Israël lui avait ordonné de fuir comme de dangereuses sirènes. Mais Salomon se livrait avec frénésie à ses débordements. (His itaque copulatus est ardentissimo amore). Il eut sept cents femmes et trois cents concubines, qui détournèrent son coeur du vrai Dieu. Il adora donc Astarté, déesse des Sidoniens ; Camos, dieu des Moabites, et Moloch, dieu des Ammonites ; il érigea des temples et des statues à ces faux dieux, sur la montagne située vis-à-vis de Jérusalem ; il les encensa et leur offrit d'impurs sacrifices. Ces sacrifices , offerts à Vénus, à Adonis et à Priape sous les noms de Moloch, de Camos et d'Astarté, avaient pour prêtresses les femmes et les concubines de Salomon.
Il y eut, en effet, pendant le règne de ce roi voluptueux et sage, un si grand nombre d'étrangères qui vivaient de Prostitution au milieu d'Israël, que ce sont deux prostituées qui figurent comme héroïnes dans le célèbre jugement de Salomon. La Bible fait comparaître ces deux femmes de mauvaise vie (meretrices) devant le trône du roi, qui décide entre elles et tranche leur différend sans leur témoigner aucun mépris.
A cette époque, la Prostitution avait donc une existence légale, autorisée, protégée, chez le peuple juif. Les femmes étrangères, qui en avaient pour ainsi dire le monopole, s'étaient même glissées dans l'intérieur des villes, et elles y exerçaient leur honteuse industrie publiquement, effrontément, sans craindre aucune punition corporelle ou pécuniaire.
Deux chapitres du Livre des Proverbes de Salomon, le VIe et le VIIe, sont presque un tableau de la Prostitution et de son caractère en ce temps-là. On pourrait induire de certains passages du chapitre v, que ces étrangères n'étaient pas exemptes de terribles maladies, nées de la débauche, et qu'elles les communiquaient souvent aux libertins, qui en étaient consumés (quando consumpseris carnes tuas) : « Le miel distille des lèvres d'une courtisane, dit Salomon ; sa bouche est plus douce que l'huile ; mais elle laisse des traces plus amères que l'absinthe et plus aiguës que le glaive à deux tranchants... Détourne-toi de sa voix et ne t'approche pas du seuil de sa maison, de peur de livrer ton honneur à un ennemi et le reste de ta vie à un mal cruel, de peur d'épuiser tes forces au profit d'une paillarde et d'enrichir sa maison à tes dépens. » Dans le chapitre VII, on voit une scène de Prostitution,qui diffère peu dans ses détails de celles qui se reproduisent de nos jours sous l'œil vigilant de la police ; c'est une scène que Salomon avait vue certainement d'une fenêtre de son palais, et qu'il a peinte d'après nature avec les pinceaux d'un poète et d'un philosophe : « D'une fenêtre de ma maison, dit-il, à travers les grillages, j'ai vu et je vois les hommes, qui me paraissent bien petits. Je considère un jeune insensé qui traverse le carrefour et qui s'avance vers la maison du coin, lorsque le jour va déclinant, dans le crépuscule de la nuit et dans le brouillard. Et voici qu'une femme accourt vers lui, parée comme le sont les courtisanes, toujours prête à surprendre les âmes, gazouillante et vagabonde, impatiente de repos tellement que ses pieds ne tiennent jamais à la maison; tantôt à sa porte, tantôt dans les places, tantôt aux angles des rues, dressant ses embûches. Elle saisit le jeune homme, elle le baise, elle lui sourit avec un air agaçant : « J'ai promis des offrandes aux dieux à cause de toi, lui dit-elle; aujourd'hui mes vœux devaient être comblés. C'est pourquoi je suis sortie à ta rencontre, désirant te voir, et je t'ai trouvé. J'ai tissu mon lit avec des cordes, je l'ai couvert de tapis peints venus d'Egypte, je l'ai parfumé de myrrhe, d'aloès et de cinnamome. Viens, enivrons-nous de volupté, jouissons de nos ardents baisers jusqu'à ce que le jour reparaisse. Car mon maître (vir) n'est pas dans sa maison ; il est allé bien loin en voyage ; il a emporté un sac d'argent; il ne reviendra pas avant la pleine lune. » Elle a entortillé ce jeune homme avec de pareils discours, et, par la séduction de ses lèvres, elle a fini par l'entraîner. Alors il la suit comme le boeuf conduit à l'autel du sacrifice; comme l'agneau qui se joue, ne sachant pas qu'on doit le garrotter, et qui l'apprend lorsqu'un fer mortel lui traverse le cœur ; comme l'oiseau qui se jette dans le filet, sans savoir qu'il y va de sa vie. Maintenant donc, mes enfants, écoutez-moi et ayez égard aux paroles de ma bouche : Que votre esprit ne se laisse pas attirer dans la voie de cette impure, et qu'elle ne vous égare point sur ses traces ; car elle a mis à bas beaucoup d'hommes gravement blessés , et les plus forts ont été tués par elle. » Salomon, au milieu des orgies de ses concubines, célébrant les mystères de Moloch et de Baal, le grand roi Salomon avait probablement oublié ses Proverbes. Salomon néanmoins se repentit et mourut dans la paix du Seigneur.
Le fléau de la Prostitution resta toujours attaché, comme la lèpre, à la nation juive; non-seulement la Prostitution légale, que tolérait la loi de Moïse dans l'intérêt de la pureté des moeurs domestiques, mais encore la Prostitution sacrée qu'entretenait au milieu d'Israël la présence de tant de femmes étrangères élevées dans la religion de Moloch, de Camos et de Baal-Phegor. Les prophètes, que Dieu suscitait sans cesse pour gourmander et corriger son peuple, le trouvaient occupé à sacrifier aux dieux de Moab et d'Ammon sur le sommet des montagnes et dans l'ombre des bois sacrés : l'air retentissait de chants licencieux et se remplissait de parfums que les prostituées brûlaient devant elles. Il y avait des tentes de débauche aux carrefours de tous les chemins et jusqu'aux portes des temples du Seigneur. Il fallait bien que le scandaleux spectacle de la Prostitution affligeât constamment les yeux du prophète, pour que ses prophéties en reflétassent à chaque instant les images impudiques.
Isaïe dit à la ville de Tyr, qui s'est prostituée avec toutes les nations de la terre : « Prends une cithare, ô courtisane condamnée à l'oubli, danse autour de la ville, chante, fais résonner ton instrument, afin qu'on se ressouvienne de toi ! » On voit, par ce passage, que les étrangères faisaient de la musique pour annoncer leur marchandise. Jérémie dit à Jérusalem, qui, comme une cavale sauvage, aspire de toutes parts les émanations de l'amour physique : « Courtisane, tu as erré sur toutes les collines, tu t'es prostituée sous tous les arbres ! »
Jérémie nous représente sous les couleurs les plus hideuses ces impurs enfants d'Israël qui se souillaient de luxure dans la maison d'une paillarde, et qui devenaient des courtiers de Prostitution. (Maechati sunt et in domo meretricis luxuriabanlur; equi amatores et emissarii facti sunt.) Les Juifs, lorsqu'ils furent menés en captivité à Babylone, n'eurent donc pas à s'étonner de ce qu'ils y virent en fait de désordres et d'excès obscènes dans le culte de Mylitta qu'ils connaissaient déjà sous le nom de Moloch. Jérémie leur montre avec une sainte indignation les prêtres qui trafiquent de la Prostitution, les dieux qui y président, l'or du sacrifice payant les travaux de la courtisane, et la courtisane rendant aux autels le centuple de la solde qu'elle en a reçue. (Dant autem et ex ipso prostitutis, et meretrices ornant, et iterum, cum receperint illud a meretricibus, ornant deos suos.)
Mais Israël peut maintenant, sur le champ de la Prostitution, en apprendre à tous les peuples qui l'ont instruit et qu'il a surpassés. Le prophète Ezéchiel nous fait une peinture épouvantable de la corruption juive. Ce ne sont, dans ses effrayantes prophéties, que mauvais lieux ouverts à tout venant, que tentes de paillardise plantées sur tous les chemins, que maisons de scandale et d'impudicité ; on n'aperçoit que courtisanes vêtues de soie et de broderie, étincelantes de joyaux, chargées de parfums; on ne contemple que des scènes infâmes de fornication. La grande prostituée, Jérusalem, qui se donna aux enfants d'Egypte à cause des promesses de leur belle taille, fait des présents aux amants dont elle est satisfaite , au lieu de leur demander un salaire : « Je te mettrai dans les mains de ceux à qui tu t'es abandonnée, lui dit le Seigneur, et ils détruiront ton lupanar, et ils démoliront ton repaire ; et ils te dépouilleront de tes vêtements, et ils emporteront tes vases d'or et d'argent, et ils te laisseront nue et pleine d'ignominie. » Il fallait que Jérusalem eût porté au comble ses prévarications, pour que le prophète la menaçât du sort de Sodôme. La Prostitution qui faisait le plus souffrir les hommes de Dieu, ce devait être celle qui persistait à s'abriter sous les voûtes du temple de Salomon. Ce temple, du temps des Machabées, un siècle et demi avant Jésus-Christ, était encore le théâtre du commerce des prostituées qui venaient y chercher des chalands. (Templum luxuria ci comessationibus gcntium erat plénum et scortanlium cum meretricibus.) On doit croire que cet état de choses ne changea pas jusqu'à ce que Jésus eut chassé les vendeurs du temple, et bien que les évangélistes ne s'expliquent pas sur la nature du commerce dont Jésus purgea la maison du Seigneur, le livre des Machabées, écrit cent ans auparavant, nous indique assez ce qu'il pouvait être. D'ailleurs, il est parlé de marchands de tourterelles dans l'Évangile de saint Marc, et l'on doit présumer que ces oiseaux, chers à Vénus et à Moloch, n'étaient là que pour fournir des offrandes aux amants. La loi des Jalousies, si poétiquement imaginée par Moïse, ne prescrivait pas aux époux ce sacrifice d'une tourterelle ; mais seulement celui d'un gâteau de farine d'orge.
Jésus, qui fut impitoyable pour les hôtes parasites du sanctuaire et qui brisa leur comptoir d'iniquité, se montra pourtant plein d'indulgence à l'égard des femmes, comme s'il avait pitié de leurs faiblesses. Quand la Samaritaine le trouva assis au bord d'un puits, cette étrangère qui avait eu cinq maris et qui vivait en concubinage avec un homme, Jésus ne lui adressa aucun reproche et s'entretint doucement avec elle, en buvant de l'eau qu'elle avait tirée du puits. Les disciples de Jésus s'étonnèrent de le voir en compagnie d'une telle femme et dirent dédaigneusement : « Pourquoi parler à cette créature? » Les disciples étaient plus intolérants que leur divin maître, car ils auraient volontiers lapidé, selon la loi de Moïse, une autre femme adultère, que Jésus sauva en disant : « Que celui qui n'a pas péché lui jette la première pierre! » Enfin, le Fils de l'homme ne craignit pas d'absoudre publiquement une prostituée, parce qu'elle avait honte de son coupable métier. Tandis qu'il était à table dans la maison du pharisien, à Capharnaum, une femme de mauvaise vie (peccatrix), qui demeurait dans cette ville, apporta un vase d'albâtre contenant une huile parfumée; elle arrosa de ses larmes les pieds du Sauveur, les oignit d'huile et les essuya avec ses cheveux. Ce que voyant le pharisien, il disait en lui-même : « S'il était prophète, il saurait bien quelle est cette femme qui le touche, car c'est une pécheresse. » Jésus , se tournant vers cette femme, lui dit avec une bonté angélique : «Tes péchés, si grands et si nombreux qu'ils soient, te sont remis, parce que tu as beaucoup aimé. » Ces paroles de Jésus ont été commentées et tourmentées de bien des manières ; mais, à coup sûr, le fils de Dieu , qui les a prononcées, n'entendait pas encourager la pécheresse à continuer son genre de vie. Il chassa sept démons qui possédaient cette femme, nommée Marie-Madeleine, et qui n'étaient peut-être que sept libertins avec qui elle avait des habitudes. Madeleine devint dès lors une sainte femme, une digne repentie; elle s'attacha aux pas du divin Rédempteur, qui l'avait délivrée; elle le suivit en larmes jusqu'au Calvaire ; elle s'assit, toujours gémissante, devant le sépulcre. Ce fut à elle que le Christ apparût d'abord, comme pour lui donner un témoignage éclatant de pardon. Cette pécheresse fut mise au rang des saintes, et si, pendant tout le Moyen-Âge, elle ne se sentit pas fort honorée d'être la patronne des pécheresses qui n'imitaient pas sa conversion, elle les consolait du moins par son exemple, et, même au fond de leurs retraites maudites, elle leur montrait encore le chemin du ciel. (Remittuntur ei peccata multa, quoniam dilexit multum.)
Posté par Adriana Evangelizt