Pourquoi on est patron ou ouvrier... les devoirs de chacun... très très intéressant...
Le travail professionnel
par Sédir
2ème partie
D'abord, une remarque générale. L'employeur et l'employé se regardent presque toujours en ennemis.
Le premier vit dans la méfiance du second; et celui-ci murmure contre la tyrannie ou l'avarice de celui-là. Le patron est certain que ses ouvriers perdent leur temps et le volent; les ouvriers, à leur tour, se persuadent qu'ils sont des victimes sans défense; et ces soupçons, savamment cultivés par de bons apôtres qui vivent de ces enfantillages, s'exaspèrent et amènent des violences.
Et pourtant tout serait si facile, avec un peu de calme et de bon sens! Celui-ci est le maître, celui-là le manœuvre; aujourd'hui, oui. Mais, hier, qu'étaient-ils? Et demain, que serez-vous? Croyez-vous donc que c'est par votre propre mérite que vous possédez maintenant une usine florissante ? Votre intelligence, votre habileté, votre fermeté furent les instruments de votre fortune ? D'accord; mais d'où vous viennent ce sens des affaires, cette énergie ? Vous n'avez fait que développer des germes latents, et la force même de ce développement ne vient pas de vous. Ne méprisez donc pas vos inférieurs, ne les craignez pas; ils seront pour vous ce qu'il est juste qu'ils soient. Et vous, prolétaires, ne haïssez pas vos chefs; ils sont tels qu'il faut pour le bien de votre âme. Vous êtes, nous sommes tous les collaborateurs de tous; l'humanité entière travaille au même chef-d'œuvre, quelque divergentes que paraissent ses besognes particulières.
Le but n'est pas d'enfermer quelques liasses de plus dans un coffre-fort ou de marier ses enfants plus richement; ouvrons tout grands nos yeux pour voir la vie dans son plus vaste horizon. Nous ne sommes que des cellules du corps social, que des atomes du règne hominal, de bien misérables petites choses. Au point de vue du simple sociologue, toutes les fatigues de tout un peuple ne concourent-elles pas à la même œuvre? Combien plus des spiritualistes ne doivent-ils pas mettre en commun leurs efforts?
Dans notre corps, les cellules de l'intestin et celles du cervelet travaillent dans le même sens; si elles se désunissent, cela fait une maladie. De même, si le paysan, le maçon et l'homme de lettres n'effacent pas leurs désirs personnels devant les besoins de la patrie ou, mieux encore, devant la Volonté de Dieu, cela fait aussi une maladie: crise économique, intrigues, déséquilibre de pouvoirs, révolution.
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C'est le moment de rechercher quels sont les devoirs des supérieurs envers les inférieurs.
Posons en principe que les premiers sont responsables des seconds. Toute leur conduite ne doit être que la pratique de cette maxime. Ce n'est pas l'homme qui inventa la hiérarchie, et ce n'est pas non plus le jeu du hasard qui rangea les créatures et les fonctions ontologiques dans un ordre de dépendance. La loi de hiérarchie est divine; et le patron, le contremaître même, aussi bien que le prince, tiennent leur autorité de Dieu; les causes secondes qui paraissent les avoir placés à leurs postes respectifs, comme l'intelligence, l'énergie, l'habileté, la naissance, ne sont que les apparences par lesquelles le décret divin se signifie selon la faiblesse de notre compréhension ou la débilité de notre jugement.
Si cet état de choses oblige l'inférieur à la soumission, il pèse sur les épaules du supérieur en le chargeant d'une responsabilité très grave. Quels ne doivent pas être les scrupules et les examens de conscience et les implorations vers la Lumière d'un homme qui se sent pourvu d'une dignité aussi écrasante que celle de représentant de Dieu sur la terre?
Le peuple ne sait pas assez combien il est facile de n'avoir qu'à obéir. Il est pauvre en argent, en instruction, en toutes sortes de biens; mais il peut toutefois offrir à ses dirigeants l'aumône de sa docilité, de sa résignation, de son coeur simple. Il collabore ainsi de la façon la plus efficace au grand œuvre social et humanitaire.
Quant aux chefs, ils doivent être justes, mais ni faibles, ni tyranniques. Ils sont responsables dans une certaine mesure de la conduite de leurs subordonnés. Ils doivent être leurs soutiens dans les défaillances, leurs guides dans les passes difficiles. Surtout ils doivent donner: leur argent, leur temps, leur instruction, leur éducation, tous ces trésors, qu'ils sachent qu'ils n'en sont pas les propriétaires mais les dépositaires, pas les maîtres mais les intendants.
Ils doivent s'occuper du peuple, non point pour l'avantage moral ou matériel qui résultera de leurs soins, mais du fond du cœur; parce que nous sommes tous frères; parce que notre Maître à tous est descendu jusqu'au plus misérable des hommes. Ainsi, lorsqu'un père empêche son fils de faire l'école buissonnière, c'est une souffrance pour le petit, mais qu'un plus grand bien effacera quelques années ensuite.
Les classes supérieures n'ont pas à se considérer comme extraites d'un limon de qualité superfine. Une âme s'incarne dans une famille riche, noble ou puissante, bien plus parce que là se trouve son juste destin que parce qu'il s'est acquis des mérites antérieurement. Les qualités physiques, nerveuses ou intellectuelles qui différencient les classes sociales ne sont que des vêtements ou des instruments de travail; elles n'impliquent pas du tout une élévation ou une bassesse correspondante, au spirituel. L'athlète, le politique génial, l'artiste, le savant, le thaumaturge même peuvent très bien n'être que des monstres dans le plan de la Lumière surnaturelle. En réalité, nous ignorons tout de notre prochain; il n'est donc que strictement équitable de le traiter en égal.
Et, ici, permettez-moi d'insister sur la différence qui se trouve entre la philanthropie humanitaire et la charité divine. De nos jours on a enfin compris qu'il faut d'abord pourvoir aux besoins matériels des pauvres et ne s'occuper qu'ensuite de leurs besoins moraux et intellectuels. Ce n'est pas encore suffisant pour que luise sur cette terre de meurtre l'aurore de la fraternité universelle. Regardez autour de vous, regardez-vous vous-mêmes. Combien de personnes plus évoluées, plus fortes, plus intelligentes que vous vous ont déjà donné leurs soins ! Vos parents, vos instituteurs, les inventeurs, les héros de la patrie, de la pensée, de l'art, du divin, tous ont travaillé et souffert pour vous; et combien d'entre eux sont morts à la tâche! La culture dont vous êtes fiers, les commodités matérielles dont il vous semble si naturel de jouir sont tissées avec la vie même d'innombrables ancêtres, de contemporains anonymes et de cohortes d'êtres invisibles plus nombreux que les grains de sable des plages.
La rumeur de tous ces êtres en travail forme une grande voix à l'accent impérieux de laquelle je veux vous rendre attentifs. Vous devez descendre vers les plus petits que vous comme vos aînés sont descendus jusqu'à vous. Vous y êtes strictement obligés pour peu que le sentiment de la justice palpite en vous. et l'obligation s'accentue encore si, non contents de ce que vous possédez déjà, vous désirez accroître ce trésor vivant de forces, de sensations, de sentiments, d'idées, de pouvoirs, d'intuitions que le Père a confié à votre gérance. Si vous n'allez pas vers vos inférieurs, les anges ne s'approcheront point de vous. Vous donc, chef de bureau, patron; notable, acceptez l'invitation de votre commis, de votre ouvrier, de votre artisan; provoquez-la au besoin; allez avec bonhomie dans le logement modeste. Donnez avec tact; mais, quant aux conseils, attendez qu'on vous les demande. Si vous vous montrez homme de sens, judicieux, inaccessible à la flatterie, vos subalternes s'en apercevront vite et s'empresseront de vous consulter.
En matière de philanthropie, la première précaution à prendre est d'établir la confiance; la seconde est de ne pas laisser voir qu'on attend de la reconnaissance, de ne pas prendre une attitude de bienfaiteur. Cela paraît simple, mais c'est difficile. Pour cela, le mieux, c'est de s'assimiler au préalable cet axiome mystique qui exprime avec la plus grande précision le mécanisme invisible de la charité : à savoir que celui qui fait l'aumône est l'obligé de celui qui la reçoit.
En d'autres termes, et dans un cercle plus général, le meilleur procédé pour agir, celui par lequel l'acte est à la fois riche en résultats et adapté avec le milieu, tout en ne liant pas son auteur à l'enchaînement de ses conséquences, c'est le procédé que détaille l'évangile: faire le bien en secret, dans l'intention la plus désintéressée, avec l'humilité la plus grande.
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Appliquez cette remarque à l'étude des devoirs des inférieurs envers les supérieurs et vous trouverez rapidement tous les sommaires des nombreux traités qu'on a écrits là-dessus. Car on s'est beaucoup plus occupé de ce sujet que du précédent.
Le Ciel place un homme dans une position subalterne, d'abord pour lui apprendre la soumission. S'ajouteront en outre d'autres leçons; mais celle-ci renferme l'essentiel. Nous avons en nous-mêmes un foyer inextinguible et vivace de révolte; inutile d'apprendre la révolte; Nous la savons de naissance. C'est pourquoi toute l'immense chaîne de nos transmigrations, des terres désolées perdues aux confins de l'univers jusqu'aux soleils inimaginables, des enfers aux paradis, des séjours les plus denses jusqu'aux plus éthérés, ces milliards de renaissances, de morts, de joies, de larmes, d'unions, de séparations, tout cela n'est que la longue école de l'obéissance.
Obéir par contrainte, ce n'est pas obéir; obéir par conscience, c'est bien; obéir parce qu'on aperçoit Dieu derrière le maître, c'est parfait.
Les Règles des grands ordres religieux renferment souvent de véritables traités de l'obéissance; mais leur application stricte a quelque chose d'un peu trop rigide pour les laïcs. La vie séculière demande une certaine souplesse pour répondre à toutes les éventualités qu'engendrent ses mille combinaisons. La difficulté d'y accomplir la loi divine est donc plus grande que dans la vie conventuelle, on tout au moins d'un autre ordre; les vertus et les mérites qu'on y acquiert diffèrent également.
Aussi ne suivrons-nous pas les docteurs de l'Eglise dans leurs admirables et minutieuses analyses qui mettent à nu les mouvements les plus cachés des péchés capitaux. Nous nous bornerons à résumer un ou deux des plus caractéristiques de leurs écrits. Mais tout ceci est plutôt pour satisfaire à la curiosité légitime de ceux d'entre vous qui ont le temps et les moyens de se livrer aux études spéculatives. Les autres, et c'est le plus grand nombre, n'ont besoin sans doute que d'un petit nombre de maximes, déduites d'un nombre encore plus réduit de principes généraux.
L'homme, dans quelque position qu'il se trouve, devrait jeter un coup d'œil sur ses rapports actuels avec ses frères, avec l'Invisible et avec Dieu. S'il s'efforce d'accomplir à la lettre les préceptes évangéliques, cette enquête, il est vrai, n'est plus indispensable; mais elle l'aidera beaucoup à saisir plus intimement telles applications inédites des paroles de l'Ami divin.
Dans le cas qui nous occupe, nous voyons d'abord qu'obéir, c'est se conformer aux lois biologiques universelles, c'est aider de la façon la plus plénière au travail général des créatures.
La première précaution à prendre est donc de remédier à notre incompétence, c'est de demander le secours du Ciel. Demandons, avant de nous mettre à la besogne, le secours du Verbe, ce grand Ouvrier de l'œuvre cosmique. Tout acte devrait être fait, toute parole prononcée, tout sentiment cultivé, toute pensée élaborée au nom de Dieu, tout emploi de nos forces et de celles des créatures auxiliaires fait pour Son service. Sinon ces dynamismes, objectifs ou subjectifs, seront mis en mouvement pour le service d'un dieu : dieu de l'orgueil, des vices, des égoïsmes, des honneurs, de l'argent. Et ces énergies, non dirigées vers le centre éternel du monde, deviendront des centres d'individualisations, de parasitismes et de vampirismes.
Pour que l'offrande de nos fatigues soit transmise directement jusque sur les marches du trône de Dieu, il est inutile de s'embarrasser des complications formalistes dont les cultes orientaux sont si richement pourvus. Inutile de combiner les sons et les articulations de formules hiératiques; inutile de manier le sanscrit, l'hébreu ni même le latin; inutile d'observer l'heure, le lieu, l'attitude. Le Christ nous a libérés de toutes ces lisières. Les dieux auxquels s'adressent les polythéismes antiques et les savants ésotérismes sont des dieux jaloux; le Père seul est bon; et c'est pourquoi le joug de Jésus est léger.
Quelques paroles jaillies du profond du cœur suffisent.
Comment faire ensuite pour que notre collaboration avec l'ensemble du monde soit meilleure? En ne remettant pas au lendemain ce que nous pouvons accomplir le jour même. En effet, nous ne sommes jamais seuls; le maçon ne cimente pas une pierre, le commis ne trace pas un chiffre sans que certains invisibles les aident, sans que d'autres invisibles profitent de leur geste. Tout est tellement réglé dans l'immense machinerie cosmique que, pour chacun des actes de chacun des hommes, à toute heure, en tout lieu, de véritables tribus d'esprits de la Nature, de génies, parfois des dieux mêmes descendent, soit comme collaborateurs, soit pour s'instruire et se nourrir des émanations mystérieuses des actions humaines.
Si mon destin, représenté par l'ordre de mes supérieurs ou par l'impulsion de la conscience, me donne aujourd'hui un certain travail, n'importe lequel : une visite, une page à écrire, un voyage, un clou à forger, et que je le remette à demain, tous ces visiteurs seront partis; je serai seul demain, ou plutôt, qui pis est, je serai entouré d'autres visiteurs envoyés pour l'acte qui fut inscrit dès avant ma naissance comme devant être accompli demain. Rien ne correspond plus, dès lors, à mon œuvre; elle en reçoit du dommage; elle demeure incomplète; le trouble a été mis par ma faute dans au moins deux groupes d'invisibles; et il faudra, pour être à même de réparer ce désordre, que j'attende le moment où les combinaisons futures des événements reproduiront, à une époque indéterminable, la même coïncidence de l'acte que j'ai différé et des invisibles désignés primitivement pour en être les témoins.
Les mêmes raisons nous imposent de ne pas être paresseux, de ne pas chercher des moyens d'éviter une corvée, puisque tout ce que l'enchaînement naturel des circonstances nous apporte est toujours pour nous l'occasion du meilleur effort et du meilleur progrès, pour nous personnellement et non pour notre voisin. Et, de plus, la notion la plus simple de la charité nous prescrit de faire nous-même la chose fatigante, ennuyeuse ou désagréable plutôt que de mettre notre camarade dans l'obligation de s'en charger.
Celui qui essaye d'aimer son prochain comme soi-même peut aller plus loin et toucher à la perfection par trois efforts pénibles. Le premier, c'est de faire soi-même le travail qui répugne au camarade; le second, est d'aider de ses conseils et de ses mains le maladroit, sans le dire aux chefs; le troisième effort, enfin, c'est, lorsqu'un collègue malhabile ou malintentionné cause les dommages à l'usine, à l'administration, de réparer ces pertes, de donner pour cela, toujours sans que personne ne le sache, de son temps et même de son argent.
Voilà une des mille occasions que la vie commune nous offre de devenir de vrais chrétiens; et cet héroisme sans gloire a souvent plus de prix au regard du Père que celui dont la renommée magnifie le mérite.
Si le travailleur envisage maintenant l'influence fécondante, vivificatrice et assainissante de l'effort, lorsqu'il aura quelques instants de loisir et que son corps ne sera pas accablé de fatigue - car il faut être charitable envers ce corps par qui s'accomplissent les merveilles célestes -, il devra chercher une occupation plutôt que de demeurer inactif. N'entendez pas qu'on doive se consumer dans une hâte fébrile, dans des inquiétudes artificielles incessantes; non; il vaut mieux se tenir dans le calme, mais que ce calme ne dégénère pas en indolence. Souvenons-nous du « Hâte-toi lentement » des anciens.
Une dernière conséquence du fait axiomatique, que tout ce qui se rencontre sur le chemin d'un cœur dévoué aux choses du Ciel est le signe fidèle de la Volonté du Père, c'est que nous devons faire notre métier le mieux possible. Si on veut aimer Dieu, il faut aimer Ses œuvres, c'est-à-dire le prochain et toute créature. Et si on aime les œuvres de Dieu, il faut les accomplir. Or, la première et la plus facile de toutes, c'est notre profession. Appliquons-nous donc à notre métier comme il est écrit qu'il faut aimer Dieu : de tout son cœur, de toute son âme, de toute sa pensée et de toutes ses forces, quelque monotone que soit ce métier. Celui qui recherche la volonté du Père et non pas sa satisfaction personnelle, si noble qu'elle puisse être, sait que le Destin ne lui donnera une besogne nouvelle que lorsqu'il aura montré pratiquement sa soumission et son bon vouloir. Si habile que soit un ouvrier, il y a toujours une habileté plus grande. Et, dans la grande école de la Vie, on ne nous fait passer à la classe supérieure que quand nous avons parfaitement appris la leçon de la classe précédente.
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Rien n'arrive ici-bas que par la permission expresse du Ciel. Par la qualité de leurs actes, les hommes modifient la trame de leur destinée future; et ils retrouvent, en revenant sur la terre, la juste réaction des énergies antérieurement émises par eux. Laissez-moi vous le redire : l'injustice n'existe pas; tout est motivé, même les circonstances les plus extraordinaires. Avant que nous naissions, tout est déterminé: la race, la patrie, la religion, les parents, la chambre même et les meubles qui la garnissent; notre vie est écrite d'avance dans ses plus petits détails. Et cependant notre liberté existe, infinitésimale mais réelle. L'usage que nous en faisons est presque toujours maladroit. Si nous étions sages, nous emploierions cette faculté précieuse, la plus divine de nos facultés, par laquelle nous sommes essentiellement des fils de Dieu, nous l'emploierions à faire la Volonté du Père. Que notre route serait abrégée et nos peines diminuées !
Mais nous sommes vains; une haute idée de notre intelligence nous abuse. Certains se croient même plus habiles que les autres en entrant de force dans le monde fermé des Esprits de la Nature; en cherchant à s'en attacher par des cérémonies, des talismans, des calculs; en suivant les indications des bonzes, des tantriks, des kabbalistes, d'Agrippa et d'autres, plus modernes. Ils espèrent ainsi se rendre maîtres des génies de leur personne, de leur profession, de leur demeure; et ils se leurrent délibérément, disant qu'ils ont fait toutes ces opérations par la permission divine ou par le nom du Christ.
Leur illusion est commune . « Que Ta Volonté soit faite », dit-on tout haut; et on pense : « Pas avant que j'aie contenté mon désir. » Ah ! l'homme est une pitoyable chose, et ridicule !
Cessons ces atermoiements; laissons ces misérables ruses. Le Père voit tout et a tout prévu. Ayons confiance en Lui.
Vous avez vu certainement de ces braves garçons pleins de zèle intempestif, qui courent çà et là, se hâtent, vocifèrent, accumulent les maladresses et empêchent tous les camarades de faire leur travail à force de vaniteuse ou de sotte agitation. Tout le monde finit par les malmener et par les fuir. Tels sont les orgueilleux ou les naïfs qui cherchent dans l'occultisme les moyens de se rendre utiles à autre chose que ce à quoi ils sont destinés. Le lycéen qui fait de la littérature pendant le cours d'algèbre et de la chimie pendant le cours d'anglais est un maladroit ou une mauvaise tête. Si le destin nous fait raboter des planches ou labourer, c'est que nous ne sommes bons qu'à faire un menuisier ou un paysan. Que si, à force de souplesse on d'énergie, je m'élève à une position plus haute, quels que soient les avantages que je tire de cette élévation, quels qu'en soient les bénéfices pour mes concitoyens, ce seront des bénéfices apparents, et passagers, parce que, si beau, si noble qu'ait été mon effort, j'ai fait ma volonté et non celle du Père.
Et, plus tard, quand il me sera donné d'apercevoir en esprit l'ensemble de ma carrière, j'apercevrai, avec d'amers regrets, tout le bien que j'aurais pu faire par ma soumission à Dieu, et tout le mal réel que j'ai causé au milieu et à moi-même, sous le bien apparent pour lequel les hommes m'auront peut-être élevé des statues.
Tous les esprits que dénombrent les ésotérismes existent; les dieux sont bien plus que trente-trois millions. Mais nous n'avons à nous occuper que du plan matériel, puisque c'est de la matière que nous avons la conscience la plus parfaite. Au-dessus de tous les esprits qui nous apportent notre nourriture, nos vêtements, nos amis, nos idées, nos sensations, qui conduisent vers nous des parents, des amis, des événements, des honneurs et des douleurs, il y a la sollicitude du Père pour chacun de nous.
Or chaque pensée du Père est un ange vivant, un être individuel, intelligent, sensible, dont cette pensée même est l'âme immortelle. A chaque fois que Dieu envoie un homme en ce monde, Il le suit d'un regard d'amour, comme la mère sur le seuil de la porte regarde son petit s'éloigner qu'elle envoie à l'école. Ce regard de Dieu, c'est notre ange gardien.
Il ne faut pas chercher à sentir sa présence, à entrevoir sa forme radieuse ni son tendre visage. Sachez qu'il est là et que ses yeux vont sans arrêt de vous au Verbe et du Verbe à vous. Et nul potentat au fond de son palais, derrière ses gardes, n'est mieux à l'abri que le plus indigne d'entre nous aux côtés de cette présence ineffable.
Résumons. Les Invisibles coopèrent à notre travail professionnel en bien plus grand nombre et d'une façon plus continue, plus saine et plus active qu'aux œuvres mystérieuses de l'illuminisme, du spiritisme et du magnétisme. Si nous pouvions nous rendre compte de la sollicitude avec laquelle le Père nous aide à progresser, nous ne craindrions aucune des douleurs de l'existence. Mais alors notre mérite serait nul et nous ne ferions pas grandir la semence surnaturelle de la foi. Acceptons l'ignorance bénie dans laquelle Dieu nous laisse; tout ce qu'il nous est vraiment nécessaire de savoir, le Ciel nous l'apprend, selon la preuve que nous Lui donnons de notre bonne volonté.
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1. C'est là une explication de la conque symbolique que portent la plupart des dieux hindous.
2. les amateurs d'ésotérisme pourront, au lieu de la clé quaternaire, se servir ici du ternaire, du quinaire, du septénaire ou de tout autre nombre. Tout est dans tout. Les aspects des choses changent simplement selon l'endroit où se place celui qui les observe. Du moins il en est ainsi tant que l'on n'est pas entré dans le plan Un, dans le Royaume de Dieu.
3. Cette espèce de suggestion ou décontagion ne s'exerce pas toujours; elle demande certaines conditions. Bien plus souvent les mouvements soudains qui se font en nous viennent d'un acte antérieur, un peu comme un homme qui se jette à l'eau, plonge et reparaît dix mètres plus loin sans que le spectateur sur la rive - la conscience - ait pu suivre son trajet sous les flots.
Sources Livres mystiques
Posté par Adriana Evangelizt