Et voilà donc la deuxième partie de la Réhabilitation de Judas d'Emile Gillabert. Il est vrai que lorsque l'on se penche avec sérieux sur le cas de l'apôtre Pierre, il y a vraiment plusieurs choses qui dérangent. Et plusieurs questions que l'on se pose... Le moins que l'on puisse dire c'est que son comportement vis-à-vis du Galiléen est plus que douteux. Il semble d'abord vraiment limité dans l'intelligence et la compréhension de l'Enseignement dispensé par Jésus. Sa fidélité a son égard laisse aussi vraiment perplexe. Non seulement, il Le renie trois fois comme l'avait prédit l'Initié visionnaire mais, après Son arrestation, on le retrouve en train de se réchauffer chez le grand-prêtre -ennemi de Jésus- et c'est lui qui -d'après ce qu'en dit l'Eglise Catholique Romaine- fut le premier pape. Quand on sait comment fonctionne le Vatican -lire Le Vatican... cité de Dieu ou maison du diable ?- on émet de sérieux doutes quant à la validité de Pierre qui ne fut sans doute qu'une marionnette manipulée par des gens pour servir de troubles intérêts. Et quand on sait que Jésus n'a jamais voulu fonder d'Eglise, tout s'éclaircit. Pierre aura trahi le Galiléen jusqu'au bout...
« La diplomatie du Vatican, disait le brillant latiniste puis cardinal Antonio Bacci, est née un triste soir à Jérusalem, dans le vestibule du grand prêtre, lorsque l’apôtre Pierre, qui se réchauffait auprès du feu tomba sur une soubrette qui, pointant le doigt, lui demanda : « Toi aussi, tu étais avec Jésus le Galiléen ! » Et Pierre, tressaillant, répondit : « Je ne sais pas ce que tu veux dire ! » * Réponse diplomatique qui ne compromettait ni la foi ni la morale. »
* Matthieu 26, 69/70
Tiré du livre "Le Vatican mis à nu"
Réhabilitation de Judas
par Emile Gillabert
2ème partie
1ère partie
L'identité s'exprime symboliquement dans la forme pur signifier l'identité dans l'inexprimable : Le pain que je donnerai c'est ma chair (Jean 6/51). La bouchée trempée que Jésus donne à Judas c'est sa chair trempée dans son sang. Judas est le premier à communier au corps et au sang du Maître car il est le premier à avoir réalisé le sens profond de la parole : Qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle. C'est du reste le vrai et seul sens que nous pouvons donner à la formule trop usée de présence réelle. Judas est également le premier à avoir bu à la bouche de Jésus, aussi est-il le premier à comprendre que l'Amour postule l'unité :
Celui qui boit à ma bouche
sera comme moi ;
moi aussi, je serai lui,
et ce qui est caché lui sera révélé.
Log. 108
Maintenant Judas peut partir. Il a reçu Jésus, et par là, celui qui a envoyé Jésus. Désormais, celui qui reçoit Judas reçoit Jésus. La filière est établie.
Judas va réapparaître fugitivement une dernière fois du vivant de Jésus pour l'embrasser juste avant son arrestation et juste avant les reniements de Pierre. Quelle extraordinaire coïncidence, quelle merveilleuse connivence ! Dans Matthieu (26/50), Jésus dit à Judas : Fais ce pourquoi tu es là ; et dans Luc : Judas, par un baiser tu livres le Fils de l'homme. Une fois l'inversion repérée et le redressement opéré, ce qui est signe de trahison devient témoignage de fidélité.
Judas est donc parti seul, la nuit.(1) Le Prince de ce monde ne veut plus entendre son nom, car, si à ses yeux Judas est l'accusé, il devient dans l'inconscient de celui qui a fait son procès, l'accusateur. Néanmoins, même si Judas n'est plus nommé, il continue à être présent, d'une présence accusatrice. Et là où sa trace n'a pas été bien maquillée, il reste le témoin de Jésus, son alter ego.
Lorsqu'on évoque le cas de Judas, on se rend compte que le chrétien a retenu habituellement deux traits du personnage, deux traits qui ont frappé son imagination enfantine : Judas a trahi Jésus et Judas, pris de remords, s'est pendu. Nous savons ce qu'il faut penser de cette trahison mais qu'en est-il de l'histoire de la pendaison ?
Notons tout d'abord que, des quatre évangiles, Matthieu est le seul à relater la pendaison de Judas. Les Actes (1/15-20) racontent aussi l'évènement mais d'une façon fort différente : Judas ne s'est pas pendu, il est tombé la tête la première et a éclaté par le milieu et toutes ses entrailles se sont répandues. Fort discordants, les deux récits ont en commun le fait que la mort de Judas est présentée comme une suite logique de son forfait. Cependant, une autre question se pose à la lecture des textes. Ceux-ci nous rapportent le récit de la préparation de la pâque qui commence par l'entrée solennelle de Jésus à Jérusalem en tant que roi messianique au milieu de foules très nombreuses chantant le psaume 118 : Hosanna au fils de David ! Béni celui qui vient au nom du Seigneur ! Cette manifestation grandiose n'est pas conciliable avec les récits rapportés par Jean (11/57 et 18/2) qui nous signalent que Jésus, recherché par la police à cette même date, se cache chez des amis, sans doute à Béthanie. Or, c'est cette dernière version seule qui permet d'expliquer et la trahison de Judas et son remords suicidaire. Il est évident en effet que Jésus n'avait pas à être recherché du moment qu'il était présent au milieu des foules qui l'acclamaient. La scène qui suit son entrée triomphale à Jérusalem où il chasse les vendeurs du Temple montre que Jésus agissait au vu et su de tout le monde. Matthieu et Luc placent le récit le jour même de l'entrée à Jérusalem, Marc le lendemain, tandis que Jean le place plus tôt. Ainsi les faits démentent à la fois le rôle qu'on a fait jouer à Judas et son suicide. Que penser de ces contradictions ? Matthieu veut montrer ici, comme en d'innombrables autres occasions, que la mort de Judas, consécutive à la trahison, s'inscrit dans le plan divin qu'annonçaient les prophètes (ZA 11/12-13) ; mais pourquoi Matthieu parle-t-il de pendaison ? Tout simplement pour faire correspondre son récit avec celui du deuxième livre de Samuel (17/ISS) Matthieu veut rapprocher deux traîtres : Ahistophel et Judas. Le premier se pendit lorsqu'il apprit qu'Absalon n'avait pas suivi son conseil qui devait amener la mort de David. L'un se pend par dépit, l'autre par remords. Ainsi les intentions qui sont à l'origine du texte matthéen expliquent le scénario qui aboutit à la pendaison. Encore une fois, le mythe s'est imposé, mais la malversation foncière réside dans le fait que celui-ci a été présenté comme un évènement historique. La tradition a transmis un mythe et non un fait historique. Néanmoins, longtemps encore le mythe prévaudra sur la réalité.
Si maintenant, nous allons plus loin encore dans la remise en question d'un passé qui se prétend historique, alors qu'il est du domaine de la fabulation, nous avons de bonnes raisons de croire que Jésus a célébré la pâque non avec ses "disciples" mais avec Judas. Pierre vient en effet de renier ostensiblement par trois fois son Maître et cela, notons-le bien, après la cène "officielle" qui a fourni l'occasion de désigner le "traître". Mais la Cène elle-même n'a-t-elle pas réuni les disciples sans Jésus ? La question, nous allons le voir, est désormais posée car nous lisons dans Jean (18/28), à propos des anciens du peuple, grands prêtres, scribes et tout le Sanhédrin : Ils mènent Jésus de chez Caïphe au prétoire. C'était le matin. Et eux-mêmes n'entrèrent pas dans le prétoire afin de ne pas se souiller mais de manger la pâque. Ainsi, d'après Jean, la pâque juive n'a pas encore eu lieu au moment où Jésus est livré à Pilate, alors que selon les synoptiques, c'est au cours de ce repas pascal que le traître a été désigné.
En tentant d'harmoniser les textes disparates, les rédacteurs évangéliques ont laissé subsister par oubli des contradictions qui nous viennent en aide pour réhabiliter celui dont il fallait effacer la trace. L'imbroglio ne doit pas nous décourager dans notre tâche qui veut rendre à César ce qui lui appartient et à Jésus ce qui lui revient.
En continuant la lecture des textes à l'endroit, on se rend compte que le disciple que Jésus aimait ne peut être que son jumeau, Judas. La fidélité et l'amitié se prouvent. Après avoir voulu mourir avec Jésus, après avoir été à table tout près de lui, après avoir reçu la bouchée, après être sorti pour continuer sa mission -il ne fallait pas que tous deux soient arrêtés-, nous le retrouvons, seul homme, au pied de la Croix pour accueillir la Mère de celui qui allait mourir. Qui mieux que Judas-Thomas, pouvait s'acquitter de cette tâche filiale ? Judas assiste à l'agonie de Jésus et lorsque les soldats viennent pour briser, selon la coutume juive, les jambes des trois sacrifiés, ils voient que Jésus est déjà mort et qu'il n'y a pas lieu d'accomplir cette besogne. Du reste, le coup de lance au côté achève de les rassurer. Et ce n'est pas Jean, le disciple et l'auteur de l'Evangile qui est le témoin de cette scène suivant de peu celle de l'agonie, puisque l'évangéliste invoque le récit d'un témoin direct : Celui qui a vu a rendu témoignage afin que vous croyiez vous aussi (Jean 19/35).
Les historiens accordent peu de crédit aux apparitions du Christ après sa mort car le caractère hallucinatoire de ce genre de manifestations invite à la réserve et à la prudence. Elles ont été multipliées pour renforcer la croyance en la résurrection. Lors de l'une d'entre elles, Thomas, appelé Didyme, n'est pas avec les autres disciples. Lorsqu'il apprend la nouvelle, il proteste : Si je ne vois pas à ses mains la marque des clous, et si je ne mets ma main à son côté, je ne croirai pas (Jean 20/24-25). Huit jours après, lors d'une nouvelle apparition, Thomas est présent et Jésus l'invite à se rendre à l'évidence. La scène se termine par l'admonestation : Parce que tu as vu tu crois. Heureux ceux qui n'ont pas vu et qui ont cru (Jean 20/29). L'épisode a pour but d'édifier en invitant à croire sans condition. Il se trouve justement que Thomas veut voir avant de croire. Il ne cède pas à l'hallucination collective parce que sa connaissance transcende le monde de l'imaginaire. En rapportant l'épisode pour faire ressortir l'incrédulité du disciple, l'auteur du récit ne se rend pas compte qu'il lui rend indirectement hommage.
Une autre scène à la fin du même évangile achèvera, si besoin est, de nous convaincre ; elle montre que ce n'est pas non plus Jean qui est le témoin direct des faits rapportés. et, comme un fait exprès, le passage évoque Pierre, le Prince de ce monde, qui a renié Jésus -mais qui entre temps aura été réhabilité pour les besoins de la cause- et le disciple que Jésus aimait, celui qui, par sa seule présence, accuse l'autre : Pierre donc, en le voyant, dit à Jean : Seigneur, mais celui-ci, qu'en sera-t-il ? La réponse de Jésus est manifestement un ajout car elle fait allusion au retour du Fils de l'homme : Si je veux qu'il demeure jusqu'à ce que je revienne, qu'importe ? Toi, suis-moi. La suite du récit montre bien que la répartie de Jésus a été rapportée, qu'elle este sans lien ni avec ce qui la précède ni avec ce qui la suit : Le bruit se répandit parmi les frères que ce disciple ne mourrait pas (c'est nous qui soulignons...) C'est ce disciple (et non Jean) qui témoigne de ces choses et qui les a écrites, et nous savons que vrai est son témoignage (Jean 21/20-24). Ici, le Jean du récit primitif atteste que celui qui ne mourra pas est le témoin de Jésus et a écrit ce qu'il a dit que son témoignage est vrai. Le nom du témoin n'est toujours pas prononcé car il fallait que le Prince de ce monde pût régner.
Maintenant, lisons ou relisons, dans l'optique de réhabilitation dans laquelle nous nous sommes résolument placé, cette fin de l'Evangile de Jean (21/20-24) :
Pierre alors se retourne et aperçoit, marchant à leur suite le disciple que Jésus aimait, celui qui, durant le repas, s'était penché vers sa poitrine et lui avait dit : "Seigneur, qui est-ce qui va te livrer ?" En le voyant, Pierre dit à Jésus : "Et lui, Seigneur ?" Jésus lui répond : "S'il me plaît qu'il demeure jusqu'à ce que je vienne, que t'importe ? Toi, suis-moi." Le bruit se répandit alors parmi les frères que ce disciple ne mourrait pas. Pourtant Jésus n'avait pas dit à Pierre : "Il ne mourra pas", mais : "S'il me plait qu'il demeure jusqu'à ce que je vienne".
C'est ce disciple qui témoigne de ces faits et qui les a écrits et nous savons que son témoignage est véridique. Bien que le texte primitif ait subi des ajouts et des manipulations, aisément repérables du reste, ce qui affleure témoigne avec force du cheminement souterrain.
Les vivants ne mourront pas (Log. 11/5). Didyme Judas Thomas, jumeau de Jésus le Vivant, son témoin, a transcrit ses paroles. Il faut arriver tout à la fin d'un autre évangile, celui de Jean, pour que le témoin qi a écrit soit confirmé. Confirmé par qui ? Par celui-là justement qui a rapporté, sur l'Unité du Père et du Fils et sur notre identité de Fils du Père, les paroles amirables que nous connaissons, paroles qui sont restées à travers les tribulations dont le quatrième évangile, plus encore que les synoptiques, fut la victime.
Le plaidoyer en faveur de la réhabilitation de Thomas est aussi celui de la réhabilitation de Jésus. On a dissocié les deux personnages pour les affaiblir et permettre ainsi le triomphe de l'Ennemi. L'un a servi de bouc émissaire, l'autre a été récupéré en vue d'une mission qui lui est par nature étrangère.
Comme le dit Pascal -mais dans un contexte qui n'a rien de gnostique - : Il y a de l'évidence et de l'obscurité pour éclairer les uns et obscurcir les autres.
(1) ...et son message connaîtra la nuit de Nag-Hammadi !
Tiré du livre d'Emile Gillabert : "Jésus et la gnose" pages 177 à 182
Posté par Adriana Evangelizt