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2 août 2005 2 02 /08 /août /2005 00:00

UN TEXTE INÉDIT DU PRIX NOBEL DE LITTÉRATURE 2004



LE MOT DEGUISE EN CHAIR

 

par Elfriede JELINEK

Faut-il se mettre en colère face au besoin de tant de gens d’avoir un dieu, ou prendre la fuite devant le danger ? Quelle éducation humaine peut éviter le sang des martyrs ? Pourquoi ces « sacrificateurs » croient-ils que leur personne est la chose la plus précieuse qu’ils puissent offrir à leur Dieu ? Et quelles sont ces « promesses d’éternelle récompense » qui les réconfortent ? De quoi doivent-ils se protéger ? Pourquoi cette envie de punitions et de récompenses, si c’est pour entrer au paradis juste après sans avoir eu besoin de contribuer aux merveilles de ce paradis qui se présente comme une table bien mise – en fait, ils craignent de revenir sur terre. Bien entendu, on leur a dit que ce n’était possible qu’à condition d’oublier qu’ils y avaient été. Donc, à quoi bon ? On préfère alors s’installer au paradis des vierges qui ne sont peut-être que des raisins blancs (1).

Je ne fais pas jaillir du sang, seulement des mots. Mais qui en a besoin, si contemporains qu’ils s’efforcent d’être, qui donc en a besoin ? J’ai fignolé, j’ai tout fait pour que les mots s’améliorent, pour qu’ils aient droit de cité. Tout cela pour qu’ils soient oubliés, même par moi. Je ne peux me projeter dans l’éternité pour me convaincre que tout ce que je « dois oublier » aujourd’hui ne sera pas « oublié pour toujours », comme dit Lessing dans le livre généalogique des hommes (2). A quoi servent ces armées entières qui viennent à ma rencontre mais qui courent en sens inverse et me rouleraient dessus sans crier gare ? Dans quelle direction dois-je souffler mes mots quand d’autres ne demandent qu’à mourir poussés par un instinct de vérité et non d’un vide intérieur – poussés, en fait, par le manque d’instinct ou une sorte d’excès d’honneur ou quelque chose de ce genre, dans le seul but de se débarrasser de leur vie ?

Moi, par exemple, je n’ai même pas de but. Disons qu’il m’est déjà arrivé de croire à un but en écrivant, non pas pour laisser une certaine impression ou pour éduquer le genre humain – j’ai eu assez d’éducation dans ma vie, et elle m’a fait si peu de bien que je ne voudrais pas en encombrer d’autres, comme avec un costume sur mesure qui ne sied pas bien à l’homme et ne le grandit guère, peu importe de quoi le genre humain est submergé tous les jours et avec quel matraquage. Non, même l’arrosage intensif ne sert à rien. J’aurais dû prendre les mesures avant, mais les êtres humains sont souvent si terriblement démesurés.

***

Il est vrai que souvent ils ne sont pas faits pour ma mesure, qui n’est pourtant pas démesurée. Elle rentre parfaitement dans la reliure d’un livre. Les gens veulent s’adapter à des mesures de plus en plus grandes dans lesquelles ils gigotent alors nerveusement – à quoi bon se seraient-ils gonflés autant ? – sans atteindre les limites, sans même les trouver. Ils ont aussi oublié de bien mesurer les êtres humains qu’ils tuent ou qu’ils veulent tuer, pour ne pas tuer les mauvais avec une fausse mesure et en quantité démesurée. Cela leur est égal. Pourvu qu’ils soient nombreux ! Pour leur cause, ils se mettent à déchiqueter la chair et les os d’autres hommes tout en croyant que c’est un honneur de payer avec leur propre vie. La chair pour la chair, la chair contre la chair. Contre cela, les lunettes. Le livre. Il paraît que ce sont là les derniers mots de Heiner Müller.

***

Pendant longtemps je me souciais de ce que j’écrivais, pour qui et pourquoi. Maintenant ça m’est devenu égal. Ecrire n’a pas eu de conséquences, le prétendu engagement non plus, sauf peut-être pour moi-même. Maintenant je m’en fiche, car quoi qu’on dise cela ne sert à rien. Je continue à dire des choses, mais j’ai compris que ceux qui m’écoutent m’écouteront par hasard. Et cela non plus n’a pas d’importance. Car il ne s’agit pas de savoir pour qui et pourquoi on écrit. Au contraire. Ce que l’on dit ne doit pas avoir d’effet, il faut volontairement renoncer – totalement renoncer – à l’efficacité, à tout pouvoir d’influence. Personne ne doit s’agenouiller devant personne, encore moins devant moi. Moi non plus, je ne me mets à genoux devant personne, je suis tout au plus allongée calmement sur mon lit, à mes côtés d’autres élèves, plus ou moins bons, qui lisent également et ne font rien d’autre, devenant ainsi d’éternels élèves du cours élémentaire, une condition qu’ils devraient d’ailleurs dépasser.

Non, nous n’avons pas le temps pour la chair maintenant, bien qu’on soit déjà au lit, ce qui est pratique. Nous refusons par principe la chair humaine, bien qu’il soit intéressant de la regarder. Il y a là quelqu’un qui est pendu et qui saigne, ça peut être intéressant, supposons-nous, moi et mes coélèves. On en a même tiré un film à suspense dernièrement (3) ! Remarquons-nous déjà cette chair qui dépasse le livre et qui nous intéresse sous toutes ses formes ? La chair de Dieu, du martyr crucifié ?

Non, nous ne nous agenouillons pas non plus devant une doctrine. La parole de Dieu, peu importe le Dieu, est devenue si connue qu’elle est à nouveau oubliée. Cette parole a fait son temps, elle a eu sa chance. C’est fini, maintenant. Elle ne nous a même pas effleurés. Ce sont la chair ou l’image qui l’ont emporté, le mot ne peut sortir vainqueur, quelle que soit la célébrité atteinte, depuis qu’on l’a vu ou entendu pour la dernière fois.

Idem pour la parole écrite dans le Coran qui « à chaque page ébranle le bons sens », comme polémique Voltaire. L’imaginaire est chauffé à blanc dans le four charnel, jusqu’à ce que l’on croie n’importe quoi et que l’on fasse ce qui a été impossible jusqu’à présent. Après l’avoir bien inspecté, Lessing retourne alors tout cela pour voir si l’envers est aussi présentable. Et tout d’un coup l’islam devient la religion la plus raisonnable et le christianisme une doctrine qui fait croire les choses les plus déraisonnables. Peu importe ce qu’on croit pour avoir raison, je piétine tout cela et le laisse sans premier secours. Je n’en ai que faire. Une de ces religions a besoin de miracles pour faire croire – et pour que d’autres croient – en elle ; l’autre s’en passe, elle n’a pas besoin de faire croire à l’inintelligible par d’autres faits inintelligibles. Elle diffuse des doctrines contenues dans un livre, ça lui suffit. Mais malheureusement certains ne se contentent pas de lunettes, du livre et pas davantage de « Lumières » – qu’ils jugent insuffisants.

***

L’Ancien Testament, le Nouveau Testament, le Coran, pas de livre du tout, mes quelques pauvres livres à moi, ceux-ci, heureusement, ne représentant même pas la lie sur les ondulations de l’étang de mon jardin. Lorsqu’un orage approche, il n’a pas de drapeau, il survient tout simplement, on n’y peut rien. Où sont les enfants qui lisent maintenant les livres élémentaires, où sont les enfants de l’humanité pour lire les livres de l’humanité (heureusement, ce ne sont pas les miens !), qui croient les comprendre, qui croient en avoir besoin ? L’Ancien Testament est le livre de l’enfance, le livre du cours élémentaire, le bon élément pour le petit enfant, mais avec l’enfant doit prendre ses distances, dit Lessing. Qui peut savoir comment il doit évoluer ? S’il évolue, c’est pour arriver chez lui, et il n’a toujours rien d’autre à perdre que lui-même et rien d’autre à rater que l’éternité. Presque personne ne peut penser plus loin que le jet d’une pierre, pas plus que l’enfant qui grandit aujourd’hui quelque part dans le monde. A peine grandi, il lance déjà la pierre. D’autres qui entourent leur corps d’explosifs pensent d’autant plus loin ; ils pensent plus loin que ne peuvent voler leurs propres morceaux de chair et ceux des autres ; ils pensent au Tout dans sa Totalité. Ils sont prêts, à tout moment, à entrer dans l’ici-bas pour accéder à l’éternité.

J’adore les calembours. Vous ne pouvez rien contre cela, je vous le dis tout de suite, avec moi, il faut en passer par là ! Car les calembours vous font rapidement perdre votre efficacité, et c’est finalement ce que je veux. De toute façon il vaut mieux écrire que faire. Vous n’arriverez pas à me faire renoncer à mes blagues stupides, à mes bons mots désabusés, même en employant la force – bon, peut-être avec la force. Lorsque je veux dire quelque chose, je le dis comme je veux. Je veux au moins avoir cette gratification-là, même si je ne récolte rien d’autre, même si je n’ai plus aucun écho.

***

Chaque livre élémentaire est adapté à un âge, dit Lessing. Il s’agit donc d’y mettre plus que ce que l’enfant peut absorber, le maximum. Autrefois, on s’est d’ailleurs servi de presses d’imprimerie qu’on n’utilise plus que pour des livres particulièrement beaux. L’enfant doit être serré comme une botte de foin pour qu’il puisse atteindre Dieu. On le bourre de secrets dont personne ne possède la clé. Comment Lessing appelle-t-il encore l’intelligence de l’enfant ? Mesquine, alambiquée, vétilleuse. Bien dit ! Cela le rend mystérieux, superstitieux, plein de mépris envers tout ce qui est intelligible et facile. Le rabbin éduque ses enfants avec l’écriture, il bourre ces enfants du genre humain avec tout ce qu’ils peuvent absorber. Le caractère du peuple ainsi éduqué devient exactement semblable à ce qui entre dans l’écriture, et ce qui en sort aussi, mais cela reste de l’écriture. Cela reste cette écriture merveilleuse, qui ne porte pas à conséquence, qu’on peut suivre, ou non. Ne suivez pas la mienne, restez en arrière ! Ne m’approchez pas trop !

L’écriture peut fustiger, agiter, enfoncer, mais elle ne peut pas tuer et ne peut pas être tuée. Elle peut être raisonnable, mais néanmoins provoquer la plus grande bêtise, justement là où elle est le plus raisonnable. Tout est possible. La doctrine peut rendre un enfant intelligent, parce qu’il croit aux miracles, et ainsi, au fond, rien ne peut lui arriver. Malheureusement, une autre doctrine peut rendre un autre enfant stupide, parce qu’il ne croit pas aux miracles, et, ainsi, tout peut lui arriver. Il peut tout faire à tous les autres. La patrie peut tuer, la science peut tuer, la guerre le peut évidemment depuis longtemps. Même Jésus a été tué, pour que d’autres, en son nom, puissent encore tuer.

Mais l’écriture en tant qu’écriture ne tue personne. Intelligence et vérité, oui, je crois bien que les mots nous sont nécessaires, car celui qui s’arrête de parler assassine peut-être juste après. Il faut donc un meilleur pédagogue pour enfin arracher « le livre élémentaire épuisé » aux mains de l’enfant. Le Christ est venu et même lui s’est mis à déchirer. Le rideau du Temple s’est déchiré, Jésus a déchiré aussi, littéralement, et une nouvelle ère d’immortalité a commencé, mais une immortalité pour laquelle il fallait d’abord mourir. Impossible de faire le contraire, ça ne donne même pas une chaussure, un morceau de pied déchiqueté qui dépasse, la chaussure gisant sur le sol. Donc le Christ est venu, et si vous voulez savoir, je n’aurais pas voulu être à sa place. Il vaut mille fois mieux rester sans écho et sans écoute que de devenir un Christ ! Enfant, il a révélé des vérités, mais l’enfance est finie, maintenant Dieu s’ouvre lui-même, on lui ouvre un côté pour voir ce que contient la chair humaine : du sang. Et, quand elle est morte, du sang et de l’eau.

Lorsque j’étais enfant, Dieu m’a souvent parlé, et longtemps je craignais même d’être stigmatisée, tellement j’ai cru à tout ce que j’ai entendu de lui. « Qu’est-ce qui fait que tous les philosophes confondent leurs convictions avec la vérité ? Leur supériorité, leur intelligence pratique ? », demande Nietzsche. Je ne sais pas. Mais j’ai comme une petite idée sur cette arrogance que j’avais aussi autrefois, même si je n’ai jamais pu être philosophe. De toute façon, cette place ne convient pas à une femme, il y a des courants d’air, plus on pense, moins on devient attirante. Alors la femme – qui n’est que chair et donc particulièrement périssable – commence tout de suite à coller un poème dans l’album de poésie, pour qu’il y ait moins de courants d’air. Car la femme a un côté pratique. Autrefois, elle a volontiers renoncé à tout pouvoir. Mais, maintenant, la femme aussi se fait exploser pour sa cause, pour qu’il y ait le plus grand nombre de morts possible. C’est horrible. Je peux le dire seulement comme je le sens, et j’aime beaucoup le mot horreur, toutefois je le préfère dans des histoires qui font frissonner, pas dans la réalité. Malheureusement, la réalité n’est pas une histoire à frissons, elle devient Histoire.

Pour ce qui est du frisson, d’autres le provoquent, pas les poètes qui ont écrit du mieux qu’ils pouvaient, mais cela ne leur a pas suffi. Moi, ça me suffit. Je voulais prendre quelque chose pour la vérité, et le dire au plus grand nombre. L’envie d’un peu plus de justice, je crois bien qu’il était là, mon premier élan, mais en Autriche où je vis, ce qui compte davantage ce sont les élans [NdT : traces] qui s’inscrivent dans la neige (et la neige fraîche les recouvre tout en favorisant le tourisme et en effaçant tout). Cette « écriture »-là y a toujours plus compté que tout ce que l’on pourrait « fixer » sur le papier – c’est ridicule, on dit « bannir » en allemand, car ce qu’on « bannit » prétendument sur le papier a souvent conduit à la mise au ban dans ce pays, alors il vaut mieux ne rien dire.

On me l’a souvent conseillé. Gentiment, s’entend. Maintenant, je ne veux plus essayer d’avoir de l’effet. Non, je tricote et je n’ai pas d’effet, je ne peux pas faire des miracles. Si ce martyr sur la croix n’y est pas arrivé avec tout son corps, alors comment puis-je y arriver avec mon ridicule « bannissement sur le papier » ? Ou bien est-ce que je fais passer pour un bannissement incontournable ce qui n’était en fait que l’amour du papier ? N’ai-je pas, tout simplement, aimé faire quelque chose, parce que je ne savais rien faire d’autre ? Et n’ai-je pas amplifié ce que j’ai fait, afin de pouvoir le faire passer, avec vantardise, pour une obligation d’éduquer le genre humain, ne l’ai-je pas grandi jusqu’à ce qu’il ne tienne plus debout tout seul, parce que la pesanteur le fait retomber à sa place, par terre, même si ce n’est pas le terrain des réalités, réalités que je ne connais malheureusement pas personnellement, parce que je ne connais rien, et que je ne sors que rarement pour connaître quelqu’un. Est-ce un avantage de se mentir à soi-même, en se persuadant qu’on poursuit un grand objectif avec ce que l’on fait, et en quoi le pathos de ce mensonge envers soi-même se distingue-t-il du pathos de la conviction, demanderait Nietzsche.

Je produis moi-même. Imaginez cela ! Je n’ai produit personne d’autre. Je ne me suis même pas produite moi-même, Je ne veux rien produire qui puisse aller au-delà de moi-même. Mais j’entretiens quand même une petite manufacture, vous n’imaginez pas à quel point elle est minuscule ! Elle ne lance rien, elle ne tire pas, elle ne fait rien sauter, peut-être offense-t-elle, mais elle marche, c’est sain. J’utilise des idées pour me fabriquer mon propre dieu ou n’importe quoi d’autre, la nature par exemple, peu importe les idées que je me fais, en tout cas, c’est moi qui les fais. Et si vous voulez savoir de quoi je peux me faire une idée, vous n’avez qu’à lire, rien de plus.

(Traduction de Brigitte Pätzold.)

(1) NDLR. Le terme de « houris » qui figure dans le Coran et qui désigne les vierges est traduit par certains spécialistes de la langue de l’époque par « raisins blancs ».

(2) NdT. Gotthold Ephraim Lessing (1729-1781), auteur notamment de Nathan le Sage (1779).

(3) NdT. L’auteure fait allusion à La Passion du Christ, film de Mel Gibson (mars 2004).

 Lire : La « scandaleuse » de Vienne

Sources : MONDE DIPLOMATIQUE

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19 juillet 2005 2 19 /07 /juillet /2005 00:00

Libérer la terre des illusions célestes et de leur tyrannie


Par Raoul Vaneigem

 



En inaugurant, il y a près de dix mille ans, un système d’exploitation de la nature terrestre et humaine, la révolution agraire a donné naissance à une civilisation marchande dont l’évolution et les formes sont, en dépit de leur grande diversité, marquées par la persistance de quelques traits partout dominants : l’inégalité sociale, l’appropriation privative, le culte du pouvoir et du profit, le travail et la séparation que celui-ci introduit dans le corps entre les pulsions de vie et l’esprit, qui les dompte et les réprime, comme il dompte et réprime les éléments naturels.

La relation qui, dans l’économie de cueillette, antérieure à l’apparition de l’agriculture intensive, s’était établie par osmose entre l’espèce humaine et les règnes minéral, végétal et animal, a cédé la place à sa forme aliénée, à la religion, qui prétend assujettir la terre à un empire céleste, grouillant de créatures fantasmatiques appelés Dieux, Déesses, Esprits.

Les liens, tressés par l’affection et la compréhension, qui en émane, sont devenus les chaînes d’une tyrannie tutélaire, sévissant des hauteurs brumeuses où commence, dans sa vacuité, l’au-delà de l’existence.

Les religions institutionnelles sont nées de la peur et de la haine vouée à la nature. Elles reflètent unanimement l’hostilité engendrée, il y a quelque dix mille ans, par le pillage, à des fins lucratives, des biens prodigués par la terre. Partout où les éléments naturels sont célébrés au nom de la fécondité, leur culte témoigne de rituels barbares, d’holocaustes, de sacrifices sanglants, de cruautés que seul peuvent imaginer des hommes refoulant leurs pulsions de vie et cautionnant, par les mandements de l’esprit, cet instinct prédateur bestial qu’il appartient précisément à l’humanité, non de transcender mais de dépasser.

Le sens humain consiste à contrôler la prolifération chaotique de la vie, à intervenir de telle sorte que l’exubérance créatrice se propage sans se détruire par surabondance, à empêcher que le rayonnement vital ne s’inverse en radiation mortelle, comme un besoin d’amour non satisfait se transforme en animosité.

C’est aussi bien : maintenir parmi les animaux sauvages un équilibre entre proies et prédateurs ; prévenir le dépérissement des arbres en surnombre et la combustion des taillis en éclaircissant les forêts ; donner naissance à des enfants qui seront désirés, aimés, choyés, éduqués dans l’amour de la vie, et non encourager la prolifération nataliste et les condamner ainsi à la misère, à la maladie, à l’ennui, au travail, à la souffrance, à la violence.

Toutes les religions, sans exception aucune, oppriment le corps au nom de l’esprit, méprisent la terre au nom du ciel, propagent la haine et la cruauté au nom de l’amour. Les idéologies n’agissent pas autrement, sous le prétexte d’assurer l’ordre social et le bien public. Se borner à opposer la laïcité du pouvoir au pouvoir des religions, c’est combattre le mensonge sacré avec le mensonge profane.

Les prêtres tirent leur hégémonie du chaos social et de la misère. Ils ont besoin de ce grouillement où la survie prolifère aux dépens de la vraie vie pour s’arroger le privilège d’opérer, selon un prétendu mandat céleste, des coupes claires dans le foisonnement des peuples. Ils supplicient, ils sacrifient, ils éliminent les surplus, ils légalisent les hécatombes au nom du Tout puissant. Ils prônent le salut du clan, de la tribu, de la communauté, de l’espèce par le nivelage de la mort souveraine. Ils ouvrent sur l’au-delà et sur une vie mythique, dont la richesse pallie les carences d’ici-bas, l’invisible porte de leurs certitudes dogmatiques.

L’individu est sacrifié au grégaire. Dans le pressoir des rituels d’endoctrinement, la joie de vivre comprimée, foulée, écrasée, laminée, crève et laisse de son cadavre suinter la foi. Une croyance qui prône le salut au prix d’une vie mutilée, tue. Comment s’en étonner ?

Le principe de fatalité, selon lequel à chaque instant la mort saisit le vif, illustre le mécanisme d’autorégulation, auquel le chaos proliférant recourt spontanément. De là l’obscurantisme, l’intelligence obturée, le credo quia absurdum, qui, en occultant la puissance créative de l’homme, révoque depuis des millénaires notre unique éventualité d’accéder à la vie et de la propager.

Le prétendu retour des religions ne fait que traduire une de ces régressions où le passé se manifeste par une résurgence factice et passagère. Il n’y a d’archaïsmes rameutés que spectaculaires et parodiques. En arasant nos modes de croyances et de pensées traditionnels au bénéfice du calcul à court terme, le mercantilisme planétaire a fait des religions et des idéologies politiques de simples éléments conjoncturels sur l’échiquier de ses besoins. Il les restaure et s’en débarrasse selon que le marché juge leur appoint nécessaire ou superflu.

Le principe écoeurant du « Tout est permis pourvu que cela rapporte », a frappé de nausée les sociétés les plus diverses et fait du nihilisme la philosophie des affaires.

Le consumérisme a dévoré le christianisme. Après Jésus, Jéhovah, Moon et le Dalaï Lama, Mohammed lui aussi entrera chez Mac Donald comme un affiquet offert en prime. On s’en réjouirait si le culte de l’argent se servait de déversoir à tous les autres


L’esprit religieux a beau surnager tel l’eau croupie d’un passé paludéen, les institutions ecclésiales ne sont plus que les emballages d’un produit mercantile. L’oecuménisme affairiste mêle dans le même baquet le catholicisme vaticanesque, le calvinisme de Wall Street, les mafias opérant sous les drapeaux du sunnisme, du chiisme, du wahhabisme, du sionisme. Le Dieu de l’agiotage et la foi en n’importe quoi servent de fourre-tout à des croyances obsolètes et à des fantasmagories à la Jérôme Bosch, dont on a oublié un peu vite qu’elles ont, il n’y a pas si longtemps, contribué à la vogue extraordinaire des sectes. Il est dans la logique marchande de récupérer à son profit la déperdition d’âme qu’elle provoque. En la matière, une mode vaut l’autre.

Le capital mène, sous tous les climats qu’il dégrade, une véritable guerre froide à l’ensemble des populations du globe. Elle parodie l’ancien affrontement qui opposa l’Est à l’Ouest, l’empire de Moscou à l’empire américain. C’est aujourd’hui, à l’échelle planétaire, une guerre de gangs et de tribus, commandités par les marchés de l’armement, du pétrole, de la narcopharmacie, de l’agroalimentaire, des biotechnologies, de l’informatique, des groupes financiers, des services parasitaires, de la pêche intensive, du commerce des êtres humains, du trafic d’animaux, du pillage des forêts.

La seule Internationale, effective et efficace, est désormais celle de morts-vivants, qui ont besoin de faire de la terre un cimetière. Il est vrai que le mouvement ouvrier avait déjà abandonné l’internationalisme aux staliniens de l’ancien empire soviétique et à ses séides, les Mao, les Pol Pot, les Ceausescu, les Castro et autres caudillos. Comment le réflexe de servitude volontaire, obtenu avec tant de zèle par le matraquage de l’information et de l’éducation, ne fournirait-il pas un taux d’audience accru aux modes promotionnelles du fatalisme, qu’elles soient laïques ou religieuses (ceux qui, en l’occurrence, raillent la résignation du musulman feraient bien de s’interroger sur la leur.)

Issues originellement du système économique qui les régurgite en atteignant aujourd’hui à son apogée et à son point d’effondrement, les religions, tout à la fois dérisoires et menaçantes, sont à l’image de l’argent virtuel qui, du haut d’absurdes et d’abstraites cotations boursières, détruit en rase motte la métallurgie, les textiles, l’agriculture naturelle, la santé, l’enseignement, les services publics, l’existence de millions de personnes.

De cette bulle spéculative financière, enflant sans cesse et dont les économistes prévoient l’éclatement, procède un esprit apocalyptique, moins empreint de peur que de cynisme.

Reproduisant le vieux schéma de la fin du monde - si fréquemment associé, jadis, à des revendications égalitaires -, le programme de destruction de la planète et de la vie terrestre s’identifie aujourd’hui sans vergogne au salut du monde des affaires. Comment cette vision éminemment religieuse ne s’adjugerait-elle pas une place prépondérante dans le spectacle ? Rien ne suscite plus de fascinations triviales et morbides que la mise en scène, réglée selon un manichéisme à fonction variable, de bons et de mauvais anges exterminateurs, dont les milices interchangeables rameutent indifféremment corrupteurs de climats, empoisonneurs d’aliments, pollueurs en tous genres, fauteurs de guerre et de misère, tueurs, massacreurs, terroristes brandissant ou non le drapeau d’une Cause.

Une seule chose n’apparaît pas dans le spectacle universel et ses scénographies de la mort en direct et en coulisses : la simple évidence pour des millions d’êtres humains que la vie existe et mérite d’être vécue.

Les sociétés patriarcales ont toujours méprisé la quête d’une félicité terrestre. Maintenant que les valeurs fondatrices de la société grégaire se dissolvent dans les eaux de vidange du calcul égoïstes, chacun se retrouve seul à jalonner son chemin, seul à errer dans l’absence de repères avec l’angoisse de se perdre, seul à miser sur lui-même, à découvrir ses ressources personnelles, sa faculté de créer, ses vrais désirs et la résolution de les mener à bien.

C’est ici, à l’endroit même où, à travers la crise planétaire, s’esquisse une mutation, que la naissance plausible d’un monde nouveau fait ressortir du passé des figures qui résistèrent à l’obscurantisme, se dressèrent contre l’oppression, prônèrent l’émancipation de l’homme et de la femme, anticipèrent par leur insolente modernité certains comportements de la radicalité aujourd’hui émergente : Aleydis de Cambrai, Marguerite Porète de Valencienne, Willem Cornelisz d’Anvers, Heilwige Bloemardinne de Bruxelles, Dolcino et Margarita de Novare, Thomas Scoto de Lisbonne, Francisca Hernandez de Salamanque, Herman de Rijswijk, Eloi Pruystinck d’Anvers.

On notera que, du Moyen Âge à la Renaissance, nombre de femmes ont, avec pertinence, combattu l’oppression religieuse au nom de l’amour, de la liberté du désir, de la générosité de la vie. L’émancipation de la femme va de pair avec le déclin du patriarcat, dont le sort est lié au système d’exploitation de la nature. C’est pourquoi elle constitue aujourd’hui un élément moteur de la conscience humaine.


Faut-il rappeler que les femmes siciliennes furent les premières à combattre victorieusement la mafia, que le courage des femmes arabes, iraniennes, afghanes aura raison du despotisme que l’homme exerce sur elle, pour oublier qu’il est lui-même foulé aux pieds par une oppression similaire ?

Il n’est pas une religion qui ne professe la peur et le mépris de la femme, par la raison même qu’elle professe la peur et le mépris de la nature. Mais, après avoir si longtemps convaincu la femme de revendiquer cette servitude dont le mâle se prévaut dans sa hantise d’être cocu, la tradition patriarcale vacille et est battue en brèche. La peur du mâle d’être détrôné n’est sans doute pas étrangère aux sursauts de rage de ces mouvements populistes laïcs, dont les intégrismes ne sont que la version religieuse archaïque.


Que, partout contesté ou menacé, le machisme ordinaire trouve un réconfort dans les citadelles du fondamentalisme, du nationalisme, du tribalisme ethnique n’explique-t-il pas pour quoi la volonté d’éradiquer les résurgences du totalitarisme religieux et idéologique s’embourbe dans l’indignation molle, parmi avec les clapotis et les homélies de l’humanisme bêlant.


Toute religion est fondamentaliste dès l’instant qu’elle a le pouvoir. Si, comme le remarque d’Holbach, « curés, prédicants, rabbins, imams, etc. jouissent de l’infaillibilité toutes les fois qu’il y a danger à les contredire », prenons garde d’oublier combien ils excellent à se montrer doux, flatteurs et conciliants aux temps que leur est ôtée la commodité d’opprimer.


Abandonnez l’État à l’islam et vous aurez les talibans et la charia, tolérez le totalitarisme papiste et l’Inquisition renaîtra, et le crime de blasphème, et la propagande nataliste, pourvoyeuse de massacres. Endurez les rabbins et ne vous étonnez pas que resurgisse le vieil anathème de la religion hébraïque contre les goyim : « Que leurs os pourrissent ! . »

Il est temps de le redire avec force : Que nul ne soit empêché de pratiquer une religion, de suivre une croyance, de défendre une idéologie mais qu’il ne s’avise pas de l’imposer aux autres et - chose plus inacceptable encore - d’endoctriner les enfants. Que toutes les convictions s’expriment librement, même les plus aberrantes, les plus stupides, les plus odieuses, les plus ignobles, à la condition expresse que, demeurant en l’état d’opinions singulières elles n’obligent personne à les recevoir contre son gré.

Rien n’est sacré. Chacun a le droit de critiquer, de railler, de ridiculiser toutes les croyances, toutes les religions, toutes les idéologies, tous les systèmes conceptuels, toutes les pensées. Il a le droit de conchier dans leur totalité les Dieux, les messies, les prophètes, les papes, les popes, les rabbins, les imams, les bonzes, les pasteurs, les gourous, tout autant que les chefs d’Etat, les rois, les caudillos en tous genres.

Mais une liberté se renie dès l’instant où elle n’émane pas d’une volonté de se vivre pleinement. L’esprit religieux ressuscite partout où se perpétuent le sacrifice, la résignation, la culpabilité, la haine de soi, la peur de la jouissance, le péché, le rachat, la dénaturation et l’impuissance de l’homme à devenir humain.

Ceux qui tentèrent de détruire la religion en la réprimant n’ont jamais réussi qu’à la ranimer, car elle est par excellence l’esprit de l’oppression renaissant de ses cendres. Elle se nourrit de cadavres et il lui importe peu qu’entremêlés dans ses charniers les vivants et les morts soient indifféremment les martyrs de sa foi ou les victimes de son intolérance. Le virus religieux reparaîtra tant qu’il y aura des gens pour geindre en se parant, comme d’un titre de noblesse, de leur pauvreté, de leur état maladif, de leur débilité, de leur dépendance, voire d’une révolte qu’ils vouent à l’échec.

Dieu et ses avatars ne sont jamais que les fantasmes d’un corps mutilé. La seule garantie de mettre fin à l’empire céleste et à la tyrannie des idées mortes, c’est de renouer les liens entre les pulsions du corps et l’intelligence sensible qui les affine. C’est de rétablir la communication entre la conscience et la seule radicalité qui soit : l’aspiration du plus grand nombre au bonheur, à la jouissance, à la créativité.

Il n’y a que l’invention d’une vie terrestre, dévolue à la richesse de nos désirs, pour accomplir le dépassement de la religion et de sa servante maîtresse, la philosophie.

Préface à la nouvelle édition du livre Le Mouvement du Libre-Esprit. Généralités et témoignages sur les affleurements de la vie à la surface du Moyen Âge, de la Renaissance et, incidemment, de notre époque, L’or des fous éditeur, 2005.

Réédition augmentée d’une nouvelle préface de l’auteur, d’une notice biographique et d’une bibliographie inédites de Shigenobu Gonzalvez. Ce livre rare était épuisé depuis sa première édition (Paris, Ramsay,1986).

La plupart des idées évoquées ici ont été développées dans De l’inhumanité de la religion. Alors qu’un menu mélange de louanges et d’exécrations accompagne le plus souvent la parution de mes textes, le livre s’est distingué par le silence absolu (hormis deux articles de revues belges hors commerce) qui l’a accueilli de façon révélatrice. Raoul Vaneigem


Sources : http://infos.samizdat.net/article338.html

Sources :

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LA MENACE VIENT DES USA

LE TRANSGRESSEUR

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LE PORTEUR DE LUMIERE... Réhabilitation de Lucifer... que s'est-il vraiment passé dans le Jardin d'Eden...? extraits du roman d'Adriana Evangelizt


 

 



 

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1 juin 2005 3 01 /06 /juin /2005 00:00

 

LE  SERPENT

DANS LA RELIGION EGYPTIENNE

 

La signification symbolique du cobra dans l’art égyptien est associé de façon très forte à la religion. Durant l'Antiquité Egyptienne, les forces dangereuses étaient vénérées soit pour gagner leur bonnes grâces, soit pour vaincre les ennemis. C'est la raison pour laquelle le serpent fut vénéré sous forme de différentes divinités.
Les artisans égyptiens représentèrent souvent le serpent en Egypte comme une déesse protectrice, symbole de la vie divine et de l’ordre.


En tant que Ouadjet, le cobra est la déesse de Bouto, l’ancien sanctuaire du Delta. Sa « contrepartie » est le vautour, symbole de Nekhbet, déesse de Nekhen ou Hierakonpolis, ancien sanctuaire de la Haute Egypte (le vautour et le cobra deviendront les symboles de l’unification du pays). Ces deux déesses furent considérées comme des protectrices et des gardiennes des peuples des deux « contrées ». A travers les temps, le cobra restera en Egypte un symbole puissant de protection royale et divine.


L’importance du cobra est en fait expliqué dans le fameux « Papyrus Bremner-Rhind », texte remontant au 4ème siècle av.J-C. Ce texte contient deux versions du mythe de la création « héliopolitaine ». Dans les deux versions, Atoum créa Shou (l’air) et Tefnout (l’humidité) en « expectorant » ou en « se masturbant » à l’intérieur des eaux primordiales. Puis il envoya son oeil pour récupérer Shou et Tefnout. Quand son oeil retrouva et ramena « l’air » et « l’humidité », l’unité primordiale de la puissance divine fut atteinte. Cependant, l’oeil du démiurge devint enragé quand il s’apperçut qu’il avait été remplaçé par « un objet plus brillant que lui » : le soleil.
L’oeil se transforma de façon magique en cobra, puissance féminine (le hiéroglyphe utilisé pour décrire le serpent se terminant par un t, déterminatif féminin) servant à protéger les dieux et les rois contre les puissances des ténèbres dans le monde crée. Le dieu de la création apaisa l’oeil, devenu cobra, en le plaçant sur son front. La pacification du cobra marqua ainsi l’établissement de la monarchie, et le serpent devint le symbole de la protection et de l’unité de la royauté légitime.


Plus tard, Apophis sera l’ennemi serpent du dieu solaire qui incarne la menace continue de désordre pour le monde organisé.
Le serpent apparait donc à l’origine de la mythologie expliquant la création du monde.


Sur une fresque de la XXIème dynastie (Papyrus « De Herub »), on voit un serpent qui se mord la queue : c’est l’Ouroboros. Que signifie ce symbole ? Le serpent qui se mord la queue est l’emblème du monde, ou plus exactement de la perpétuelle rénovation de la nature. On trouve dans le premier livre des hiéroglyphes d’Horapollon : « Quand les Egyptiens veulent représenter le monde, ils peignent un serpent qui mord sa queue. Chaque année cet animal se dépouille et perd sa vieillesse; de même, dans le monde, chaque période annuelle rajeunit en opérant un changement ».


On peut lire dans un texte égyptien traduit par G.Maspéro ceci : « le dieu Râ avec sa barque passe à travers le corps et les entrailles de ce serpent.... Le serpent qui fait peau neuve, chaque année, et semble ainsi renaître de lui-même, est indiqué pour jouer le rôle d’entrepôt de la vie divine ».


Oscar Pfouma dans « Histoire culturelle de l’Afrique » nous apprend qu’Atoum a été représenté en une forme particulière d’Ouroboros : un serpent à cinq têtes se mordant la queue. L’image sert à illustrer la multiplicité d’essences du dieu. Puis il cite un texte égyptien : « Je suis Tum, celui qui a fait le ciel, le créateur des choses qui y sont, qui sortent de terre; qui fait venir à l’existence les graines ensemencées, le seigneur des choses qui seront; qui donne naissance aux dieux; je suis le grand dieu qui se fait lui-même.... Je suis dans le ciel, dans la terre, dans l’eau, dans l’air, je suis dans les animaux, dans les plantes; dans le ventre, avant le ventre, après le ventre, partout ».


Dans le chapitre 175 du Livre des Morts, on peut lire que: « Cette terre retournera à l’eau primordiale, au flux infini qui fut son premier état. Je (Atoum) demeurerai avec Osiris après m’être transformé en un autre serpent que les hommes ne connaissent pas et que les dieux ne voient pas ». Prenons l’explication de Erik Hornung : « Seuls Atoum et Osiris sont capables de reprendre la forme durable, originale du serpent, c’est à dire la même forme-ou plûtot absence de forme-que l’ennemi éternel des dieux, Apophis, puissance du chaos; on retrouve ce symbole dans l’Ouroboros, le serpent qui se mord la queue, la non-existence régénérante qui encercle le monde. Ici, le serpent demeure, mais le monde qu’il enserre s’enfouit dans l’eau primordiale et disparait avec les dieux et tous les êtres vivants : retour à la situation d’avant la création ».


Citons un autre passage du Livre des Morts : « L’âme pénétrera dans le corps du serpent par la queue, qui est dirigée du côté des ténèbres et sortira par sa gueule, qui est toujours du côté de la lumière ». Selon Albert Champdor, l’âme, après avoir traversé le Serpent, symbole de l’éternité et de la réincarnation, acquiert de nouveaux pouvoirs magiques.


Terminons ce chapitre en disant que des momies de serpents ont été trouvées dans les nécropoles thébaines; il s’agit de serpents divinisés, nommés Pa-neb-ânkh « les maîtres de la vie ».

Sources : http://membres.lycos.fr/nebetbastet/symboleanimaux.htm

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31 mai 2005 2 31 /05 /mai /2005 00:00

Alors nous allons entrer là dans un domaine qui risque fort écarquiller les yeux des profanes. Il y est question du Serpent. Le Serpent de la Genèse a été diabolisé par l'Eglise Catholique romaine. Il serait l'animal maudit qui a induit la femme en tentation. Ce qui nous reste de la vérité historique de la Création du monde dans la Bible est bien sûr à prendre avec des pincettes. Il faut lire entre les lignes car bien souvent le sens littéral en cache un autre beaucoup plus profond.

Le Serpent à l'Origine était le symbole de la Connaissance. Il faut donc bien réfléchir sur le Serpent du Jardin d'Eden. Qui était-il exactement ? Et que révéla-t-il à Eve qui provoqua le courroux de Yahvé ? Il faut savoir que dans tous les milieux gnostiques, hermétiste, ésotériques, le vrai Dieu n'est pas Yahvé...  nous n'en dirons pas plus pour l'instant mais peu à peu le secret vous sera délivré...

 

 

ELEVER LE SERPENT INTERIEUR

 

ou la Vision Kabbalistique du Serpent de la Genèse

par Rabbi Yakob Funès

 

Un texte transmis par un ami sur le Serpent de la Genèse en une vision unifiante. Une autre manière de dire ce que nous avons déjà dit au sujet de l’utilisation des symboles au sein de Torah.

Au travers de l’histoire, le serpent reste le symbole le moins bien connus des éléments bibliques, souvent associé au mal et aux forces de la tentation et de la chute. Mais, si nous regardons le serpent avec des yeux de kabbalistes et non de simples croyants, alors les enseignements qu’il recèle sont nombreux et l’histoire du Jardin d’Eden prend une coloration bien différente : de la chute nous trouvons alors une transformation spirituelle et un développement possible de l’homme dans la liberté de la Création.

Dans la tradition des maîtres hassidim, un des principes afin d’obtenir une compréhension plus pénétrante et plus grande de la Torah est d’utiliser celle-ci comme un manuel qui par l’alchimie de la psychologie intime de l’âme peut être compris plus aisément. Chaque personne, lieu, événement, objet représentent un élément organique de la psyché humaine et divine. Par ce mode de connaissance, le serpent du Jardin peut être symboliquement un représentant des instincts primitifs qui se cachent en chacun de nous. En fait, les sages nous disent « le serpent était à l’origine destiné à un grand serviteur de l’homme » (Sanhédrin 59b).

Nos sages, de mémoire bénie, nous donnent ici une vision étonnante qui développe plus avant notre compréhension du serpent. Ils disent que le serpent avait à l’origine des jambes et qu’il fut maudit (Zohar I 171a). Symboliquement, cela signifie que la condition première au sein de tout un chacun est de pouvoir se mouvoir et de grimper, de s’élever afin d’atteindre des sommets dans l’illumination et la compréhension du divin. Cela signifie aussi que nous sommes capables intrinsèquement de remplir notre vie, de faire vivre le royaume de Dieu en nous et autour de nous. A ce niveau, la bénédiction spirituelle ultime est possible. Mais lorsque le serpent est maudit par Dieu afin de « ramper sur son ventre et de manger la poussière de la terre » (Genèse 3, 14), la condition première change drastiquement et nous sommes alors enfermés dans les formes inférieures de la passion.

Afin de comprendre ce changement profond, nous devons à nouveau nous tourner vers les maîtres de la tradition kabbalistique. La Kabbale (Zohar II, 23b et Midrash Rabba baMidbar 14, 12) enseigne en effet qu’il existe quatre niveaux de compréhension et que pour faire un être humain intégral, l’on doit avoir quatre niveaux ou quatre éléments de la nature : l’élément physique (terre), la nature émotionnelle (eau), l’abilité intellectuelle (air) et la dimension spirituelle (feu). En ôtant les jambes au serpent et en le forçant à ramper sur le sol, l’élément ou la pulsion physique est confiné, selon nos maîtres bénis, à la dimension terrestre et physique. Le résultat de cette malédiction est que notre énergie première qui est de réaliser le potentiel transformatif spirituel est à présent dans un état de confinement terrestre, au sein des énergies les plus basses du corps qui sont associées à la sexualité, aux passions physiques et aux désirs terrestres.

C’est la raison pour laquelle nombre de traditions dans le monde ont compris que ce stade inférieur est la source de nos obstacles à atteindre des niveaux de spiritualité supérieurs. Comme résultat, le serpent a été condamné comme maléfique.

 

Délivrer le Serpent intérieur.

 

Heureusement, la vision conventionnelle qui appelle à la suppression de l’énergie sexuelle ou serpentesque doit être réexaminée sous les feux de la pensée kabbalistique. La Torah nous donne une vision très puissante de ce que peut être notre énergie primale si nous pouvons la faire s’élever à nouveau et la canaliser dans la bonne direction. Relisons en ce sens la rencontre de Moïse et de Dieu sous la forme du Buisson Ardent, il lui est commandé de laisser tomber son bâton sur le sol et de l’élever à nouveau (Shemoth 4, 3-4).

C’est là le symbole du Tikkun ou de la réparation du bris des vases qui est nécessaire à l’évolution spirituelle véritable. En son état de chute, la Torah nous dit que le bâton était un serpent qui faisait peur à Moïse, mais qu’une fois élevé il devint le bâton de Dieu par lequel Moïse réalisa ses miracles (Zohar I, 27a). Cela nous enseigne donc que lorsque nos besoins primaires sont réprimés, nous sommes sans contrôle sur eux, tandis que si nous élevons cette énergie primaire, les mêmes passions sont élevées et transformée et Dieu opère ses miracles au travers de nous (Keter Shem Tov 69).

L’idée est simple voire simpliste : en canalisant nos passions vers le haut, vers les pshères spirituelles nous pouvons transformer un potentiel destructeur en une chose sainte et bonne. Cependant, nos sages, de mémoire bénie, nous mettent en garde que mal dirigée nos passions mènent à l’irresponsabilité et peuvent se révéler dangereuses. Les passions doivent donc être guidées par l’élément de l’air (intellect) avant de pouvoir se transformer et se réaliser en feu (spiritualité) par l’utilisation du modèle kabbalistique des quatre éléments.

 

La passion comme moyen de transformation.

 

Le Yetzer haRa - le mauvais penchant - n’est rien de plus que l’énergie réprimée qui doit être transformée et sublimée dans son expression en une énergie spirituelle.

Le Baal Shem Tov, maître de mémoire bénie et que l’huile coule sur ses descendants, soyons dignes d’exprimer sa pensée, explique ainsi que deux lettres hébraïques - Resh et Ayin - épellent le mot « mal » - ra - qui inversé donne le mot « er » qui signifie « être éveillé ». Le yetzer haEr serait alors l’inclinaison à l’éveil qui repose en chacun de nous. Comme le serpent dont les yeux restent toujours ouverts, il y a une part en nous qui doit toujours rester en éveil et être sans cesse stimulée. Par conséquent, lorsque l’on ne participe pas sous une forme ou une autre à la spiritualisation ou à l’expression spirituelle de notre intimité. Nous devons chercher une stimulation extérieure par l’étude, la danse, les chants, l’art. La Kabbale nous enseigne que la sexualité et la spiritualité sont une énergie UNE. Sous sa forme inférieure, elle se manifeste comme un instinct primaire et se manifeste par le stupre. Dans sa forme élevée elle se manifeste comme un amour intense et illimité de l’amour divin, une passion pour la vie et l’éclosion de la beauté de l’être intérieur. En sa forme élevée de joie et de bonheur, elle nous permet d’atteindre les sphères prophétiques de l’inspiration divine (Likkutei Moharan I, 24).

Nos sages, de mémoire bénie, disent que lorsque deux mots hébreux ont une même valeur numérique, ils sont en fait de même essence, mais à un niveau plus subtil et plus occulté. Peut-être est-ce pour cela que les mots hébreux Mashiach (messie) et Na’hash (serpent) ont la même valeur numérique de 358. En surface, ils semblent représenter deux forces opposées, en essence ils sont liés. La tradition nous explique que lorsque l’ère messianique arrivera, nos instincts primaires seront « enlevés » et que tout sera transformé en bon. Cela signifie que ces instincts seront élevés et ne seront plus réprimés mais que la pulsion intime retournera à sa passion originelle de trouver sa réalisation dans la vie spirituelle de l’amour du Dieu vivant (Tikkunei Zohar 21 43a).

La vie est une célébration qui doit être vécue et si l’on nie sa propre nature et ses désirs, alors on nie sa nature divine et humaine, on nie la gloire intrinsèque de notre essence divine. L’individu spirituel a besoin d’éléments positifs pour se transformer, il utilise ses désirs terrestres afin de les sublimer en des expressions créatrices et divines. Il élève le serpent afin de reprendre la route du royaume divin qui est en nous et autour de nous.

 

Sources : EZOOCULT    Excellent site Hermétiste

http://www.ezooccult.net/article.php3?id_article=271

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20 mai 2005 5 20 /05 /mai /2005 00:00

" Ami, n'imitez pas celui qui, assis devant l'âtre, regarde le feu s'éteindre puis souffle en vain sur les cendres éteintes. Ne perdez pas espoir et ne vous laissez pas aller au désespoir pour les choses du passé, car se lamenter sur l'irrémédiable est la pire des faiblesses humaines. "

 Khalil GIBRAN

 

LE PROPHETE

 

 

Le Mariage

 

Alors Almitra parla à nouveau et dit, Et qu'en est-il du Mariage, maître ?

Et il répondit en disant :

Vous êtes nés ensemble, et ensemble vous serez pour toujours.

Vous serez ensemble quand les blanches ailes de la mort disperseront vos jours.

Oui, vous serez ensemble même dans la silencieuse mémoire de Dieu.

Mais laissez l'espace entrer au sein de votre union.

Et que les vents du ciel dansent entre vous.

Aimez-vous l'un l'autre, mais ne faites pas de l'amour une chaîne.

Laissez le plutôt être une mer dansant entre les rivages de vos âmes.

Emplissez chacun la coupe de l'autre, mais ne buvez pas à la même coupe.

Donnez à l'autre de votre pain, mais ne mangez pas de la même miche.

Chantez et dansez ensemble et soyez joyeux, mais laissez chacun de vous être seul.

De même que les cordes du luth sont seules pendant qu'elles vibrent de la même harmonie.

Donnez vos cœurs, mais pas à la garde l'un de l'autre.

Car seule la main de la Vie peut contenir vos cœurs.

Et tenez-vous ensemble, mais pas trop proches non plus :

Car les piliers du temple se tiennent à distance,

Et le chêne et le cyprès ne croissent pas à l'ombre l'un de l'autre.

 

LA RAISON ET LA PASSION

 

Et la prêtresse parla à nouveau et dit, Parlez-nous de la Raison et de la Passion.

Et il répondit, disant :

Votre âme est souvent un champ de bataille au sein duquel votre raison et votre jugement luttent contre votre passion et votre instinct.

Puissé-je être l'émissaire de paix de votre âme, et transformer la discorde et la rivalité de ce qui vous constitue en unité et mélodie.

Mais comment le pourrais-je, à moins que vous-même ne soyez l'émissaire de paix, plus encore, l'ami intime de ce qui vous fonde ?

Votre raison et votre passion sont le gouvernail et les voiles de votre âme qui navigue de port en port.

Si votre gouvernail ou vos voiles se brisent, vous ne pouvez qu'être ballottés et aller à la dérive, ou rester ancrés au milieu de la mer.

Car la raison, régnant seule, est une force qui brise tout élan ; et la passion, livrée à elle-même, est une flamme qui se consume jusqu'à sa propre extinction.

Aussi, laissez votre âme exalter votre raison jusqu'aux hauteurs de la passion, de sorte qu'elle puisse chanter ;

Et laissez la diriger votre passion avec raison, afin que la passion puisse vivre au travers de son incessante résurrection, et tel le phœnix renaître de ses propres cendres.

Je voudrais que vous considériez votre jugement et votre instinct ainsi que vous le feriez dans votre maison de deux hôtes bien aimés.

Vous ne voudriez certainement pas honorer un hôte plus que l'autre ; car celui qui porte plus d'attention à l'un perd l'amour et la confiance de tous les deux.

Lorsque parmi les collines, vous êtes assis à l'ombre fraîche des peupliers blancs, partageant la paix et la sérénité des champs et des prairies qui s'étendent au loin - alors laissez votre cœur dire en silence, "Dieu se repose en la raison".

Et quand la tempête arrive, et qu'un vent fort secoue la forêt, et que le tonnerre et l'éclair proclament la majesté des cieux - alors laissez votre cœur dire avec respect, "Dieu agit dans la passion".

Et puisque vous êtes un souffle dans la sphère de Dieu, et une feuille dans la forêt de Dieu, vous devez reposer en la raison, et agir avec passion.

LE DON

Alors un homme riche dit, Parlez-nous du Don.

Et il répondit :

Vous donnez, mais bien peu quand vous donnez de vos possessions.

C'est lorsque vous donnez de vous-même que vous donnez véritablement.

Car que sont vos possessions, sinon des choses que vous conservez et gardez par peur d'en avoir besoin le lendemain ?

Et demain, qu'apportera demain au chien trop prévoyant qui enterre ses os dans le sable sans pistes, tandis qu'il suit les pèlerins dans la ville sainte ?

Et qu'est-ce que la peur de la misère sinon la misère elle-même ?

La crainte de la soif devant votre puits qui déborde n'est-elle pas déjà une soif inextinguible ?

Il y a ceux qui donnent peu de l'abondance qu'ils possèdent - et ils le donnent pour susciter la gratitude et leur désir secret corrompt leurs dons.

Et il y a ceux qui possèdent peu et qui le donnent en entier.

Ceux-là ont foi en la vie et en la générosité de la vie, et leur coffre ne se vide jamais.

Il y a ceux qui donnent avec joie, et cette joie est leur récompense.

Et il y a ceux qui donnent dans la douleur, et cette douleur est leur baptême.

Et il y a ceux qui donnent et qui n'en éprouvent point de douleur, ni ne recherchent la joie, ni ne donnent en ayant conscience de leur vertu.

Ils donnent comme, là bas, le myrte exhale son parfum dans l'espace de la vallée.

Par les mains de ceux-là Dieu parle, et du fond de leurs yeux Il sourit à la terre.

Il est bon de donner lorsqu'on vous le demande, mais il est mieux de donner quand on vous le demande point, par compréhension ;

Et pour celui dont les mains sont ouvertes, la quête de celui qui recevra est un bonheur plus grand que le don lui-même.

Et n'y a-t-il rien que vous voudriez refuser ?

Tout ce que vous possédez, un jour sera donné ;

Donnez donc maintenant, afin que la saison du don soit la vôtre et non celle de vos héritiers.

Vous dites souvent : "Je donnerai, mais seulement à ceux qui le méritent".

Les arbres de vos vergers ne parlent pas ainsi, ni les troupeaux dans vos pâturages.

Ils donnent de sorte qu'ils puissent vivre, car pour eux, retenir est périr.

Assurément, celui qui est digne de recevoir ses jours et ses nuits est digne de recevoir tout le reste de vous.

Et celui qui mérite de boire à l'océan de la vie mérite de remplir sa coupe à votre petit ruisseau.

Et quel mérite plus grand peut-il exister que celui qui réside dans le courage et la confiance, et même dans la charité, de recevoir ?

Et qui êtes-vous pour qu'un homme doive dévoiler sa poitrine et abandonner sa fierté, de sorte que vous puissiez voir sa dignité mise à nu et sa fierté exposée ?

Veillez d'abord à mériter vous même de pouvoir donner, et d'être un instrument du don.

Car en vérité c'est la vie qui donne à la vie - tandis que vous, qui imaginez pouvoir donner, n'êtes rien d'autre qu'un témoin.

Et vous qui recevez - et vous recevez tous - ne percevez pas la gratitude comme un fardeau, car ce serait imposer un joug à vous même, comme à celui qui donne.

Elevez-vous plutôt avec celui qui vous a donné par ses offrandes, comme avec des ailes.

Car trop se soucier de votre dette est douter de sa générosité, qui a la terre bienveillante pour mère, et Dieu pour père.

 

L'AMOUR

 Alors Almitra dit, Parle-nous de l'Amour.

Et il leva la tête et regarda le peuple assemblé, et le calme s'étendit sur eux. Et d'une voix forte il dit :

Quand l'amour vous fait signe, suivez le.

Bien que ses voies soient dures et rudes.

Et quand ses ailes vous enveloppent, cédez-lui.

Bien que la lame cachée parmi ses plumes puisse vous blesser.

Et quand il vous parle, croyez en lui.

Bien que sa voix puisse briser vos rêves comme le vent du nord dévaste vos jardins.

Car de même que l'amour vous couronne, il doit vous crucifier.

De même qu'il vous fait croître, il vous élague.

De même qu'il s'élève à votre hauteur et caresse vos branches les plus délicates qui frémissent au soleil,

Ainsi il descendra jusqu'à vos racines et secouera leur emprise à la terre.

Comme des gerbes de blé, il vous rassemble en lui.

Il vous bat pour vous mettre à nu.

Il vous tamise pour vous libérer de votre écorce.

Il vous broie jusqu'à la blancheur.

Il vous pétrit jusqu'à vous rendre souple.

Et alors il vous expose à son feu sacré, afin que vous puissiez devenir le pain sacré du festin sacré de Dieu.

Toutes ces choses, l'amour l'accomplira sur vous afin que vous puissiez connaître les secrets de votre cœur, et par cette connaissance devenir une parcelle du cœur de la Vie.

Mais si, dans votre appréhension, vous ne cherchez que la paix de l'amour et le plaisir de l'amour.

Alors il vaut mieux couvrir votre nudité et quitter le champ où l'amour vous moissonne,

Pour le monde sans saisons où vous rirez, mais point de tous vos rires, et vous pleurerez, mais point de toutes vos larmes.

L'amour ne donne que de lui-même, et ne prend que de lui-même.

L'amour ne possède pas, ni ne veut être possédé.

Car l'amour suffit à l'amour.

Quand vous aimez, vous ne devriez pas dire, "Dieu est dans mon cœur", mais plutôt, "Je suis dans le cœur de Dieu".

Et ne pensez pas que vous pouvez infléchir le cours de l'amour car l'amour, s'il vous en trouve digne, dirige votre cours.

L'amour n'a d'autre désir que de s'accomplir.

Mais si vous aimez et que vos besoins doivent avoir des désirs, qu'ils soient ainsi :

Fondre et couler comme le ruisseau qui chante sa mélodie à la nuit.

Connaître la douleur de trop de tendresse.

Etre blessé par votre propre compréhension de l'amour ;

Et en saigner volontiers et dans la joie.

Se réveiller à l'aube avec un cœur prêt à s'envoler et rendre grâce pour une nouvelle journée d'amour ;

Se reposer au milieu du jour et méditer sur l'extase de l'amour ;

Retourner en sa demeure au crépuscule avec gratitude ;

Et alors s'endormir avec une prière pour le bien-aimé dans votre cœur et un chant de louanges sur vos lèvres.

 

LE BIEN ET LE MAL

 

Et un des aïeux de la cité dit, Parle-nous du Bien et de Mal.

Et il répondit :

Du bien en vous je puis parler, mais non de ce qui est mal.

Car qu'est-ce que le mal sinon le bien torturé par sa propre faim et sa propre soif ?

En vérité, quand le bien est affamé, il recherche la nourriture même dans les grottes obscures, et quand il a soif il se désaltère même dans des eaux mortelles.

Vous êtes bon quand vous êtes unis avec vous-même.

Pourtant, vous n'êtes pas mauvais quand vous n'êtes pas uni avec vous-même.

Car une maison divisée n'est pas un repaire de voleurs, elle n'est qu'une maison divisée.

Et un navire sans gouvernail peut dériver sans but près d'îles dangereuses, mais ne pas sombrer.

Vous êtes bon quand vous vous efforcez de donner de vous-même.

Pourtant, vous n'êtes pas mauvais quand vous cherchez le profit pour vous-même.

Car quand vous cherchez le profit vous n'êtes qu'une racine qui s'agrippe à la terre et tête à son sein.

Certainement, le fruit ne peut dire à la racine, "Soit à mon image, plein et mûr et toujours généreux de ton abondance".

Car pour le fruit, donner est une nécessité, et recevoir est une nécessité pour la racine.

Vous êtes bon quand vous êtes pleinement conscients dans votre parole.

Pourtant, vous n'êtes point mauvais quand vous êtes endormi alors que votre langue titube sans but.

Et même un discours chancelant peut fortifier une langue faible.

Vous êtes bon quand vous marchez vers votre but fermement et d'un pas hardi.

Pourtant, vous n'êtes point mauvais quand vous y allez en boitant.

Même celui qui boite ne va pas à reculons.

Mais vous qui êtes forts et rapides, veillez à ne pas boiter devant les estropiés en croyant être gentil.

Vous êtes bon d'innombrables manières et vous n'êtes point mauvais quand vous n'êtes pas bon.

Vous ne faites que musarder et paresser.

Quel malheur que les cerfs ne puissent donner leur promptitude aux tortues.

Votre bonté réside dans votre aspiration envers votre moi-géant : et cette aspiration existe en vous tous.

Mais en certain d'entre vous, cette aspiration est un torrent qui se rue puissamment vers la mer, emportant les secrets des coteaux et les chants de la forêt.

Et en d'autres, elle est un ruisseau paisible qui se perd en méandres et en détours et s'attarde avant d'atteindre le rivage.

Mais que ceux chez qui l'aspiration brûle ne disent pas à ceux chez qui elle est faible, "Pourquoi es-tu lent et hésitant ?".

Car celui qui est vraiment bon ne demande pas à celui qui est nu, "Où sont tes vêtements ?", ni au sans logis, "Qu'est devenue ta maison ?"

 

LA SOUFFRANCE

 

Une femme dit, Parle nous de la Souffrance.

Il répondit :

Votre douleur est l'éclatement de la coquille qui enferme votre entendement.

De même que le noyau doit se fendre afin que le coeur du fruit se présente au soleil, ainsi devrez-vous connaître la Souffrance.

Si vous saviez garder votre coeur émerveillé devant les miracles quotidiens de votre vie, votre douleur ne vous paraîtrait pas moins merveilleuse que votre joie;

Vous accepteriez les saisons de votre coeur, comme vous avez toujours accepté les saisons qui passent sur vos champs,

Et vous veilleriez avec sérénité durant les hivers de vos chagrins.

Une grande part de votre douleur a été choisie par vous.

C'est la potion amère avec quoi le médecin en vous guérit votre moi malade.

Faites confiance, alors, au médecin, et buvez son remède calmement et en silence.

Car sa main, si lourde et si rude soit-elle, est guidée par la tendre main de l'Invisible,

Et la coupe qu'il vous tend, bien qu'elle brûle vos lèvres, a été façonnée d'une argile que le Potier a imprégnée de Ses larmes sacrées.

 

LA RELIGION

 

Et un vieux prêtre dit, Parle-nous de la Religion.

Et il dit :

Ai-je parlé d'autre-chose aujourd'hui ?

La religion n'est-elle pas tout acte et toute réflexion,

Et ce qui est ni acte ni réflexion, mais un émerveillement et une surprise jaillissant sans trêve de l'âme, même quand les mains taillent la pierre ou tendent le métier à tisser ?

Qui peut disjoindre sa foi de ses actions, ou sa conviction de ses occupations ?

Qui peut répandre ses heures devant lui, disant, "Celles-ci pour Dieu et celles-là pour moi-même ; celles-ci pour mon âme et ces autres pour mon corps" ?

Toutes vos heures sont des ailes qui battent à travers l'espace qui sépare votre moi de votre moi.

Celui qui porte sa moralité comme ses plus beaux habits, serait mieux dénudé.

Le vent et le soleil ne marqueront pas de rides dans sa peau.

Et celui qui règle sa conduite selon la morale emprisonne l'oiseau chanteur de son être dans une cage.

Le chant le plus libre ne peut passer à travers les barreaux et les grilles.

Et celui pour qui le culte est une fenêtre, que l'on peut aussi bien ouvrir que fermer, n'a pas encore visité la maison de son âme dont les fenêtres sont ouvertes de l'aurore à l'aurore.

Votre vie de tous les jours est votre temple et votre religion.

Chaque fois que vous y pénétrez, emportez avec vous votre être tout entier.

Prenez la charrue et la forge et le maillet et le luth,

Les choses que vous avez façonnées pour votre besoin ou pour votre délice.

Car dans le rêve, vous ne pouvez vous élever au-delà de vos réussites ni sombrer plus bas que vos échecs.

Et prenez tous les hommes avec vous :

Car dans l'adoration vous ne pouvez voler plus haut que leurs espoirs ni vous abaisser plus bas que leur désespoir.

Et si vous voulez connaître Dieu, ne soyez donc pas celui qui résout les énigmes.

Regardez plutôt auprès de vous, et vous Le verrez jouant avec vos enfants,

Et regardez dans l'espace ; vous Le verrez marchant dans les nuages, étendant Ses bras dans l'éclair et retombant en pluie.

Vous Le verrez sourire dans les fleurs, puis s'élevant et agitant Ses mains dans les arbres.

Posté par Adriana Evangelizt

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16 mai 2005 1 16 /05 /mai /2005 00:00

 

 

 

CONFITEOR

 

(Extraits...)

 

 

"Or, je n'ai de lieu et de moment pour me brancher sur le Réel qui me fonde qu'ici et maintenant , selon l'expression commune aux spirituels de toutes les traditions. Je ne dois surtout pas m'évader de l'instant présent car il est ma seule prise sur l'au-delà du temps. Ma capacité à atteindre la Transcendance est donc à la mesure même de la qualité de ma présence dans l'espace et le temps. Autrement dit, à la mesure de mon incarnation.


L'inverse est également vrai. Je ne contribuerai à métamorphoser le monde et les êtres qui m'entourent, à leur apporter lumière et vie que si je suis moi-même habité par une lumière et une vie qui puisent leur force régénératrice à la source de toute lumière et de toute vie."

"Toute religion révélée contient en elle le germe de son intégrisme. L'islam, le christianisme et le judaïsme ont chacun les leurs, c'est dans la nature même des choses. "

"L'homme de foi (...) est celui qui s'ouvre sans cesse au réel, quels que soient les bouleversements que cette approche entraîne dans l'organisation antérieure de sa pensée."

"Plus nous nous ouvrons à la conscience de la transcendance qui nous habite, plus nous sommes amenés à faire rayonner sa lumière et sa vie (certains diront son amour), sur le monde dans lequel nous sommes insérés. Mais simultanément, plus nous nous ouvrons à la connaissance des choses et à l'amour des êtres qui nous entourent, plus nous élargissons nos capacités d'appréhender le Réel et de participer, à la mesure de nos limites, à son oeuvre de création."

"La bonne nouvelle, c'était que l'homme n'est pas définitivement seul dans un univers hostile. La force qui le crée, et qui lui semble aveugle parce qu'il ne la saisit jamais, est en réalité une force attentive. Rien ne lui échappe : le moindre passereau est compté. Exprimée en termes humains, elle est amour, c'est-à-dire bon vouloir, bienveillance, désir de notre joie de vivre."

"Jésus nous apprend qu'il faut accepter de se perdre pour être libre et se trouver, que le vrai bonheur n'est pas dans la possession mais dans le don, non dans la domination mais dans le service, non dans la destruction mais dans la création, non dans le jugement et la condamnation mais dans le pardon, non dans le paraître mais dans l'être et dans l'action."

"(...)ma difficulté venait de ma conscience aiguë de l'immanence métaphysique de Dieu au coeur de tout être. Si j'existe, c'est que Dieu me pose dans l'existence. Si je pense, si je parle, si j'agis, c'est que Dieu, au niveau métaphysique, c'est-à-dire à un niveau qui échappe totalement à ma perception, me donne de penser, d'agir ou de parler.
Si donc c'est Dieu qui me donne de parler, comment imaginer qu'il ait besoin de mes paroles pour savoir ce que je pense ou ce que je désire ?"

"Ce n'est donc pas par la parole que je communique avec Dieu, mais par mon être.
Chacun d'entre nous est doublement parole. Nous sommes d'une part une parole que Dieu adresse au monde mais d'autre part, ce que nous faisons de nos vies devient à son tour une parole que nous adressons à Dieu. Tout cela se passe au niveau de l'être, sans qu'il y ait besoin que la moindre parole soit prononcée ni même pensée.


(...)Ce n'est donc pas dans notre relation à Dieu qu'il faut chercher la raison que nous avons, malgré tout, de prier. C'est, beaucoup plus prosaïquement, dans notre manière de fonctionner en tant qu'hommes. Nous sommes en effet structurés sur le mode de signes efficaces."


"(...)si je prie, c'est avant tout pour me rappeler à moi-même ce que je voudrais être et, avivant ainsi ma conscience, le devenir effectivement un peu plus, un peu mieux. Si je prie, c'est avant tout pour actualiser en moi, par le pouvoir efficace des signes que je pose, leur signification. C'est pour me transformer moi-même. Pour me libérer de l'agitation mentale qui brouille mon écoute intérieure. Pour me débarrasser de tous les parasites locaux que j'engendre moi-même et me régler sur la longueur d'onde de Dieu."

"C'est pourquoi le fond de toute prière, quelle que soit la religion, n'est pas :

Que ma volonté soit faite !

mais bien

Inch'Allah
Que ta volonté soit faite !
Qu'il me soit fait selon ta parole !
Parle, Seigneur, ton serviteur écoute !

(...)Nous touchons ici à ce qui me semble être la fine pointe du discernement en matière spirituelle. Celui-ci n'opère pas son tri entre les religions constituées mais s'intéresse plutôt à l'attitude de ceux qui les pratiquent. (...) D'un côté, toutes les formes d'exaltation du moi, de l'autre, l'abandon à Dieu. (...) Ici se situe également le point précis où se joue l'accès à une véritable liberté intérieure.
Etre libre ne consiste pas à pouvoir agir à sa guise et selon tous ses caprices. Etre libre, c'est être capable d'adhérer intérieurement, au-delà de toute nécessité, à ce qui advient.


(...) Sur un tout autre modèle, Nelson Mandela dans sa prison, le Mahâtma Gandhi dans son opposition aux Britanniques, Jésus sur sa croix adhéraient librement à une situation qu'ils n'avaient certes pas choisie mais qu'ils refusaient de fuir. Par un biais ou par un autre, ils puisaient cette force et cette liberté intérieure dans une attitude qu'exprime à sa manière le Fiat voluntas tua : que rien, de mon fait, ne vienne empêcher l'accomplissement d'un ordre des choses qui transcende mes désirs, même s'il doit me conduire là où je préférerais ne pas aller !


(...) il n'est pas de plus grande liberté que de s'abandonner à celui en qui on a misé toute sa confiance.


(...) Tel est en effet le paradoxe : la liberté parvient à son sommet au moment même où elle renonce apparemment à faire prévaloir son droit et s'abandonne à une volonté qui lui est supérieure.
Il n'est pas de plus haute liberté que de s'abandonner pleinement au Réel. Réussir à accepter en toutes circonstances, y compris face à la mort, et surtout face à la mort de ses proches, que ce qui est est, suppose d'être allé au bout de l'alchimie intérieure qui fait de soi un homme vraiment libre, un homme authentiquement spirituel."

"Ainsi celui qui aime vraiment, et qui avive intérieurement son amour par la forme de pensée - et donc, si on veut, de prière - qui lui convient le mieux, contribue activement et efficacement au développement du bonheur sur la terre. Le monde est alors le fruit d'un peu plus d'amour."

"Dieu est le fondement de notre liberté, non de notre aliénation."

"La lutte pour l'avenir du XXIè siècle, à mon avis, ne se jouera pas comme on pourrait le croire entre les religieux d'un côté et les rationalistes de l'autre. Il se jouera plutôt entre les religieux d'une part et les spirituels de l'autre. Entre les croyants prêts à admettre sans discussion ce que les religions leur disent de croire, et les hommes qui assumeront avec intelligence la rigueur d'une démarche de foi. Entre ceux qui accepteront de s'aliéner à une structure institutionnalisée et hiérarchisée, et ceux qui mèneront jusqu'au bout la démarche personnelle et libératrice de l'affrontement au réel et de la sagesse qui en découle.


Certains jours, je pourrais avoir la nostalgie de la vie monastique telle que je l'ai vécue auprès du père Alexis, au milieu de mes frères de Boquen. D'autres jours, je pourrais avoir celle du printemps de l'Eglise que nous y avons rêvé. Mais il m'apparaît de plus en plus clairement que la voie qu'il nous faut aujourd'hui frayer ne passe plus par ce type d'appartenance, par ce type d'institution.
Elle se situe hors les murs.


Elle est davantage de l'ordre de la dissolution du sel dans l'océan, de la fermentation du levain dans la pâte, de la germination de la graine dans l'humus de l'humanité. Elle n'exige pas de prendre des formes particulières. Elle peut se vivre partout et dans toutes les situations (...).


Elle passe avant tout par la qualité de l'être.


Elle dépend de notre ouverture à l'Etre.


Le reste nous sera donné par surcroît."

"L'être humain est un migrateur. Son histoire repose sur un réseau complexe et souvent inavoué de longue transhumance, d'assimilation laborieuse, de nostalgie secrète."

"L'homme vrai est un homme qui marche en direction d'une terre promise, d'une Désirade, d'une île d'Avallon, lieu d'abondance et d'immortalité où, selon culture et latitude, couleront le lait et le miel, où le maïs croîtra de lui-même et les flèches s'en iront seules à la chasse.

Tout départ sous-entend une quête, tout voyage est d'abord mythique. La convoitise de l'or, des épices ou de la soie n'eut jamais suffi à elle seule à lancer les grands navigateurs sur les routes précaires de leurs aventures. Ce que vont chercher au loin marins, caravaniers ou touristes, c'est l'image de ce paradis dont tout homme porte avec soi la nostalgie secrète et qui, sous les métaphores des Indes ou des Hespérides, de la Toison d'or ou du Tombeau du Christ, représente le lieu interdit et primordial de son engendrement.

Il en va de même de ces autres migrations, de ces entreprises que constitue par exemple l'aventure scientifique, littéraire ou spirituelle. Dans chacun de ces cas, il s'agit aussi, un jour, sous l'impulsion de quelque désir qui échappe à la claire verbalisation, de prendre un départ, de quitter les régions familières et protégées de ses héritages, de ses certitudes, pour tendre vers un inconnu, induit mais non démontré, pressenti mais non éprouvé.

Entre le projet et l'accomplissement, entre le départ et l'arrivée, un désert, une cordillère, un océan... une solitude en tout cas, de sorte que ce voyageur là se constitue soi-même, sinon en objet de sa quête, du moins en pays de ses explorations.

Quel que soit le lieu atteint au terme de son périple - fut-il celui du départ, le voyageur, ayant fait une expérience essentielle, arrivera et reviendra différent. Il sera devenu un autre. Les découvertes qu'il aura faites dans ces contrées magiques donneront sens au renoncement consenti. La traversée, le voyage initiatique mené à bien lui auront donné accès à son identité."

"Ainsi celui qui monte ne s'arrête jamais, allant de commencement en commencement par des commencements qui n'ont jamais de fin." (Grégoire de Nysse).

Sources : http://perso.wanadoo.fr/famille.delaye/Textes/Confiteor.html

_____________________________________________________________

Par sa conscience, l'homme est à cheval entre deux mondes. D'un côté il est lié au morcellement de l'espace et au déroulement du temps. Il participe de l'éphémère dans lequel il est inséré. Mais de l'autre, il a la capacité de le dépasser, de penser en catégories d'ailleurs, de passé, de futur. Il parvient même, c'est du moins ma conviction, en certains moments privilégiés de sa vie, à élargir sa conscience à la perception de l'univers dans sa globalité, comme s'il participait alors, même de façon modeste et timide, à la vision que Dieu a du monde.


Cette conscience de la transcendance, loin de dévaloriser celle de l'éphémère, lui confère au contraire une importance et une valeur d'éternité. Chaque instant vécu est le moment, chaque être croisé est le lieu d'un rendez-vous avec le Réel qui les transcende mais que chacun exprime à sa manière. Ils sont donc éminemment précieux.


D'autre part, tout instant du temps étant co-actuel à l'instant éternel de Dieu, tout acte que Je pose, toute parole que je profère, toute pensée que j’émets qui ne laissent qu'une trace éphémère dans ma mémoire et à fortiori dans celle des autres hommes, imprime une marque éternelle dans la conscience que Dieu en a. A chaque instant je sécrète donc de l'information éternelle.


Le point Oméga de l'humanité avec Dieu n'est donc pas situé en avant de nous, en un moment mythique du futur. Il est co-actuel à chaque instant que nous vivons et se déplace comme un curseur sur la ligne du temps. L'idée que l'humanité tend par le progrès vers son achèvement ultime, qu'elle y travaille par la recherche scientifique et technique, par l'élaboration d'une civilisation de la communication, loin de valoriser le travail de l'homme me semble au contraire en dévaloriser tous les moments. En privilégiant un hypothétique point du futur, elle inhibe la conscience que nous pouvons prendre du verso éternel du chaque instant de notre vie.


C'est en effet à chaque instant et en chaque homme, quelle que soit l'évolution de la civilisation à laquelle il appartient, que l'humanité débouche sur l'éternité de Dieu. C'est ce que j'entends lorsque Jésus déclare : Il n 'y a rien de caché qui ne devienne manifeste, ni rien de secret qui ne doive être connu et venir au grand jour (Lc 8, 17). De même que tous nos cheveux sont comptés, de même tous nos sentiments, toutes nos pensées, toutes nos paroles, tous nos actes, sont inscrits à l'encre indélébile dans le livre de vie qui n'est autre que la conscience éternelle que Dieu a du monde.

 

La substance vidée


Revenons maintenant aux modalités quotidiennes de notre vie sociale. Nous sommes sollicités de toutes parts et la pression s'est encore accentuée sur chacun d'entre nous depuis que par le biais des médias la planète entière est devenue notre entourage et que notre prochain a pris le visage de multitudes innombrables. Nous risquons vite d'y épuiser nos énergies et d'être vidés de notre substance (cela me rappelle un dessin humoristique de Sempé dont tous les personnages, dans les rues de la ville ou les étages des immeubles, se saluaient les uns les autres en se plaignant d'être crevés ! Être crevé semble en effet devenir la condition universelle de l'homme contemporain).
Mais que vaut la parole d'un crevé ? Que vaut l'action d'un crevé ? Où trouveront leur puissance et leur signification la parole de celui qui parle et l'action de celui qui agit, sinon dans son intériorité ? Sinon dans sa relation roboratrice à la Source qui lui donne d'être, de vivre et de devenir ?


In ipso enim vivimus, et movemur et sumus (Actes. 17,28).


Plus je me ressource et mieux je puis agir. L'un n'est pas le contraire de l'autre mais bien sa condition.


Or je n'ai de lieu et de moment pour me brancher sur le Réel qui me fonde qu'ici et maintenant, selon l'expression commune aux spirituels de toutes les traditions. Je ne dois surtout pas m'évader de l'instant présent car il est ma seule prise sur l'au-delà du temps. Ma capacité à atteindre la Transcendance est donc à la mesure même de la qualité de ma présence dans l'espace et le temps. Autrement dit, à la mesure de mon incarnatIon.


L'inverse est également vrai. Je ne contribuerai à métamorphoser le monde et les êtres qui m'entourent, à leur apporter lumière et vie que si je suis moi-même habité par une lumière et une vie qui puisent leur force génératrice à la source de toute lumière et de toute vie.


En toi est la source de vie par ta lumière nous verrons la lumière (Ps 38, 10)


L'action et la contemplation, loin d'être deux sœurs ennemies, s'appellent l'une l'autre pour se féconder mutuellement. Le dehors n'est pas le contraire du dedans. Il en est le verso. Plus le dedans s'ouvre sur la transcendance, mieux le dehors peut se développer à la dimension du monde sans risquer de s'y disperser et de s'y épuiser.


Au sens strict, Dieu est la seule source d'énergie absolument inépuisable puisqu'elle n'a pas même besoin de se renouveler. Celui qui sait y puiser sa force intérieur ne s’épuisera jamais.


Il pourra être économe en gestes et en paroles car son geste et sa parole seront éminemment signifiants et efficaces.


C'est l'histoire bouddhiste du gros chat qui, sans bouger, par sa seule présence, éloigne les souris à plusieurs lieues à la ronde ! Il ne sert à rien de crier ou de s'agiter pour être efficace. Comme le pensait Maître Eckhart et comme aimait à le rappeler Raymond Abellio, ce ne sont pas nos actes qui nous sanctifient, c'est nous qui sanctifions nos actes. C'est donc en dernière analyse la qualité de notre être qui leur confère leur valeur et non l'inverse.


Ma méditation revient inlassablement à son point de départ : la conviction métaphysique que le monde tel que nous le connaissons en appelle à un Dieu qui le crée, non pas en un hypothétique instant zéro de son histoire, mais bien tout au long et en tout instant de sa durée, c'est à dire en ce moment même où j'écris ces lignes autant qu'en tout autre et que par conséquent tout être mais aussi tout acte et tout événement n’existent l'espace et dans le temps que parce que Dieu les pose dans l'existence. C'est le mystère de la création.


Je n'aurai pas trop de ma vie entière pour en scruter tous les arcanes. Ils contiennent en germe une sorte de mythe de l'incarnation puisque tout phénomène que nous percevons est, du fait même de son existence, une manifestation de Dieu, un signe qu'il nous donne, une parole qu'il nous adresse.
L'univers créé est le véritable livre de la révélation.


Comme tout langage, il nous voile et à la fois nous dévoile sa signification. Il nous voile et nous dévoile le Créateur. Il nous le voile, car si tout, dans l'univers créé, nous parle de lui, rien ne peut être purement et simplement identifié à lui. Dieu reste irrémédiablement au-delà des portes de la perception. Le monde nous le dévoile cependant, parce qu'à travers le visible, nous pressentons l'invisible qui le fonde, per visibilia ad invisibilia (Logion 3).


Pour le meilleur ou pour le pire, notre destin spirituel ne se joue nulle part ailleurs qu'en nous-même. Il ne se joue pas dans l'appartenance à une caste, un peuple, une secte, une chapelle ou une Église. Nous ne pouvons pas nous en démettre sur quelqu'un d'autre. Il se joue en chacun de nous. Hors de soi, point de salut ! Tout au plus pouvons-nous trouver des amis ou des précurseurs qui, en éclaireurs, nous font part de leur expérience. A nous d'en tirer parti, avec discernement.
Dans "l'Évangile selon Mathieu", Jésus ne dit pas autre chose : Pour vous, ne vous faites pas appeler Rabbi car vous n'avez qu 'un Maître et tous vous êtes les frères. N'appelez personne votre Père sur la terre car vous n'en avez qu'un, le Père céleste. Ne vous faites pas non plus appeler Docteur : car vous n'avez qu'un Docteur : le Christ (Mt. 23,8-10).


Le véritable guide n'est pas à rechercher parmi les hommes. Il est au plus profond de chacun d'entre nous. Comme nous le rappellent les Upanishads : Tat Twam asi : Tu es cela...


Pour prier ou méditer, je puis me sentir mieux dans un lieu donné parce qu'il est plus chargé d'histoire et qu'il est alors un puissant stimulant pour ma mémoire. Je puis aussi me sentir mieux dans certains lieux dont on m'affirme, mais je n'ai aucun moyen de le vérifier, qu'ils sont chargés de vibrations telluriques. Mais Dieu, lui, est présent en tous lieux. Aujourd'hui, comme il y a deux mille ans, comme dans cent mille ans.

Crois-moi, femme, l'heure vient
où ce n'est ni sur cette montagne ni à Jérusalem
que vous adorerez le Père.
Dieu est esprit et ceux qui adorent,
c'est en esprit et vérité qu'il doivent adorer. ( Jn 4, 21 et 24)

 

Retraverser la mer rouge

 


Personne n'a le droit de s'approprier Dieu sans risquer le plus grave des dénis de justice. Dieu n'appartient à personne en particulier et n'a passé de contrat d'exclusivité avec aucune agence de communication.


Il est présent en tous et potentiellement accessible à tous. Il est le dedans de nous et nous n'avons aucune raison de laisser une religion, quelle qu'elle soit, nous en spolier au profit de son institution et de son système.


Dieu est le fondement de notre liberté, non de notre aliénation. Au cours de ce voyage à Jérusalem, l'urgence m'apparut, impérative, de retraverser la Mer rouge.


Retraverser la Mer rouge, c'est cesser de considérer que notre histoire commence avec Moïse et se décline nécessairement en judaïsme, christianisme, Islam ou, par défaut, athéisme.


Je revendique le droit de ne me reconnaître vraiment dans aucun de ces corps constitués, de renoncer à toute orthodoxie définie par des gardes patentés et de développer en toute liberté, mon hétérodoxie. A chacun d'entre nous de créer la sienne en dehors de tout dogmatisme.


Il n'y a rien à craindre. Dieu y reconnaîtra les siens ! Si j'ose reprendre, en l'inversant, la formule tristement célèbre d'un moine cistercien qui a laissé une bien sinistre mémoire en terre albigeoise.
Retraverser la Mer rouge, c'est aussi poser un regard nouveau et désembué de tout à priori, sur l'univers des dieux. C'est s'interroger sans préjugé sur la signification réelle du polythéisme à l’aube des temps historiques.


Les dieux de l'Antiquité étaient-ils vraiment les rivaux du Dieu de la métaphysique ? La confusion a-t-elle été essentiellement linguistique ? André Chouraqui reproche aux occidentaux jusqu'à l'usage du mot Dieu, Deus, Theos, dont il trouve, à tort ou à raison, l'origine étymologique dans le nom de Zeus, le célèbre dieu de l'Olympe. Il reproche en somme au Dieu des occidentaux de n'être qu'un dieu mal dégrossi.


Mais ne pourrions-nous pas renvoyer cette mise en question à la tradition juive ? Le Dieu du peuple hébraïque n'était-il pas à l'origine un dieu ethnique comme tant d'autres ? Le génie de Moïse n'a-t-il pas été de se convaincre puis de convaincre son peuple et enfin de convaincre jusqu'à un certain point le reste du monde, que ce Dieu-là n'était pas seulement le seul valable parmi tous les autres, mais qu'il s'identifiait aussi avec le Principe, le Créateur de l'univers ?


Au fond n'est-il pas, lui aussi, un dieu mal dégrossi ? D'où ses colères, ses parti-pris, ses alliances politiques, qui le font apparaître si souvent comme bien peu universel et, à certains égards, bien peu sympathique ?


Le chant des psaumes dont certains sont d'une grande beauté sapientielle mais dont beaucoup d'autres sont d'inspiration guerrière, n'était tolérable à longueur de nuit dans nos monastères que parce qu'ils étaient chantés en latin et que, la musique répétitive de la psalmodie aidant, il était possible de faire totalement abstraction de leur contenu. Leurs textes ne servaient alors que de prétexte.


Quand je demandais à Dom Alexis comment il s'en appropriait le contenu que je trouvais pour ma part assez pénible (en particulier, je n'aimais pas passer mon temps à rappeler le massacre des premiers nés d'Égypte pour lequel nous étions sensés rendre grâce à Dieu, car éternel est son amour !), il me répondait qu'il pensait à la misère des petits chinois !


Nous étions loin de la transparence du signe et de sa signification.

 

Illuminer l'histoire


Les premiers chapitres de la Genèse trébuchent d'ailleurs sur cette question du polythéisme. L'un des récits de la création parle des Élohim, ces dieux dont l'exégèse s'efforce aussitôt de faire oublier le pluriel. Ces dieux qui par la suite deviennent des anges, beaucoup moins encombrants, sont encore au chapitre 6 de la Genèse, capables de faire des enfants aux filles des hommes. De ces accouplements qui ne semblent pas avoir été totalement contre nature, naissent des géants, les néphilim, qui rappellent les Titans des autres traditions (notons en passant que cet épisode redonne du sens à la querelle byzantine sur le sexe des anges car les anges dont il est question n'ont en vérité rien d'angélique au sens éthéré que nous avons donné au mot au cours des siècles suivants).


Chouraqui a raison : nous ne devrions pas employer le même mot pour parler des dieux et de Dieu. Il s'agit bien en effet de réalités parfaitement hétérogènes.


Mais ce constat une fois établi, il me semble, pour ma part, que nous devrions reprendre, l'esprit dégagé de toute attitude défensive, l'étude du polythéisme que nous retrouvons sous des vocabulaires différents à l'origine de toutes les grandes civilisations.


A quoi correspondent ces dieux, ces anges, ces célestes dont les premiers textes historiques laissent entendre qu'ils ont joué un rôle primordial juste avant que ne commence l'histoire répertoriée ? Après tout c'est un problème à caractère historique ou tout du moins protohistorique que nous devrions traiter sans passion partisane. Ce n'est pas un problème métaphysique. Dieu (puisque je n'ai pas d'autre mot en français pour le désigner) n'est nullement en danger. Il n'est pas du même ordre. Il n'est pas en guerre contre ces dieux qui sont probablement des messagers, à leur manière, comme nous le sommes nous aussi à la nôtre.

 
Retraverser la Mer rouge, ce n'est pas nécessairement faire allégeance à la religions des pharaons. C'est élargir l'horizon. C'est s'ouvrir à toutes les cultures, toutes les traditions du monde, sans le regard condescendant de ceux qui estiment, à priori, avoir un point de vue supérieur, parce qu'il se trouve qu'ils bénéficient dune élection ou d'une révélation divines, indépendamment d'ailleurs de leur volonté puisqu'il s'agit, dans la grande majorité des cas, d'une affaire de naissance.


Retraverser la Mer rouge, c'est se mettre à l'écoute de toutes les voix de Dieu. C'est, si le cœur vous en dit, partir en explorateur sur toutes les voies de Dieu.


Cela n'exclut ni les profondeurs de la sagesse hébraïque, ni les fulgurances des intuitions chrétiennes, ni la pureté du mysticisme musulman. Refuser le système ne signifie pas refuser l'héritage. Je suis fier pour ma part de la lignée dans laquelle je m'insère. Cela dénie seulement aux religions du Livre toute primauté congénitale et la prétention à un monopole sur la communication avec Dieu.


Retraverser la Mer rouge, pour moi, c'est au bout du compte revenir à la sagesse sous-jacente à toutes les grandes traditions. C'est revenir à la Philosophie éternelle d'Aldous Huxley.


La boucle est ainsi bouclée.

Sources : http://www.nouvellescles.com/dossier/Dieu/Confiteor.htm

 

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16 mai 2005 1 16 /05 /mai /2005 00:00

LA CAUSE DES PAUVRES

 

" - Annoncer l'Evangile aux pauvres - est une expression qui vient au terme d'une énumération d'actions concrètes accomplies à leur égard. Mais elle ne désigne pas une activité qui s'ajouterait simplement aux autres : elle récapitule et résume en elle tous ces actes sauveurs. L'annonce de l'Evangile ne s'ajoute donc pas à la liste comme une simple activité supplémentaire, d'ordre verbal cette fois : c'est une conclusion qui reprend et résume tout ce qui précède". (p.55).
 

"Dans la situation actuelle de l'Eglise en France, nous pouvons dire que les croyants ne sont pas organisés en communauté ecclésiale pour faire que l'Evangile soit une bonne nouvelle pour les pauvres. Ceux-ci ne sont pas leurs interlocuteurs privilégiés. L'Eglise qui est en France est globalement destinée, par ses structures, ses modes de pensée, sa pastorale, sa liturgie, à ceux qui ne sont pas affrontés à la pauvreté réelle. Or, que veut dire une telle situation sinon que nous sommes dans une société au sein de laquelle manque cruellement le signe de la présence de Dieu ? Et si l'on en croit l'Evangile, le signe de la présence de Dieu n'est pas extérieur au signifié, c'est-à-dire à Dieu lui-même. La rareté du signe, c'est la rareté de la présence de Dieu. Ce que nous pouvons diagnostiquer dans notre situation, c'est une absence réelle de Dieu lui-même. Telle est la gravité avec laquelle la question du pauvre nous atteint au coeur même de notre foi..." (p.56).

 

"La portée décisive du rapport aux pauvres est liée au fait suivant : le secours donné à celui qui est dans le besoin est donné au Christ. Le Fils de l'homme affirme être personnellement destinataire de ces actes : - C'est à moi que vous l'avez fait. Le but d'une telle affirmation n'est pas d'ordre cognitif mais comportemental : il s'agit de nous inciter à changer de toute urgence notre comportement à l'égard du pauvre en suggérant l'ampleur inouïe que revêtent nos actes de par la présence d'un destinataire insoupçonné." (p.61).

 

"Dieu se donne à connaître du sein même de la relation aux pauvres opprimés. Cette relation est absolument inséparable de son visage, à tel point que son visage a pour traits ceux que dessine cette relation. Dieu est nommé par l'action qu'il opère en faveur des opprimés." (p.71).

Alain DURAND

 

L'AMOUR LA SOLITUDE

 

Etre seul, c'est être soi, rien d'autre. Comment serait-on autre chose ? Personne ne peut vivre à notre place ni mourir à notre place, ni souffrir à notre place, et c'est ce qu'on appelle la solitude : ce n'est qu'un autre nom pour l'effort d'exister. Personne ne viendra porter votre fardeau, personne. Si l'on peut parfois s'entraider (et bien sûr qu'on le peut ! ), cela suppose l'effort solitaire de chacun, et ne saurait - sauf illusions - en tenir lieu. La solitude n'est donc pas refus de l'autre, au contraire : accepter l'autre, c'est l'accepter comme autre (et non comme un appendice, un instrument ou un objet de soi !), et c'est en quoi l'amour, dans sa vérité, est solitude. Rilke a trouvé les mots qu'il fallait, pour dire cet amour dont nous avons besoin et dont nous ne sommes que si rarement capables : "Deux solitudes se protégeant, se complétant, se limitant, et s'inclinant l'une devant l'autre". . .

 L'amour n'est pas le contraire de la solitude : c'est la solitude partagée, habitée, illuminée - et assombrie parfois - par la solitude de l'autre. L'amour est solitude, toujours, non que toute solitude soit aimante, tant s'en faut, mais parce que tout amour est solitaire. Personne ne peut aimer à notre place, ni en nous, ni comme nous. Ce désert, autour de soi ou de l'objet aimé, c'est l'amour même.

André COMTE-SPONVILLE

 

PLONGE DANS LES TENEBRES

 

Cette foule qui, quelques mois plus tôt, nous acclamait, avait fait volte-face. Elle nous en voulait à mort. Je n'étais pas en état de le comprendre. Pour comprendre, il faut encore habiter en soi, réfléchir et non pas ressentir. Je ressentais l'absence. Tout m'était devenu indifférent. J'avais tout quitté, et les autres, et moi, et Dieu. J'étais sans attache. Perdu. Oui, je m'étais perdu.

Et voilà qu'une voix m'a retrouvé. Comme Pierre Marie Beaude le fait dire à Marie de Magdala : "Il est venu quand je ne l'attendais plus. Il était paraît-il de grande puissance et renom ... Je ne l'attendais pas. Je ne le désirais pas. Je dérivais trop loin dans mes eaux noires." Et c'est une voix qui m'a retrouvé. J'ai eu cette grâce, en plein milieu de ce vacarme d'épouvante, d'entendre, prononcée d'une voix forte et pourtant tout intérieure, cette phrase quasiment identique à celle du symbole des Apôtres, mais dite en première personne, une phrase à laquelle jusque-là je n'avais jamais prêté la moindre attention : "Je suis descendu aux enfers". Une voix distincte et ferme. Irrésistible. Sans appel. Une phrase prononcée comme une évidence. Je pense aujourd'hui à ces quelques lignes de Simone Weil : "Tous les mouvements de l'âme sont régis par des lois analogues à celles de la pesanteur matérielle. Il faut toujours s'attendre à ce que les choses se passent conformément à la pesanteur, sauf intervention du surnaturel". C'est alors la "Pesanteur de la grâce", et elle fait le poids. J'ai immédiatement éprouvé une paix profonde. Rien n'avait pourtant changé dans la rue, le vacarme y était toujours aussi intense, mais il n'avait plus pour moi aucune importance. Tous les cris et les bruits de toutes sortes étaient comme anéantis sans cesser d'exister. La puissance était ailleurs, dans cette voix si mystérieuse. Je venais d'apprendre que Dieu habite aussi les enfers de l'inhumain et que, plus jamais, je n'y serai seul. Ni moi, ni personne d'autre. Je n'avais pas prié. Je n'avais rien demandé. Je ne m'étais pas disposé à accueillir. J'étais simplement vide de toutes choses.

Bernard MERCIER

 

LE PERIPLE DE BALDASSARE

 

Dialogue entre un juif et un chrétien

Lorsque je dis, au cours de l'échange, qu'à mon avis l'un des plus beaux préceptes du christianisme était "Aime ton prochain comme toi-même", je remarquai chez Maïmoun un rictus d'hésitation. Comme je l'encourageais, au nom de notre amitié, et aussi au nom de nos doutes communs, à me dire le fond de sa pensée, il m'avoua :
"Cette recommandation paraît, à première vue, irréprochable, et d'ailleurs, avant même d'avoir été reprise par Jésus, elle se trouvait déjà, en des termes similaires, au chapitre dix-neuf du Lévitique, verset dix-huit. Néanmoins, elle suscite chez moi certaines réticences ..."
"Que lui reproches-tu ?"
"A voir ce que la plupart des gens font de leur vie, à voir ce qu'ils font de leur intelligence, je n'ai pas envie qu'ils m'aiment comme eux-mêmes."
Je voulais lui répondre, mais il leva la main.
"Attends, il y a autre chose de plus inquiétant, à mon sens. On ne pourra jamais empêcher certaines personnes d'interpréter ce précepte avec plus d'arrogance que de générosité : ce qui est bon pour toi est bon pour les autres ; si tu détiens la vérité, tu dois ramener dans le droit chemin les brebis égarées, et par tous les moyens ... D'où les baptêmes forcés que mes ancêtres ont dû subir à Tolède, jadis. Cette phrase, vois-tu, je l'ai plus souvent entendue de la bouche des loups que de celle des brebis, alors je m'en méfie, pardonne-moi..."
"Tes propos me surprennent... Je ne sais pas encore si je dois te donner raison ou tort, il faut que je réfléchisse... J'ai toujours pensé que cette parole était la plus belle..."
"Si tu cherches la plus belle de toutes les religions, la plus belle parole qui soit jamais sortie de la bouche d'un homme, ce n'est pas celle-là. C'est une autre, mais c'est également Jésus qui l'a prononcée. Il ne l'a pas reprise des Ecritures, il a juste écouté son coeur."
Laquelle ? J'attendais. Maïmoun arrêta un moment sa monture pour donner à la citation une solennité :
"Que celui qui n'a jamais péché lui jette la première pierre !"

Amin MAALOUF

 

DU DETACHEMENT

 

Beaucoup de maîtres prônent l'amour comme ce qui est le plus haut, tel saint Paul quand il dit : "Quelque tâche que j'entreprenne, si je n'ai pas l'amour je ne suis rien." Mais je mets le détachement encore au-dessus de l'amour. D'abord pour cette raison : le meilleur dans l'amour est qu'il m'oblige à aimer Dieu. Or c'est quelque chose de beaucoup plus important d'obliger Dieu à venir à moi que de m'obliger à aller à Dieu, et cela parce que ma béatitude éternelle repose sur ce que Dieu et moi devenions un. Car Dieu peut entrer en moi d'une façon plus intime et s'unir à moi mieux que je ne peux m'unir à lui. Or, que le détachement oblige Dieu à venir à moi, je le prouve ainsi : tout être se tient volontiers dans le lieu naturel qui lui est propre. Le lieu naturel de Dieu qui lui est propre par excellence est l'unité et la pureté, or celles-ci reposent sur le détachement. C'est pourquoi Dieu ne peut pas s'empêcher de se donner lui-même à un coeur détaché.
La seconde raison pour laquelle je mets le détachement au-dessus de l'amour est celle-ci : si l'amour m'amène au point de tout endurer pour Dieu, le détachement m'amène au point de n'être plus réceptif que pour Dieu. Or c'est ce qui est le plus haut. Car dans la souffrance l'homme a toujours encore un regard sur la créature par laquelle il souffre; par le détachement au contraire il se tient libre et vide de toutes les créatures.

Maintenant tu demanderas : qu'est donc le détachement pour qu'il cache en lui une pareille puissance ? Le vrai détachement signifie que l'esprit se tient impassible dans tout ce qui lui arrive, que ce soit agréable ou douloureux, un honneur ou une honte, comme une large montagne se tient impassible sous un vent léger. Rien ne rend l'homme plus semblable à Dieu que ce détachement impassible. Car que Dieu est Dieu, cela repose sur son détachement impassible : de là découle sa pureté, sa simplicité et son immutabilité.

Dans ce détachement impassible Dieu s'est tenu, et se tient encore, éternellement. Même quand il créa le ciel et la terre et toutes les créatures cela ne touchait pas plus son détachement que s'il eût jamais rien créé. Oui, je l'affirme : toutes les prières et toutes les bonnes oeuvres que l'homme peut accomplir ici dans le temps, le détachement de Dieu en est aussi peu touché que s'il n'y avait absolument rien de tout cela, et Dieu n'en est en rien plus clément ou mieux disposé envers l'homme que s'il n'avait jamais fait ces prières ou accompli ces bonnes oeuvres. Oui, même quand au sein de la divinité le Fils voulut devenir homme et le devint et souffrit le martyre, cela ne toucha pas l'impassible détachement de Dieu, pas plus que s'il n'était jamais devenu homme.

Tiens-toi à l'écart de tous les hommes, ne te laisse troubler par aucune impression reçue, rends-toi libre de tout ce qui pourrait donner à ton être une participation étrangère, te lier au terrestre et t'apporter des soucis, et dirige toujours ton esprit vers une contemplation salutaire : dans laquelle tu portes Dieu dans ton coeur, comme l'objet devant lequel ton regard ne vacillera jamais !

Maître ECKHART

 

FOI

 

Le commencement de la contemplation est la foi. Si, dans votre conception de la foi, se glisse quelqu'erreur essentielle, vous ne serez jamais un contemplatif.

Voici quelques unes des idées erronées touchant la foi.

Tout d'abord, elle n'est ni une sensation ni un sentiment. Elle n'est pas un élan aveugle et subconscient vers quelque chose de vaguement surnaturel. Elle n'est pas simplement un besoin élémentaire de l'esprit humain. Elle n'est pas une impression que Dieu existe. Elle n'est pas une conviction que l'on est, en quelque sorte, sauvé ou "justifié" pour la seule raison que l'on pense ainsi. Ce n'est pas quelque chose d'entièrement intérieur et subjectif sans aucun rapport avec un motif extérieur. Ce n'est pas quelque chose qui bouillonne et déborde des replis de votre âme et vous remplit d'une indéfinissable "intuition" que tout est pour le mieux. Ce n'est pas une chose qui vous soit si essentiellement propre que la satisfaction qu'elle vous procure soit incommunicable. Ce n'est pas quelque mythe personnel impossible à partager avec un autre et dont la valeur objective n'importe ni à vous, ni à Dieu ni à personne.

Mais ce n'est pas davantage une opinion. Ce n'est pas une conviction fondée sur l'analyse rationnelle. Ce n'est pas le résultat d'une évidence scientifique. Vous ne pouvez croire que ce qui ne vous est pas évident. Dès que vous en êtes certain, vous ne le croyez plus, tout au moins pas de la même façon, puisque vous en êtes certain.

La foi est tout d'abord un acquiescement intellectuel. Elle est un perfectionnement non une ruine de l'esprit. Elle met l'intelligence en possession de la Vérité que la raison ne peut saisir par elle-même. Elle nous donne une certitude au sujet de Dieu tel qu'Il est en Lui-Même: la foi est un moyen de prendre un contact vital avec un Dieu Qui est vivant. Elle n'est pas la conception d'un Premier Principe abstrait, tirée à grand renfort de syllogismes de l'évidence de la création.

Mais l'acquiescement de la foi n'est pas fondé sur l'évidence intrinsèque d'un objet visible. L'acte de croyance unit deux membres d'une proposition qui, selon notre expérience naturelle, n'ont aucun rapport entre eux. Pourtant il n'existe rien dans les limites de la raison prouvant qu'il n'y ait entre eux aucun rapport. Les affirmations qu'exige l'acquiescement de la foi sont simplement neutres à l'égard de la raison. Aucune évidence naturelle ne peut nous dire pourquoi elles seraient vraies ou pourquoi elles seraient fausses. C'est à cause de quelque chose autre qu'une évidence intrinsèque que nous adhérons à ces affirmations. Nous acceptons leur vérité en tant que révélée et le motif de notre adhésion est l'autorité de Dieu Qui nous les révèle.

On n'attend pas de la foi qu'elle donne à l'intelligence complète satisfaction. Elle la laisse suspendue dans l'obscurité, privée de la lumière qui lui est familière. Pourtant elle ne déçoit, ne renie ni ne tue l'intelligence. Elle l'apaise par une conviction qu'elle sait pouvoir accepter en toute raison sous la direction de l'amour. Car l'acte de foi est un acte dans lequel l'intelligence se contente de connaître Dieu en L'aimant et en acceptant dans Ses propres termes ce qu'Il dit de Lui-Même. Et cet acquiescement est parfaitement rationnel parce qu'il est fondé sur la nette évidence que notre raison ne peut rien nous apprendre de Dieu tel qu'Il est réellement en Lui-Même. Il est fondé aussi sur Dieu Lui-Même infinie réalité, et, par conséquent, infinie Vérité, infinie Volonté, infinie Puissance, infinie Providence, qui peut Se révéler avec une absolue certitude de quelque façon qu'Il Lui plaise, et peut certifier par des signes extérieurs Sa révélation de Lui-Même.

Enfin la foi est la seule clef de l'univers. La signification finale de l'existence humaine et les réponses aux questions d'où dépend notre bonheur ne peuvent être trouvées d'aucune autre façon.

Le Dieu vivant, le Dieu Qui est Dieu et non une abstraction philosophique, dépasse infiniment la portée de tout ce que nos yeux peuvent voir et notre intelligence comprendre. Quelle que soit la perfection que vous lui attribuez, il vous faut ajouter que votre conception n'est qu'une pâle analogie de la perfection qui est en Dieu et qu'Il n'est pas à la lettre ce que vous concevez par ce terme.

Lui Qui est infinie lumière est si prodigieux dans Son évidence que notre esprit ne peut Le voir que comme ténèbres. Lux in tenebris lucet et tenebrae eam non comprehenderunt. Si rien de ce que l'on peut voir ne peut être Dieu ni nous Le représenter tel qu'Il est, alors, pour trouver Dieu, il nous faut aller plus loin que tout ce qui peut être vu et pénétrer dans les ténèbres. Puisque rien de ce qu'on peut entendre n'est Dieu, pour le trouver il faut entrer dans le silence.

Puisque Dieu ne peut être imaginé, tout ce que notre imagination nous dit de Lui est, en fin de compte, un mensonge, et c'est pourquoi nous ne pouvons Le connaître tel qu'Il est à moins d'aller au delà de tout ce qui peut être imaginé et d'entrer dans une obscurité sans images, et sans ressemblance avec quelque créature que ce soit.

Et, puisque Dieu ne peut être ni vu ni imaginé, les visions de Dieu dont nous lisons le récit dans la vie des saints ne sont pas des visions de Lui, mais des visions à propos de Lui; car voir quelque chose n'est pas Le voir.

Dieu ne peut être compris que par Lui-Même. Si nous devons Le comprendre, nous ne pouvons y arriver qu'en nous transformant, pour ainsi dire, en Lui, de sorte que nous Le connaissions comme Il Se connaît Lui-Même. Et Il ne Se connaît Lui-Même par aucune représentation de Lui-Même. C'est Son Etre infini qui est la connaissance de Lui-Même, et nous ne Le connaîtrons comme Il Se connaît que quand nous serons unis à ce qu'Il est.

La foi est le premier pas dans cette transformation, puisqu'elle est une connaissance sans images ni représentations grâce à une identification d'amour avec Dieu dans les ténèbres.

Ce n'est pas par l'intermédiaire des sens mais dans une lumière directement répandue par Dieu que la foi atteint l'entendement. Puisque cette lumière ne passe pas par l'oeil, I'imagination ou la raison, sa certitude devient nôtre sans aucune ressemblance qui puisse être visualisée ou décrite. Il est vrai que dans sa forme expressive, I'article auquel nous adhérons représente des choses qui peuvent être imaginées, mais, dans la mesure où nous les imaginons, nous nous faisons d'elles une fausse idée et nous avons tendance à nous égarer. En un mot, nous ne pouvons imaginer la relation qui existe entre les deux termes de la proposition suivante: "En Dieu, il y a Trois Personnes et Une seule nature." Et tenter de le faire serait une grave erreur.

Si vous croyez, si vous faites un simple acte de soumission à l'autorité de Dieu proposant quelque article de foi, extérieurement, par l'intermédiaire de Son Eglise, vous recevez le don d'une lumière intérieure tellement simple qu'elle échappe à toute description, et si pure qu'il serait indécent de l'appeler une impression. Mais c'est une lumière véritable conférant à l'entendement humain une perfection qui laisse la science bien loin derrière elle.

L'obscurité même de la foi est une preuve de sa perfection. Elle n'est obscurité pour notre esprit que parce qu'elle dépasse de beaucoup sa faiblesse. Plus la foi devient parfaite, plus obscure elle se fait. Plus nous nous approchons de Dieu, moins notre foi se dilue dans la demi lumière des images et des concepts créés. Notre certitude s'accroît avec cette obscurité; mais non sans angoisse et non sans doute réel, parce que nous ne trouvons pas aisé de vivre dans un vide où nos facultés naturelles ne peuvent se reposer sur rien. Et c'est dans les plus profondes ténèbres que nous possédons Dieu le plus pleinement sur terre, parce que c'est alors que notre intelligence est le plus véritablement libérée des faibles lumières des créatures qui ne sont qu'obscurité en comparaison de Lui; c'est alors que nous sommes remplis de Son infinie Lumière, qui est pour nous pure obscurité.

C'est dans cette plus grande perfection de foi que le Dieu infini Lui-Même devient la Lumière de l'âme plongée dans les ténèbres, et la possède entièrement de Sa Vérité. Et, à ce moment inexplicable, la nuit la plus profonde devient le jour, et la foi se transforme en intelligence.

Thomas MERTON

 

LE MAHABHARATA

 

Qu'est-ce qui est plus rapide que le vent ?

- La pensée.

Qu'est-ce qui peut couvrir la terre toute entière ?

- L'obscurité.

Qui sont les plus nombreux, les vivants ou les morts ?

- Les vivants, puisque les morts n'existent plus.

Donne-moi un exemple d'espace ?

- Mes deux mains jointes.

Un exemple de chagrin ?

- L'ignorance.

De poison ?

- Le désir.

Un exemple de défaite ?

- La victoire.

Qui est apparu le premier, le jour ou la nuit ?

- Le jour, mais il n'a précédé la nuit que d'un jour.

Quelle est la cause du monde ?

- L'amour.

Quel est ton contraire ?

- Moi-même.

Qu'est-ce que la folie ?

- Un chemin oublié.

Et la révolte ? Pourquoi les hommes se révoltent ?

- Pour trouver la beauté. Soit dans la vie, ou l'au-delà.

Et qu'est-ce qui est, pour chacun de nous inévitable ?

- Le bonheur.

Quelle est la plus grande merveille ?

- La mort nous assaille chaque jour et on vit comme si on était immortel. C'est cela, la plus grande merveille.

Jean-Claude CARRIERE

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16 mai 2005 1 16 /05 /mai /2005 00:00

DE JEAN-PAUL II À BENOÎT XVI

L'Église catholique et le projet états-unien de

« guerre des civilisations »

 

Comme il existait un tandem Jean-Paul II/ Ronald Reagan, il existe désormais un tandem Benoît XVI / George W. Bush. Cependant le nouveau pape ne devrait pas marquer de rupture avec son prédécesseur, mais poursuivre un virage qu'il a amorcé depuis plusieurs mois, en sa qualité de régent de fait du Saint-Siège. L'Église catholique espère que la croissance démographique de la communauté hispanique lui permettra de devenir rapidement majoritaire aux États-Unis et de devenir la religion officielle du nouvel Empire. Elle se propose aussi d'exclure l'islam de l'Europe pour faire entrer le continent dans la « guerre des civilisations ».

L'agonie de Jean-Paul II et l'élection de Benoît XVI ont été l'occasion de vastes célébrations du culte de la personnalité dont on ne sait si elles relèvent d'une forme d'idolâtrie archaïque ou des totalitarismes du XXe siècle. La presse occidentale, oubliant soudainement ses principes déontologiques, s'est vautrée dans des torrents hagiographiques. Les seules critiques autorisées ont porté sur les questions de discipline interne de l'Église catholique et jamais sur les questions politiques ou sociales. L'appétit d'éditorialistes non-croyants à discuter de savoir si des religieuses peuvent se marier entre elles et célébrer la messe n'a d'égal que leur désintérêt devant l'action du Saint-Siège dans la politique intérieure des États comme dans les institutions intergouvernementales. Nous voudrions, pour notre part, conserver la tête froide et analyser l'action politique de ces pontifes, seul aspect de leur activité qui soit de notre compétence.

En premier lieu, il convient de rappeler que l'action politique et diplomatique du Saint-Siège [1] est d'une extraordinaire continuité, quelque soient les papes. La marge de manoeuvre individuelle des pontifes est limitée. C'est sur l'usage qu'ils en font que doit être jugée leur contribution personnelle, qui doit être distinguée de l'oeuvre de leur Église.

Il est aujourd'hui de bon ton de magnifier le rôle supposé de Jean-Paul II dans l'effondrement de l'Union soviétique et d'ignorer tout ce qui l'a opposé aux États-Unis. Or, Jean-Paul II n'a joué aucun rôle en URSS, pour la simple et bonne raison que l'Église catholique y était largement absente. Il n'a pas plus joué de rôle dans l'effondrement du Mur de Berlin, sachant que les manifestations qui secouèrent la République démocratique allemande furent conduites par des organisations protestantes. Il fut par contre l'artisan de l'indépendance de la Pologne, qu'il pilota en s'appuyant sur le syndicat Solidarnosc, non pas dans un affrontement avec le général Jaruselski, mais dans un véritable partenarait avec lui face aux Soviétiques.

Curieusement, ses fidèles ignorent aujourd'hui son action remarquable pour prévenir les guerres contre l'Irak de 1991 et 2003. Et ils passent sous silence son soutien actif à l'Organisation de libération de la Palestine face au colonialisme israélien.

Ces distortions ne sont pas le fait du défunt pape, mais des choix effectués par les services de communication du Saint-Siège pour publiciser son successeur. Elles nous apprennent avant tout que la papauté souhaite inscrire dans les mémoires l'existence mythique d'une alliance entre Rome et le nouvel Empire, et au contraire effacer le souvenir de sa politique arabe pour rendre possible la stratégie de « guerre des civilisations ».

En outre, les communiquants avaient depuis longtemps forgé le mythe d'une adhésion du Saint-Siège aux principes des Droits de l'homme, alors même que ceux-ci restent condamnés par les textes officiels de l'Église catholique. Ainsi, à l'occasion de ses multiples voyages, Jean-Paul II fut qualifié de « pèlerin des Droits de l'homme », comme si leur propagation était le but de ses déplacements. En réalité, le Magistère catholique rejette la notion de « Droits de l'homme et du citoyen », issue de la Révolution française, pour lui préférer celle de « Droits de l'homme et de l'Église ». Au passage, la liberté humaine est limitée par sa dignité, laquelle n'est pas définie par l'individu, mais par le Magistère ; l'égalité des individus se heurte à l'élection de certains d'entre eux par la grâce divine, à commencer par le Souverain Pontife doué de l'infallibilité en matière dogmatique ; et la fraternité n'est plus la conquête collective des opprimés devenus citoyens en étant frères d'armes, pour être ravalée à la simple solidarité des enfants d'un même Dieu. Dès lors, les « Droits de l'homme» ont été instrumentalisés par Jean-Paul II, comme par d'autres, pour vendre son action politique contre les dictatures non-chrétiennes. Mais ce bilan, bien réel,  ne doit pas occulter le soutien systématique aux dictatures catholiques, notamment au Chili et en Argentine.

Enfin, on peut penser que l'Histoire retiendra bien autre chose du défunt pape. De même qu'elle n'a retenu de Pie XII que son assourdisant silence face à la « solution finale », au massacre industriel des juifs, des Tsiganes, des malades incurables, des opposants politiques etc. par le IIIe Reich, de même elle ne retiendra probablement de Jean-Paul II que son absence lorsque ses prêtres organisaient le génocide rwandais.

Ces élèments étant posés, le programme de Benoît XVI marque à la fois une continuité et des nouveautés. On n'observera aucune rupture entre les successeurs de Pierre, dans la mesure où le cardinal Joseph Ratzinger exerçait de fait une régence depuis des années, à la faveur de la maladie de Jean-Paul II. Et pour prendre tout son poids, cette remarque doit inclure le fait que le défunt pape a été encouragé à se maintenir au pouvoir malgré son incapacité à l'exercer, et qu'il a été maintenu en vie avec acharnement thérapeutique pour que le cardinal exerce cette régence et organise cette sucession à son profit. En réalité, ce n'est pas avec la mort de Jean-Paul II que le Saint-Siège va infléchir sa politique, il l'a déjà fait au cours de sa maladie.

Lorsqu'il accéda au trône pontifical, Karol Wojtyla hérita d'une Église dont le centre de gravité venait de se déplacer de l'Europe vers l'Amérique latine.

Paul VI avait conclu un accord avec la Maison-Blanche pour lutter conjointement contre les théologiens de la libération. Il avait autorisé la pénétration des pentecôtistes dans la mesure où ils pouvaient saper l'influence des Églises populaires. Jean-Paul II avait poursuivi cette alliance en l'étendant à l'Europe de l'Est et singulièrement à la Pologne. Il avait alors formé un parfait tandem avec Ronald Reagan. Mais une fois l'influence soviétique dissipée, aussi bien en Europe qu'en Amérique latine, il avait adoptéune stratégie de reconquête qui l'avait placé en rivalité avec la Maison-Blanche. D'abord face à George H. Bush (le père) à propos de la guerre du Golfe, puis face à Bill Clinton à propos du contrôle des naissances et de la lutte contre le sida, enfin face à George W. Bush (le fils) à propos du leadership spirituel mondial et de l'invasion de l'Irak. Mais la donne a changé en 2004 avec la prise de conscience simultanée de la domination sans partage de Washington sur le reste du monde et de l'hispanisation de ce nouvel empire. À moyen terme, la pression démographique fera des États-Unis un pays hispanophone et catholique. Les intérêts du pape de Rome et du président états-unien convergent aujourd'hui comme jadis ceux de l'Église et de l'Empire romain, de  sorte qu'à terme, le catholicisme pourrait devenir la religion officielle du nouvel Empire. Comme à l'époque des empires coloniaux, le catholicisme s'étendrait au fur et à mesure que le nouvel empire entreprendrait des conquêtes, selon un processus qui actuellement favorise les sectes évangéliques. Or, dans ce type de situation, la papauté a toujours su nouer des alliances personnelles sur la base d'allégeances réciproques. De plus, elle considère qu'elle sera d'autant plus puissante qu'elle saura maintenir les WASP [2] au pouvoir à Washington en lesrendant dépendants d'un électorat catholique.

C'est pourquoi, en 2004, le cardinal Ratzinger a appelé les catholiques états-uniens à reconduire George W. Bush à la Maison-Blanche, bien qu'il soit baptiste et que son rival, John Kerry, soit catholique. En retour, M. Bush a fait part aux cardinaux états-uniens de tout le bien qu'il pense du cardinal Ratzinger. De ce point de vue, le tandem Benoît/George W. Bush devrait être aussi fort que celui formé par Jean-Paul II et Ronald Reagan.

Venons-en au choix du nom Benoît XVI. La presse occidentale a longuement glosé l'interprétation que la salle de presse du Saint-Siège lui suggérait : le nouveau pape se veut le successeur de Benoît XV, un pape pacifique qui tenta d'empêcher la Première Guerre mondiale. Il va de soi que cette piste est fausse : d'une part Benoît XV, loin d'être pacifiste, fut un soutien aveugle de la Triplice ; d'autre part, si l'on feint de croire qu'il était pacifiste, il faut poursuivre en admettant qu'il a échoué à prévenir la Grande Guerre et l'on ne place pas un nouveau pontificat sous le signe d'un échec.

En réalité, comme on ne tardera pas à le voir affiché, le cardinal Ratzinger s'est placé dans la lignée de saint Benoît, patron de l'Europe. C'est en effet dans ce domaine que l'on trouve la grande oeuvre politique personnelle de celui qui était jusqu'ici préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi. Si, à l'intérieur de son Église, on retient de Joseph Ratzinger sa lutte méthodique et sans pitié pour éradiquer la théologie de la libération en Amérique latine, on se souvient à l'extérieur de son implication dans la rédaction de la Charte européenne des droits fondamentaux et dans le Traité constitutionnel.

Joseph Ratzinger a piloté le lobbying des organisations catholiques au sein des institutions européennes pour faire reconnaître dans les traités l'héritage  chrétien de l'Europe. Il a partiellement gagné son pari, puisque ces traités ont finalement admis de fonder l'Union sur un héritage spirituel, humaniste et culturel. Contrairement aux apparences, l'enjeu n'est pas de qualifier cet héritage de « chrétien », ce qui serait déjà un aveu d'échec pour les catholiques puisqu'il intégrerait des cultes hérétiques ou schismatiques, mais de fonder l'Europe sur une identité et non sur un contrat politique ou social. Rayant d'un simple coup de plume les acquis de la Révolution française, le cardinal Ratzinger a marqué une victoire idéologique en modifiant dans les traités la source de la légitimité. Les choix politiques n'appartiennent pas aux peuples, qui ne sont pas souverains, ils sont conditionnés par la sociologie et l'histoire, à travers lesquels Dieu se manifeste.

De cet engagement personnel et de son alliance avec George W. Bush, il devrait surgir une modification du projet anglo-saxon pour l'Europe. Washington devrait renoncer à faire coïncider l'Union et l'OTAN, donc à faire entrer la Turquie musulmane dans l'Union. En outre, Washington devrait cesser de favoriser les mouvements protestants de sécularisation et devrait au contraire soutenir le Vatican dans son combat bicentenaire contre la laïcité. À l'issue de ces réajustements, le Saint-Siège pourrait purger l'Église catholique de tous ses éléments favorables à un dialogue avec l'islam. Sa participation au projet états-unien de « guerre des civilisations » ne consisterait donc pas à partir en croisade contre l'islam, mais à exclure l'islam de l'Europe pour « séparer le bon grain de l'ivraie ».

Même si, au sein du conclave, la majorité des cardinaux a dû se déterminer en fonction d'intérêts de clans et de plans de carrière dans la Curie romaine, les questions politiques internationales ont sûrement pesé sur les scutins. D'autant que les modifications interventues dans le mode de désignation du pape, avec l'introduction d'une phase préalable de concertation, ont rendu le Sacré Collège vulnérable aux pressions extérieures, comme c'était le cas avant l'institution de la clôture. L'afflux de diplomates étrangers au Vatican durant cette semaine témoigne de la volonté retrouvée des grandes puissances de corrompre les cardinaux-électeurs et de s'acheter un pape. Bien qu'il soit impossible de savoir comment les choses se sont passées, force est de constater que le nouveau pape est issu de l'Église allemande, la plus riche de la catholicité, et qu'il est en phase avec les États-Unis, puissance dominante de l'époque.

Thierry Meyssan

Journaliste et écrivain, président du Réseau Voltaire.

[1] Le Saint-Siège est l'entité juridique politico-religieuse qui chapeaute l'Église

catholique d'une part et l'État de la Cité du Vatican d'autre part.

[2] Les WASP sont les Anglo-Saxons blancs et puritains (White Anglo-Saxons Puritans).

Sources : RESEAU VOLTAIRE DU 2 MAI

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15 mai 2005 7 15 /05 /mai /2005 00:00

LES ORIGINES DE LA SAINTE BIBLE

2ème partie

1ère partie

par Robert G. INGERSOLL

CHRIST EST-IL NOTRE EXEMPLE ?

 

Il n'a jamais dit un mot en faveur de l'éducation. Il n'a jamais seulement suggéré l'existence de n'importe quelle science. Il n'a jamais élevé la voix pour l'industrie, l'économie, ou n'importe quoi pour améliorer notre condition en ce monde. Il était l'ennemi du succès, de la santé. L'homme riche fut envoyé en enfer, pas parce qu'il était méchant, mais parce qu'il était riche. Lazare vint au ciel, pas parce qu'il était bon, mais parce qu'il était pauvre.

Christ ne s'est intéressé ni à la peinture, ni à la sculpture, ni à la musique - à aucun art. Il n'a rien dit des devoirs de nation à nation, de roi à sujet ; rien au sujet des droits de l'homme ; rien au sujet de la liberté intellectuelle ou de la liberté de parole. Il n'a rien dit du caractère sacré du foyer ; pas un mot pour la famille ; pas un mot en faveur du mariage, en l'honneur de la maternité.

Il ne s'est jamais marié. Il a erré de place en place avec quelques disciples. Aucun d'eux ne semble avoir été engagé dans une entreprise utile, et ils semblent avoir vécu d'aumônes.

Tous les attaches humaines étaient tenues en mépris ; ce monde était sacrifié pour le suivant ; tout effort humain était découragé. Dieu donnerait soutient et protection.

A la fin, aux portes de la mort, Christ, trouvant qu'il s'était trompé, a crié : « Mon Dieu! Mon Dieu! Pourquoi m'as tu abandonné ? »

Nous avons découvert que l'homme dépend de lui-même. Il doit préparer les champs ; il doit construire sa maison ; il doit semer et planter ; il doit inventer ; il doit travailler avec ses mains et avec sa tête ; il doit surmonter les difficultés et les obstacles ; il doit conquérir et domestiquer les forces de la nature afin qu'elles fassent le travail du monde.

X

POURQUOI PLACERIONS-NOUS CHRIST AU SOMMET DE LA RACE HUMAINE ?

Etait-il plus gentil, plus miséricordieux, plus prêt au renoncement que Bouddha ? Etait-il plus sage, a-t-il rencontré la mort avec un calme plus parfait que Socrate ? Etait-il plus patient, plus charitable, qu'Epictète ? Etait-il un plus grand philosophe, un penseur plus profond, qu'Epicure ? De quelle manière était-il le supérieur de Zarathoustra ? Etait-il plus doux que Lao-Tseu, plus universel que Confucius ? Est-ce que ses idées des droits et devoirs humain étaient supérieures à celles de Zeno ? A-t-il exprimé de plus grandes vérités que Cicéron ? Son esprit était-il plus subtil que celui de Spinoza ? Est-ce que son cerveau était égal à celui de Kepler ou Newton ? Fut-il plus grand dans la mort - un martyr plus sublime que Bruno ? Etait-il en intelligence, en force et beauté d'expression, en envergure et en largeur d'esprit, en puissance d'illustration, en habileté de comparaison, en connaissance du cour et de l'esprit des hommes, de toutes les passions, espoirs et peurs, l'égal de Shakespeare, le plus grand de la race humaine ?

Si Christ était en fait Dieu, il connaissait tout le futur. Devant lui comme un panorama s'étalait l'histoire à venir. Il savait comment ses mots seraient interprétés. Il savait quels crimes, quelles horreurs, quelles infamies, seraient commis en son nom. Il savait que les flammes avides de la persécution grimperaient autours des membres de martyrs innombrables. Il savait que des milliers et des milliers de braves hommes et femmes languiraient dans des donjons dans les ténèbres, à bout de souffrance. Il savait que son église inventerait et utiliserait des instruments de torture. Que ses fidèles recourraient à des fouets et à des fagots, à des chaînes et à des chevalets. Il voyait l'horizon du futur illuminé par les flammes des autodafés. Il savait quels credo surgiraient comme des champignons vénéneux de chaque texte. Il voyait des sectes ignorantes engageant des guerres entre elles. Il voyait des milliers d'hommes, aux ordres des prêtres, construiredes prisons pour leurs prochains. Il voyait des milliers d'échafaudsruisselant du sang le meilleur et le plus brave. Il entendait les râles -voyait les faces blanchies de l'agonie. Il écoutait les hurlements et les sanglots et les cris des multitudes gémissantes, martyrisées. Il savait qu'on écrirait des commentaires de ses mots avec des épées, pour être lus à la lueur des fagots.

Il voyait les interpolations et les mensonges que les hypocrites feraient et diraient. Il voyait toutes les guerres qui seraient menées, il savait qu'au dessus de ces champs de mort, ces donjons, ces chevalets, ces brasiers, ces exécutions, pendant un millier d'année flotterait la bannière ruisselante de la croix.

Il savait que l'hypocrisie serait béatifiée et couronnée - que la cruauté et la crédulité dirigeraient le monde ; il savait que la liberté périrait de la Terre ; il savait qu'en son nom les papes et les rois réduiraient en esclavage l'âme et le corps des hommes ; il savait qu'ils persécuteraient et détruiraient les découvreurs, penseurs et inventeurs ; il savait que son église éteindrait la sainte lumière de la raison et laisserait le monde sans une étoile.

Il voyait ses disciples éteindre les yeux des hommes, les écorcher vif, leur couper la langue, chercher tous les nerfs de la douleur.

Il savait qu'en son nom ses fidèles vendraient de la chair humaine ; que les berceaux seraient volés et les seins des femmes resteraient sans leurs bébés pour de l'or.

Et pourtant il est mort les lèvres closes.

Pourquoi n'a-t-il pas parlé ? Pourquoi n'a-t-il pas dit à ses disciples, et à travers eux au monde : « Vous ne devrez pas brûler, emprisonner et torturer en mon nom. Vous ne devrez pas persécuter vos prochains. »

Pourquoi n'a-t-il pas dit franchement : « Je suis le Fils de Dieu, » ou, «Je suis Dieu » ? Pourquoi n'a-t-il pas expliqué la Trinité ? Pourquoi n'a-t-il pas dit quel mode de baptême lui plaisait ? Pourquoi n'a-t-il pas écrit un credo ? Pourquoi n'a-t-il pas brisé les chaînes des esclaves ? Pourquoi n'a-t-il pas dit si l'Ancien Testament était ou non les mots inspirés de Dieu ? Pourquoi n'a-t-il pas écrit le Nouveau Testament lui-même ? Pourquoi a-t-il abandonné ses mots à l'ignorance, l'hypocrisie, à la chance ? Pourquoi n'a-t-il pas dit quelque chose de positif, définitif et satisfaisant à propos de l'autre monde ? Pourquoi n'a-t-il pas changé le vague espoir du paradis en une heureuse connaissance de l'autre monde ? Pourquoi ne nous a-t-il rien dit des droits de l'homme, de la liberté des mains et de l'esprit ?

Pourquoi est-il allé muet vers sa mort, abandonnant le monde à la misère et au doute ?

Je vais vous dire pourquoi. Il était un homme, et ne savait pas.

XI

INSPIRATION

Pas avant le troisième siècle il fut proclamé que les livres composant le nouveau testament étaient inspirés.

Il faut se souvenir qu'il y avait un grand nombre de livres, d'Evangiles, Epîtres et Actes, et que de ceux-ci les "inspirés" ont été sélectionnés par des hommes "non inspirés".

Parmi les "Pères" de l'église il y avait de grandes différences d'opinion pour ce qui est de savoir quels livres sont inspirés ; Beaucoup de discussions et plein de haine. Beaucoup de ces livres maintenant dénoncés comme apocryphes était considérés par de nombreux "Pères" comme divins, et certains aujourd'hui considérés comme inspirés étaient crus apocryphes. Beaucoup des premiers Chrétiens et quelques "Pères" reniaient l'évangile de Jean, l'Epître aux Hébreux, Jude, Jaques, Pierre et la Révélation de St. Jean. D'un autre côté, beaucoup d'entre eux croyaient l'évangile des Hébreux, des Egyptiens, le Prêche de Pierre, l'Epître de Barnabas, la Révélation de Pierre, la Révélation de Paul, l'Epître de Clément, l'évangile de Nicodème, livres inspirés, égaux aux tout meilleurs.

De tous ces livres, et de beaucoup d'autres, les Chrétiens ont sélectionné ceux qui étaient inspirés.

Les hommes qui ont fait la sélection étaient ignorants et superstitieux. Ils croyaient fermement aux miracles. Ils pensaient que des malades avaient été guéri par les blouses et les mouchoirs des apôtres, par les os des morts. Il croyaient à la fable du Phonix, et que les hyènes changeaient de sexe chaque année.

Est-ce que les hommes qui au long des siècles ont fait la sélection étaient inspirés ? Etaient-ils - ignorants, crédules, stupides et malicieux – aussi bien qualifiés que les étudiants de notre temps ? De quelle façon sommes-nous liés à leur opinion ? N'avons-nous pas le droit de juger par nous-mêmes ?

Erasme, un des dirigeants de la Réforme, a déclaré que l'Epître aux Hébreux n'avait pas été écrite par Paul, et il a nié l'inspiration du deuxième et troisième de Jean, et aussi de la Révélation. Luther était de la même opinion. Il a déclaré Jaques étant un épître de pacotille, et nié l'inspiration de la Révélation. Zwingli a rejeté le livre de la Révélation, et même Calvin a nié que Paul était l'auteur des Hébreux.

La vérité est que les Protestants ne se sont pas accordés pour dire quels livres étaient inspirés avant 1647, à l'assemblée de Westminster.

Pour prouver qu'un livre est inspiré vous devez prouver l'existence de Dieu. Vous devez aussi prouver que ce Dieu pense, agit, a des objectifs, des fins et des moyens. C'est quelque peu difficile.

Il est impossible de concevoir un être infini. N'ayant aucune conception d'un être infini, il est impossible de dire si tous les faits que nous connaissons tendent à prouver ou à réfuter l'existence d'un tel être.

Dieu est une gageure. Si l'existence de Dieu est admise, qui sommes-nous pour prouver qu'il a inspiré les écrivains des livres de la Bible ?

Comment pouvons-nous démontrer l'inspiration d'un autre ? Comment un homme inspiré peut-il prouver qu'il est inspiré ? Il n'y a aucun moyen de prouver le fait de l'inspiration. La seule preuve est la parole d'un homme qui ne peut en aucune façon savoir quoi que ce soit sur ce sujet.

Qu'est-ce que l'inspiration ? Est-ce que Dieu a utilisé les hommes comme des instruments ? Les a-t-il forcé à écrire ses pensées ? A-t-il pris possession de leur esprits et détruit leur volontés ?

Est-ce que ces écrivains étaient seulement partiellement contrôlés, ainsi leurs erreurs, leur ignorance et leurs préjugés se sont mêlé à la sagesse de Dieu ?

Qui sommes-nous pour séparer les erreurs de l'homme de la sagesse de Dieu ? Pouvons nous le faire sans être inspiré nous-mêmes ? Si les écrivains originaux étaient inspirés, alors les traducteurs devrait l'être, et de même que les hommes qui nous expliquent ce que la Bible veut dire.

Comment est-ce possible pour un être humain de savoir qu'il est inspiré par un être infini ? Mais d'une chose nous pouvons être certain: Un livre inspiré doit certainement dépasser tous les livres produits par des hommes non inspirés. Il devrait, par-dessus tout, être vrai, rempli de sagesse, étonnant de beauté - parfait.

Les ministres du cultes se demandent comment je peux être assez mauvais pour attaquer la Bible.

Je vais leur dire : Ce livre, cette Bible, a persécuté, même jusqu'à la mort, les plus sages et les meilleurs. Ce livre a interrompu et stoppé le mouvement en avant de la race humaine. Ce livre a empoisonné les sources de savoir et détourné les énergies de l'homme.

Ce livre est l'ennemi de la liberté, le soutient de l'esclavage. Ce livre a semé des semences de haine dans les familles et les nations, alimenté les flammes de la guerre, et appauvri le monde. Ce livre était le porte-bonheur des rois et des tyrans - l'asservisseur des femmes et des enfants. Ce livre a corrompu les parlements et les coeurs. Ce livre a fait des collèges et universités les enseignants de l'erreur et de la haine de la science. Ce livre a rempli la Chrétienté de sectes haineuses, cruelles, ignorantes, et guerrières. Ce livre a enseigné aux hommes à tuer leur prochain pour le salut de la religion. Ce livre a fondé l'inquisition, inventé les instruments de torture, construit les donjons dans lesquels les bons et les affectueux languirent, forgé les chaînes qui rouillèrent dans leurs chairs, érigé les échafauds où ils moururent. Ce livre a entassé des fagots sous les pieds du juste. Ce livre a retiré la raison de l'esprit de millions et rempli les asiles de fous.

Ce livre a causé des pères et des mères à verser le sang de leur bébés. Ce livre était l'estrade sur laquelle la mère esclave se tenait quand elle fut vendue loin de son enfant. Ce livre a remplit les cales des marchands d'esclaves et fait de la chair humaine une marchandise. Ce livre a allumé les feux qui ont brûlé les "sorcières" et les "magiciens". Ce livre a remplit les ténèbres de goules et de fantômes, les corps des hommes et femmes de démons. Ce livre a pollué l'âme des hommes avec le dogme infâme des souffrances éternelles. Ce livre fait de la crédulité la plus grande des vertus, et de la recherche le plus grand des crimes. Ce livre a rempli les nations avec des ermites, des moines et nonnes - avec les pieux et les inutiles. Ce livre place le saint ignorant et malpropre au-dessus du philosophe et du philanthrope. Ce livre a apprit à l'homme à mépriser les joies de cette vie, parce qu'il sera peut-être heureux dans une autre – à gaspiller ce monde pour le salut du suivant.

J'attaque ce livre parce que c'est l'ennemi de la liberté humaine - le plus grand obstacle sur la grande route du progrès humain.

Laissez-moi poser une question aux ministres du culte : Comment pouvez-vous être assez mauvais pour défendre ce livre ?

XII

LA VRAI BIBLE

Depuis des milliers d'années les hommes ont écrit la vraie Bible, et ils continuent à l'écrire jour après jour, et ce ne sera jamais fini tant que l'homme aura la vie. Tous les faits que nous connaissons, tous les vrais événements enregistrés, toutes les découvertes et inventions, toutes les merveilleuses machines dont les roues et leviers semblent penser, tous les poèmes, cristaux de l'esprit, fleurs du cour, toutes les chansons d'amour et de joie, de sourires et de larmes, les grands drames de l'imagination du monde, les fantastiques peintures, miracles de formes et de couleur, de lumière et d'ombre, les magnifiques marbres qui semblent vivre et respirer, les secrets livrés par les rochers et les étoiles, par la poussière et les fleurs, par la pluie et la neige, le gel et la flamme, par les rivières sinueuses et le sable du désert, par les étendues montagneuses et la mer ondoyante.

Toute la sagesse qui allonge et ennoblie la vie, tout ce qui prévient ou guérit la maladie, ou soulage la souffrance - toutes les lois et règlements justes qui guident et forment nos vies, toutes les pensées qui alimentent les flammes de l'amour, la musique qui transfigure, captive et enchante, les victoires du cour et de l'esprit, les miracles que les mains ont forgés, les mains calées et usées de ceux qui ont travaillé pour leur femme et leurs enfants, les histoires d'actes nobles, d'hommes courageux et généreux, d'épouses passionnément amoureuses, d'amour maternel sans fin, de batailles pour le droit, de souffrance pour la vérité, tout le meilleur de ce que tous les hommes et femmes du monde ont dit, et pensé et fait à travers toutes les années.

Ces trésors du coeur et de l'esprit - ce sont les Saintes Ecritures de la race humaine.

Sources :
http://users.skynet.be/roger.romain/bible01.htm

Voir aussi nos sites :

Le site de
l'Eternel accueille Karol Wojtyla... et accuse le Vatican et l'Opus Dei...

LE TRANSGRESSEUR... Palestine... Moyen-Orient... dénonciation de la colonisation et du sionisme en Palestine...

GEOSTRATEGIE... le site d'un ami... sur les stratégies politiques du monde...

LE PAVE DANS LA MARE... Irak, Palestine, Tchétchénie...

LE DANGER VIENT DES USA... dérives étatsuniennes... tout ce qui nous vient de nocif des USA... la répression et la surveillance des peuples en premier lieu...

MAROC GROUND ZERO (Nouveau webzine) Les injustices flagrantes qui sévissent au Maroc

L'INITIATEUR... tout sur les sociétés occultes...

AU NOM DE DIEU... tout sur les religions même ce que vous ignorez...

LIBERTANCE... dédié à Yasser Arafat

VERITANCE... tout sur Bush et sur ceux qui le manipulent...

LES DANGERS DU SIONISME

TCHETCHENIE...UN PEUPLE A L'AGONIE... site avec musique et images... long à charger... âmes sensibles s'abstenir...

PALESTINE TERRE DE TOUTES LES DOULEURS
Un j'accuse en images et musique... site long à charger...

L'OEIL DU MAÎTRE
Le blog d'Adriana Evangelizt... religions et dérives de notre monde...

LA MESSAGERE
La poésie douloureuse d'Adriana Evangelizt... le poète est un messager de "Dieu"...


LE PORTEUR DE LUMIERE... réhabilitation de Lucifer... que s'est-il vraiment passé dans le Jardin d'Eden ? Le roman en ligne d'Adriana Evangelizt

LES CHEVALIERS DU GRAAL...
le combat des Fils de la Lumière contre les forces de l'Ombre est commencé... Un Ordre blanc contre les Ordres Noirs... réservé aux Initiés...



 

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12 mai 2005 4 12 /05 /mai /2005 00:00

 

 

LES ORIGINES DE LA SAINTE BIBLE

par Robert G. Ingersoll

 

 

Quelqu'un doit dire la vérité au sujet de la Bible. Les prêcheurs n'osent pas, parce qu'ils perdraient leur chaire. Les professeurs de collèges n'osent pas, ils perdraient leur salaire. Les politiciens n'osent pas. Ils seraient battus. Les journalistes n'osent pas. Ils perdraient leurs abonnés. Les marchands n'osent pas, parce qu'ils pourraient perdre des clients. Les intellectuels n'osent pas, de peur de perdre leur prestige. Même les employés n'osent pas, parce qu'ils pourraient être renvoyés. Et donc j'ai pensé que je devais le faire moi-même.

Il y a bien des millions de personnes qui croient la Bible les mots inspirés de Dieu - des millions qui pensent que ce livre est un repère et un guide, conseiller et consolateur ; qu'il comble le présent de paix et le futur d'espoir - des millions qui croient que c'est la fontaine des lois, de la justice et du pardon, et que de ses enseignements sages et doux, le monde est redevable de ses libertés, sa force et sa civilisation - des millions qui imaginent que ce livre est une révélation de la sagesse et de l'amour de Dieu pour l'esprit et le cour des hommes - des millions qui considèrent ce livre comme une torche qui conquière les ténèbres de la mort, et déverse son rayonnement sur un autre monde - un monde sans une larme.

Ils oublient son ignorance et sa sauvagerie, sa haine de la liberté, ses persécutions religieuses ; Ils se souviennent du paradis, mais ils oublient le donjon des souffrances éternelles. Ils oublient que c'est l'ennemie de la liberté intellectuelle. La liberté est ma religion. Liberté des mains et de l'esprit - de la pensée et du travail, liberté est un mot haï par les rois - détesté par les papes. C'est un mot qui renverse les trônes et les autels - qui laisse les couronnés sans sujets, et la main tendue de la superstition sans aumônes. La liberté c'est la semence et le sol, l'air et la lumière, la rosée et la pluie du progrès, de l'amour et de la joie.

I

LES ORIGINES DE LA BIBLE



Quelques familles errantes - pauvres, misérables, sans éducation, arts, ou connaissances ; descendants de ceux qui furent mis en esclavage depuis quatre cent ans ; aussi ignorants que les habitants de l'Afrique centrale, ont juste échappé à leurs maîtres dans le désert du Sinaï. Leur chef était Moïse, un homme qui avait été élevé dans la famille du pharaon et enseigné des lois et de la mythologie de l'Egypte. Dans le but de contrôler ceux qui l'avaient suivi, il a prétendu qu'il était instruit et assisté par Jéhovah, le Dieu de ces nomades.

Tout ce qui arrivait était attribué à la volonté de ce Dieu. Moïse a déclaré qu'il avait rencontré ce Dieu face à face ; qu'au sommet de mont Sinaï des mains de ce Dieu il avait reçu les tablettes de pierre sur lesquelles, par le doigt de ce Dieu, les Dix Commandements avaient été écrits, et que, en plus de ça, Jéhovah avait fait savoir quels sacrifices et cérémonies lui étaient agréables et les lois selon lesquelles le peuple devrait être gouverné.

De cette manière la religion Juive et le Code Mosaïque furent établis.

Il est maintenant proclamé que cette religion et ces lois furent et sont révélées et établies pour toute l'humanité.

A cette époque ces nomades n'avaient pas de rapports avec les autres nations, ils n'avaient pas de langage écrit, ils ne pouvaient ni lire ni écrire. Ils n'avaient pas de moyen par lequel ils pouvaient faire connaître cette révélation aux autres nations, aussi est-elle restée enfouie dans le jargon de quelques tribus ignorantes, pauvres et inconnues pendant plus de deux milliers d'années.

Bien des siècles après que Moïse, le chef, soit mort - bien des siècles après que tous ceux qui l'avaient suivis soient passés - le Pentateuque fut écrit, le travail de plusieurs écrivains, et pour lui donner force et autorité il fut proclamé que Moïse en était l'auteur.

Nous savons maintenant que le Pentateuque n'a pas été écrit par Moïse.

Des villes sont mentionnées qui n'existaient pas quand Moïse vivait.

La monnaie, qui n'a pas été frappée plusieurs siècles après sa mort est mentionnée.

Aussi, beaucoup ce ses lois n'étaient pas applicables aux nomades du désert - lois sur l'agriculture, sur le sacrifice des boeufs, des moutons et des colombes, sur le port des vêtements, sur les ornements d'or et d'argent, sur la culture des terres, sur la moisson, sur le battage du grain, sur les maisons et les temples, les cités et les refuges, et sur beaucoup d'autres sujets sans applications possibles pour quelques nomades affamés des sables et des rochers.

Maintenant il n'est pas seulement admis par les théologiens intelligents et honnêtes que Moïse n'est pas l'auteur du Pentateuque, mais ils admettent tous que personne ne sait qui étaient les auteurs, ou qui a écrit l'un de ses livres ou un chapitre ou une ligne. Nous savons que ces livres n'ont pas été écrit dans la même génération ; qu'ils n'ont pas été écrit par une seule personne ; qu'ils sont remplis d'erreurs et de contradictions. Il est aussi admis que Josué n'a pas écrit le livre qui porte son nom, parce qu'il se réfère à des événements qui sont arrivés longtemps après sa mort.

Personne ne connaît, ou ne prétend connaître, l'auteurs des Juges ; tout ce que nous savons est qu'ils furent écrit plusieurs siècles après que les Juges aient cessé d'exister. Personne ne connaît l'auteur de Ruth, ni du premier et du deuxième Samuel ; tout ce que nous savons est que Samuel n'a pas écrit les livres qui portent son nom. Dans le 25ème chapitre du premier Samuel il y a un récit de l'élévation de Samuel par la Sorcière d'En-Dor.

Personne ne connaît l'auteur du premier et deuxième Rois, ni du premier et deuxième Chroniques, tout ce que nous savons est que ces livres n'ont pas de valeurs.

Nous savons que les Psaumes n'ont pas été écrit par David. Dans les Psaumes on parle de la captivité, et elle a eu lieu environ cinq cents ans après que David ait rejoint ses ancêtres.

Nous savons que Salomon n'a pas écrit les Proverbes ou le Cantique des Cantiques ; qu'Esaïe n'est pas l'auteur du livre qui porte son nom, que personne ne connaît les auteurs de Job, de l'Ecclésiaste, ou d'Esther, ou de n'importe quel livre de l'Ancien Testament à l'exception d'Esdras.

Nous savons que Dieu n'est pas mentionné et qu'on ne s'y réfère d'aucune façon dans le livre d'Esther. Nous savons, aussi, que ce livre est cruel, absurde et impossible.

Dieu n'est pas mentionné dans le Cantique des Cantiques, le meilleur livre de l'Ancien Testament.

Et nous savons que l'Ecclésiaste a été écrit par un incroyant.

Nous savons, aussi, que les Juifs eux-mêmes n'ont pas décidé quels livres étaient inspirés - étaient authentiques - avant le deuxième siècle après Christ.

Nous savons que l'idée d'inspiration fut longue à se former, et que l'inspiration a été déterminée par ceux qui avaient certaines fins à accomplir.

II

L'ANCIEN TESTAMENT EST - IL INSPIRE ?

S'il l'est, il devrait être un livre qu'aucun homme - aucun nombre d'hommes - puisse produire.

Il devrait contenir la perfection de la philosophie.

Il devrait s'accorder parfaitement avec chaque fait de la nature.

Il devrait n'y avoir aucune erreur en astronomie, géologie, ou sur n'importe quel sujet ou science.

Sa moralité devrait être la plus haute, la plus pure.

Ses lois et règles de conduite devraient être justes, sages, parfaites, et parfaitement adaptées à l'accomplissement des fins désirées.

Il ne devrait contenir rien de calculé pour rendre l'homme cruel, vindicatif ou infâme.

Il devrait être rempli d'intelligence, de justice, de pureté, d'honnêteté, de pardon et d'esprit de liberté.

Il devrait être opposé aux bassesses et à la guerre, à l'esclavage et à la luxure, à l'ignorance, à la crédulité et à la superstition.

Il devrait développer l'esprit et civiliser le cour.

Il devrait satisfaire le cour et l'esprit des meilleurs et des plus sages.

Il devrait être vrai.

Est-ce que l'Ancien Testament remplit ces conditions ?

Y a-t-il quelque chose dans l'Ancien Testament - en histoire, en théorie, en lois, en gouvernement, en moralité, en science - au dessus et au delà des idées, des comportements, des coutumes et préjugés de ses auteurs et du peuple parmi lequel ils vivaient ?

Y a-t-il un rayon de lumière venant d'une source surnaturelle ?

Les anciens Hébreux croyaient que cette Terre était le centre de l'univers, et que le soleil, la lune et les étoiles était des taches sur le ciel.

Avec ceci la Bible est d'accord.

Il pensait que la Terre était plate ; que le ciel, le firmament, était solide - le sol de la maison de Jéhovah.

La Bible enseigne la même chose.

Ils imaginaient que le soleil voyageait autours de la Terre, et qu'en arrêtant le soleil le jour pourrait être allongé.

La Bible est d'accord sur ce point.

Ils croyaient qu'Adam et Eve étaient les premiers homme et femme ; qu'ils avaient été crées seulement quelques années avant, et qu'eux, les Hébreux, étaient leurs descendants directs.

C'est ce que la Bible enseigne.

Si quelque chose est, ou peut être, certain, c'est que les auteurs de la Bible se sont trompés au sujet de la création, de l'astronomie, de la géologie ; au sujet des causes des phénomènes, de l'origine de la méchanceté et la cause de la mort.

Maintenant, il doit être admis que si un être infini est l'auteur de la Bible, il connaissait toutes les sciences, les faits, et ne pouvait pas avoir fait d'erreurs.

Si, alors, il y a des erreurs, idées fausses, théories erronées, mythes ignorants et bévues dans la Bible, elle doit avoir été écrite par des êtres finis ; c'est à dire, par des hommes ignorants qui se sont trompé.

Rien ne peut être plus clair que cela.

Pendant des siècles les églises ont soutenu que la Bible était absolument vraie ; qu'elle ne contenait pas d'erreurs ; que l'histoire de la création était vraie ; que son astronomie et sa géologie étaient en accord avec les faits ; que les scientifiques qui différaient de l'Ancien Testament étaient infidèles et athées.

Maintenant ceci a changé. Les chrétiens instruits admettent que les écrivains de la Bible n'étaient inspirés pour aucune science. Il disent maintenant que Dieu, ou Jéhovah, n'a pas inspiré les écrivains de ce livre dans le but d'instruire le monde au sujet de l'astronomie, de la géologie, ou de n'importe quelle science. Ils admettent maintenant que les hommes inspirés qui ont écris l'Ancien Testament ne savait rien d'aucune science, et qu'ils ont écrit au sujet de la Terre et des étoiles, du soleil et de la lune, en accord avec l'ignorance générale de cette époque.

Il a fallu bien des siècles pour forcer les théologiens à cette admission. De mauvaise grâce, plein de malice et de haine, les prêtres se sont retiré du champ, laissant la victoire à la science. Ils prirent une autre position ;

Ils déclarèrent que les auteurs, ou plutôt les écrivains, de la Bible étaient inspirés des choses morales et spirituelles ; que Jéhovah voulait faire savoir à ses enfants sa volonté et son amour infini pour ses enfants ; que Jéhovah, voyant son peuple méchant, ignorant et dépravé, a voulu les rendre miséricordieux et justes, sages et spirituels, et que la Bible est inspirée dans ses lois, dans la religion qu'elle enseigne et dans ses idées de gouvernement.

C'est la question maintenant. Est ce que la Bible est plus près de la vérité dans ses idées de justices, de miséricorde, de moralité ou de religion que dans sa conception des sciences ? Est-elle morale ?

Elle soutient l'esclavage - elle autorise la polygamie.

Est-ce qu'un démon aurait fait pire ?

Est-elle miséricordieuse ?

A la guerre elle hisse le pavillon noir ; elle commande la destruction, le massacre, de tous - des vieillards, infirmes et sans défense - des femmes et des bébés.

Est-ce que ses lois sont inspirées ?

Des centaines d'offenses étaient punies de mort. Planter des piquets le dimanche, tuer votre père le lundi, étaient des crimes égaux. Il n'y a pas dans la littérature du monde de code plus sanglant. La loi de la vengeance - du talion - était la loi de Jéhovah. Un oeil pour un oeil, une dent pour une dent, un membre pour un membre.

C'est de la sauvagerie - pas de la philosophie.

Est-elle juste et raisonnable ?

La Bible est opposée à la tolérance religieuse - à la liberté religieuse. Celui qui différait de la majorité était lapidé à mort. La recherche était un crime. Les maris avaient l'ordre de dénoncer et d'aider à tuer leurs
épouses incroyantes.

Elle est l'ennemie de l'Art. « Tu ne devra pas faire d'image sculptée. » C'était la mort de l'Art.

La Palestine n'a jamais produit un peintre ou un sculpteur.

La Bible est-elle civilisée ?

Elle soutient le mensonge, le vol, le meurtre, la vente de viande malade aux étrangers, et même le sacrifice d'êtres humains à Jéhovah.

Est-elle philosophique ?

Elle enseigne que les péchés d'un peuple peuvent être transférés sur un animal - sur un bouc. Elle fait de la maternité une offense pour laquelle une offrande de péché doit être faite.

C'était mauvais de donner le jour à un garçon, et deux fois plus mauvais de faire naître une fille.

Faire une lotion capillaire comme celle des prêtres était une offense punie de mort.

Le sang d'un oiseau tué au-dessus de l'eau courante était considéré comme un médicament.

Est-ce qu'un Dieu civilisé arroserait ses autels du sang des boufs, agneaux et colombes ? Ferait-il de tous ses prêtres des bouchers ? Se délecterait-il  de l'odeur de la chair qui brûle ?

III

LES DIX COMMANDEMENTS

Quelques juristes chrétiens - quelques juges éminents et stupides - ont dit et disent encore, que les Dix Commandements sont la fondation de toutes les lois.

Rien ne pourrait être plus absurde. Longtemps avant que ces commandements furent donnés il y avait des codes des lois en Inde et en Egypte - des lois contre le meurtre, le parjure, le vol, l'adultère et la fraude. De telles lois sont aussi vieilles que la société humaine ; aussi vieilles que l'amour de la vie ; aussi vieilles que l'industrie ; que l'idée de prospérité ; aussi vieilles que l'amour humain.

Tous ceux des Dix Commandements qui sont bons était vieux ; tous ceux qui étaient nouveaux sont fous. Si Jéhovah était civilisé il aurait laissé de côté le commandement au sujet du Sabbat, et à sa place il aurait dit : « Tu ne mettra pas en esclavage ton prochain. » Il aurait omit celui au sujet du serment, et dit : « L'homme ne devra avoir qu'une seule femme, et la femme un seul mari. » Il aurait abandonné celui interdisant les images gravées, et à sa place il aurait dit : « Tu ne mèneras pas de guerres d'extermination, et tu ne dégainera pas l'épée sauf pour ta défense. »

Si Jéhovah avait été civilisé, combien plus grands auraient été les Dix Commandements.

Tout ce que nous appelons progrès - l'affranchissement de l'homme, du travail, la substitution de l'emprisonnement pour la peine de mort, et des amendes pour l'emprisonnement, la destruction de la polygamie,
l'établissement de la liberté de parole, l'objection de conscience ; en bref tout ce qui tend au développement et à la civilisation de l'homme;  tous les résultats des recherches, observations, expériences, et la liberté d'esprit ; tout ce qui fut bénéfique à l'homme depuis la fin des Ages Sombres - a été fait à l'encontre de l'Ancien Testament.

Laissez- moi encore illustrer la moralité, la miséricorde, la philosophie et la bonté de l'Ancien Testament :

L'HISTOIRE D'ACAN

Josué prit la cité de Jéricho. Avant la chute de la ville il déclara que tout le butin prit serait donné au Seigneur.

Malgré cet ordre Acan cacha un vêtement, de l'argent et de l'or.

Après cela Josué essaya de prendre la ville de Aï. Il échoua et beaucoup de ses soldats furent tués. Josué rechercha la cause de cet échec et découvrit qu'Acan avait caché un vêtement, deux cent sicles d'argent et un morceau d'or. Acan se confessa de ceci.

Ensuite Josué prit Acan, ses fils et ses filles, ses boufs et ses moutons - les lapida à mort et brûla leur corps.

Il n'y a rien qui montre que les fils et filles aient commis un crime. Certainement, les moutons et les boeufs ne devraient pas être lapidés pour le crime de leur propriétaire. C'était la justice, la miséricorde, de Jéhovah !

Après que Josué ait commit ce crime, avec l'aide de Jéhovah il captura la ville d'Aï.



L'HISTOIRE D'ELISEE.

« Et de là il monta jusqu'à Béthel, et comme il était en route vinrent à sa rencontre des petits enfants qui venaient de la ville et qui se moquèrent de lui, disant "va-t'en, toi la tête chauve. »

« Et il se tourna vers eux et les regarda, et les maudit au nom du Seigneur. Alors vinrent en avant deux ours sortant du bois et ils mirent en pièces quarante deux de ces enfants. »

C'était le travail du bon Dieu - le miséricordieux Jéhovah !

L'HISTOIRE DE DANIEL

Le roi Darius avait honoré et élevé Daniel, et les princes du sang étaient jaloux. Alors ils incitèrent le roi à signer un décret comme quoi quiconque ferait une supplique à n'importe quel dieu ou homme excepté au roi Darius, pendant trente jours, serait jeté dans la fosse aux lions.

Après cela ces hommes montrèrent que Daniel, face tournée vers Jérusalem, priait Jéhovah trois fois par jour.

Sur quoi Daniel fut jeté dans la fosse aux lions ; un rocher fut placé surl'ouverture de la fosse et scellé avec le sceaux royal.

Le roi passa une mauvaise nuit. Le matin suivant il vint à la fosse et appela Daniel. Daniel répondit et dit au roi que Dieu avait envoyé un ange pour fermer la gueule des lions.

Daniel fut sortit sain et sauf, et le roi se convertit et cru au Dieu de Daniel.

Darius, étant maintenant un croyant du vrai Dieu, envoya chercher les hommes qui avaient accusé Daniel, et leurs femmes et leurs enfants, et les fit tous jeter dans la fosse aux lions.

« Et les lions les maîtrisèrent, et brisèrent tous leurs os en pièces, avant même qu'ils n'atteignent le fond de la fosse. »

Qu'est ce que les femmes et les petits enfants avaient fait ? De quelle façon avaient-ils offensé le roi Darius, le croyant en Jéhovah ? Qui a protégé Daniel ? Jéhovah ! Qui n'a pas protégé les innocents, femmes et enfants ? Jéhovah !

L'HISTOIRE DE JOSEPH

Le Pharaon fit un rêve, et ce rêve fut interprété par Joseph.

Selon cette interprétation il devrait y avoir en Egypte sept années d'abondance, suivies de sept années de famine. Joseph conseilla au Pharaon d'acheter tout le surplus des années d'abondance et de le stocker en prévision des années de famine.

Le Pharaon nomma Joseph son ministre, et lui ordonna d'acheter le grain des années d'abondance.

Alors vint la famine. Le peuple vint demander de l'aide au roi. Il leur répondit d'aller voir Joseph et de faire ce qu'il dit.

Joseph vendit le grain aux égyptiens jusqu'à ce que tout leur argent soit dépensé - jusqu'à ce qu'il l'ait en totalité.

Quand tout l'argent fut dépensé le peuple dit : « Donne nous du grain et nous te donnerons notre bétail. »

Joseph les laissa avoir du grain jusqu'à ce que tout leur bétail, leurs chevaux et leurs troupeaux lui ait été donné.

Alors le peuple dit : « Donne nous du grain et nous te donnerons nos terres. »

Et Joseph les laissa avoir du grain jusqu'à que toutes leurs terres furent parties.

Mais la famine continua, alors les malheureux appauvris se vendirent eux-mêmes, et il devinrent les serviteurs du Pharaon.

Alors Joseph leur donna des semences, et conclu un accord avec eux comme quoi il donneraient pour toujours un cinquième de toutes leurs récoltes au Pharaon.

Qui a permit à Joseph d'interpréter le rêve du Pharaon ? Jéhovah ! Savait-il à ce moment que Joseph allait utiliser ces informations pour voler et réduire en esclavage le peuple d'Egypte ? Oui. Qui a fait venir la famine ? Jéhovah !

Il est parfaitement clair que les Juifs ne considéraient pas Jéhovah comme le Dieu de l'Egypte - le Dieu du monde entier. Il était leur Dieu, et seulement le leur. Les autres nations avaient d'autres dieux, mais Jéhovah était le plus grand de tous. Haïssez les autres nations et les autres dieux, et abhorrez toutes les religions excepté le service de lui-même.

IV

QU'EST-CE QUE CA VAUT ?

Des étudiants en théologie nous diront-ils la valeur de la Genèse ?

Nous savons qu'elle n'est pas vraie - qu'elle se contredit elle-même. Il y a deux récits de la création dans le premier et deuxième chapitre. Dans le premier récit les oiseaux et les bêtes sont crées avant l'homme.

Dans le second, l'homme est crée avant les oiseaux et les bêtes.

Dans le premier, Adam et Eve sont crées ensemble.

Dans le second, Adam est fait ; puis les bêtes et les oiseaux, et ensuite Eve est créée à partir d'une côte d'Adam.

Ces histoires sont bien plus vieilles que le Pentateuque.

Perses : Dieu créa le monde en six jours, un homme appelé Adama, une femme appelée Evah, et puis se reposa.

les récits des Etrusques, Babyloniens, Phéniciens, Chaldéens, et Egyptiens sont à peu près les mêmes.

Les Perses, les Grecs, les Egyptiens, les Chinois et les Hindous ont leur Jardin d'Eden et l'arbre de vie.

Aussi, les Perses, les Babyloniens, les Nubiens, le peuple du sud de l'Inde, ont tous le récit de la chute de l'homme et le subtil serpent.

Les Chinois disent que le péché est venu dans le monde par la désobéissance d'une femme. Et même les Tahitiens nous disent que l'homme fut crée avec de la terre, et la première femme d'un de ses os.

Toutes ces histoires ont la même authenticité et sont d'une égale valeur pour le monde, et leurs auteurs ne sont pas plus inspirés les uns que les autres.

Nous savons aussi que l'histoire du déluge est bien plus vieille que le livre de la Genèse, et nous savons surtout qu'elle n'est pas vraie.

Nous savons que cette histoire dans la Genèse a été copiée des Chaldéens. Là vous trouvez tout au sujet de la pluie, l'arche, les animaux, la colombe envoyée dehors trois fois, et la montagne où l'arche s'est échouée.

Aussi, les Hindous, les Chinois, les Parsis, les Perses, les Grecs, les Mexicains et les Scandinaves ont en substance la même histoire.

Nous savons aussi que le récit de la Tour de Babel est une fable ignorante et infantile.

Alors qu'est-ce qu'il reste dans ce livre inspiré de la Genèse ? Y a-t-il un mot calculé pour développer le cour ou l'esprit ? Y a-t-il une pensée élevée - n'importe quel grand principe - n'importe quoi de poétique - n'importe quels mots réjouissants de beauté ?

Y a-t-il quelque chose excepté un exposé ennuyeux et détaillé de choses qui ne sont jamais arrivées ?

Y a-t-il quelque chose dans Exode calculé pour rendre l'homme généreux, aimant et noble ?

Est-ce bien d'apprendre aux enfants que Dieu a torturé l'innocent bétail des Egyptiens - l'a meurtri jusqu'à la mort avec de la grêle - en réponse aux péchés du Pharaon ?

Est-ce que cela nous rend miséricordieux de croire que Dieu a tué le premier-né de tous les Egyptiens - le premier-né du peuple pauvre et souffrant - de la pauvre fille qui travaille au moulin - à cause de la méchanceté du roi ?

Pouvons-nous croire que les dieux de l'Egypte ont fait des miracles ? Ont-ils changé l'eau en sang, et des bâtons en serpents ?

Dans Exode il n'y a pas une pensée originale ni une ligne de valeur.

Nous savons, si nous savons une seule chose, que ce livre a été écrit par des sauvages - des sauvages qui croyaient en l'esclavage, la polygamie et les guerres d'extermination. Nous savons que les histoires racontées sont impossibles, et que les miracles n'ont jamais eu lieu. Ce livre admet qu'il y a d'autres dieux à part Jéhovah. Dans le 18ème chapitre il y a ce verset : « Maintenant je sais que le Seigneur est plus grand que tous les dieux, parce que, dans les domaines où ils étaient les plus fiers, il fut meilleur qu'eux. »

Aussi, dans ce livre sacré on enseigne le devoir de sacrifice humain – le sacrifice des bébés.

Dans le 22ème chapitre il y a ce commandement : « tu devra sans délai m'offrir le premier de tes fruits mûrs et de tes liqueurs ; le premier-né de tes fils tu devra me le donner. »

Est-ce que Exode a été une aide ou un obstacle pour la race humaine ?

Enlevez d'Exode les lois communes à toutes les nations, reste-t-il quelque chose de valeur ?

Y a-t-il quoi que ce soit d'important dans Lévitique ? Y a-t-il un chapitre qui vaut la peine d'être lu ? Quel intérêt avons-nous pour les vêtements des prêtres, les rideaux et chandelles du tabernacle, les pinces et les pelles des autels ou pour les lotions capillaires utilisées par les lévites ?

Quelle utilité ont le code cruel, les punitions effrayantes, les malédictions, les mensonges et les miracles de ce livre ignorant et infâme ?

Et qu'y a-t-il dans le livre des Nombres - avec ses sacrifices, avec ses présentoirs et ses cuillères, ses huiles et chandeliers, ses concombres, ses oignons et sa manne - pour assister et instruire l'humanité ? Quel intérêt avons-nous à la rébellion de Coré, les cendres d'une génisse rousse, leserpent brûlant, l'eau qui a suivi le peuple par monts et par vaux pendant quarante ans, et l'âne inspiré du prophète Balaam ? Ces absurdités et cruautés - ces superstitions sauvages et infantiles - ont-elles aidé à civiliser le monde ?

Y a-t-il quelque chose dans Josué - avec ses guerres, ses meurtres et massacres, ses épées trempées dans le sang des mères et des bébés, ses tortures et mutilations, ses tromperies et furies, ses haines et vengeances - de calculé pour améliorer le monde ?

Est-ce que chaque chapitre ne choque pas le cour d'un homme bon ? Est-ce un livre à faire lire aux enfants ?

Lisez donc ce livre de Josué - lisez la tuerie des femmes, des épouses, des mères et des bébés - lisez ces miracles impossibles, ces crimes impitoyables, tous fait en accord avec les commandements de Jéhovah, et dites-moi en quoi ce livre est calculé pour nous rendre miséricordieux, généreux et affectueux.

Le livre de Josué est aussi sans-cour que la misère, aussi féroce que le coeur d'une bête sauvage. C'est une histoire - une justification - une sanctification de presque tous les crimes.

Le livre des Juges est à peu près le même, rien d'autre que des guerres et des bains de sang ; l'horrible histoire de Jaël et Siséra ; de Gédéon et ses trompettes ; de Jephté et de sa fille, qu'il a assassinée pour plaire à
Jéhovah.

J'admet que l'histoire de Ruth est par certains aspects une histoire belle et touchante ; qu'elle est naturellement racontée, et que son amour pour Naomi est profond et pur. Mais d'un autre côté nous conseillerions difficilement à nos filles de suivre l'exemple de Ruth. Et puis, il faut se souvenir que Ruth était veuve.

Y a-t-il un mot qui vaille la peine d'être lu dans le premier et le deuxième livre de Samuel ? Est-ce qu'un prophète de Dieu devrait tailler en pièce un roi prisonnier ? Est-ce que l'histoire de l'arche, sa capture et son retour, est importante pour nous ? Est-il possible qu'il était juste, sage et miséricordieux de tuer cinquante mille hommes parce qu'ils avaient regardé dans une boîte ? De quel usage nous sont les guerres de Saül et David, les histoires de Goliath et la Sorcière d'En-Dor ? Pourquoi Jéhovah devrait-il avoir tué Uzzah pour avoir mis sa main pour stabiliser l'arche, et pardonné à David pour le meurtre d'Urie et pour lui avoir volé sa femme ?

Selon "Samuel", David décida un recensement du peuple. Ceci provoqua la colère de Jéhovah, et comme punition il permit à David de choisir entre sept ans de famine, trois mois de défaites face à ses ennemis, ou trois jours de pestilence. David, ayant confiance en Dieu, choisit les trois jours de pestilence ; et, ensuite, Dieu, le compatissant, en réplique au péché de David, tua soixante dix mille hommes innocents.

Dans les même circonstances, qu'est-ce qu'un démon aurait fait ?

Y a-t-il quelque chose dans le premier et le second Rois qui suggère l'idée d'inspiration ?

Quand David est mourant il dit à son fils Salomon de tuer Joab - de ne pas laisser sa tête blanchie descendre dans la tombe en paix. Avec son dernier souffle il commande à son fils d'amener dans le sang la tête aux cheveux blancs de Shimeï au cimetière. Ayant prononcé ces mots miséricordieux, le bon David, l'homme cherchant le coeur de Dieu, rejoignit ses ancêtres.

Etait-il nécessaire d'inspirer l'homme qui a écrit l'histoire de la construction du temple, l'histoire de la visite de la reine de Shéba, ou pour nous dire le nombre des femmes de Salomon ?

Quel intérêt avons nous au dessèchement de la main de Jéroboam, à la prophétie de Jéhu, ou à Elie et au corbeau ?

Pouvons-nous croire qu'Elie a ramené des flammes du ciel, ou qu'à la fin il est parti au paradis dans un chariot de feu ?

Pouvons-nous croire à la multiplication de l'huile de la veuve par Elisée, ou qu'une armée fut frappée de cécité, ou qu'une hache flotta sur l'eau ?

Est-ce que ça nous civilise de lire la décapitation des soixante-dix fils d'Achab, l'arrachage des yeux de Sédécias et le meurtre de ses fils ? Y a-t-il un mot dans premier et second Rois de calculé pour rendre les hommes meilleurs ?

Premier et second Chroniques n'est qu'une répétition de ce qui est dit dans premier et second Rois. Les mêmes vieilles histoires - un peu plus ici, un peu moins là, mais en aucune façon pires ou meilleures.

Le livre d'Esdras n'a pas d'importance. Il nous dit que Cyrus, roi de perse, fit une proclamation annonçant la construction d'un temple à Jérusalem, et qu'il a déclaré que Jéhovah était le seul et unique Dieu.

Rien ne pourrait être plus absurde. Esdras raconte le retours de captivité, la construction du temple, sa consécration, quelques prières, et c'est tout. Ce livre n'a pas d'importance, pas d'utilité.

Néhémie est presque le même, sauf qu'il nous raconte la construction du mur, les plaintes du peuple au sujet des impôts, une liste de ceux qui revinrent de Babylone, un catalogue de ceux qui restèrent à Jérusalem et la consécration du mur.

Alors vient le livre d'Ester. Dans celui-ci on nous dit que le Roi Assuérus était ivre ; qu'il envoya chercher se reine, Vaschti, pour se montrer à lui et à ses invités. Vaschti refusa de venir.

Ceci exaspéra le roi, et il ordonna que de toutes les provinces les plus belles filles soient envoyées devant lui pour qu'il en choisisse une pour remplacer Vaschti.

Parmi d'autres fut amenée Esther, une Juive. Elle fut choisie et devint la femme du roi. Alors un gentleman du nom d'Haman voulu voir tous les Juifs tués, et le roi, qui ne savait pas qu'Esther était de cette race, signa un décret comme quoi tous les Juifs devraient être tués.

Grâce aux efforts de Mardochée et d'Esther le décret fut annulé et les Juifs furent sauvés.

Haman avait préparé une potence pour pendre Mardochée, mais la bonne Esther s'arrangea pour que ce soit Haman et ses dix fils qui soient pendus à la potence qu'Haman avait construite, et les Juifs furent autorisés à tuer plus de soixante quinze mille sujets du roi.

Voilà l'histoire inspirée d'Esther.

Dans le livre de Job nous trouvons des sentiments élevés, quelques pensées sublimes et folles, quelque chose du merveilleux et du magnifique de la nature, les joies et les peines de la vie ; mais l'histoire est infâme.

Quelques Psaumes sont bons, beaucoup sont médiocres, quelques-uns sont infâmes. En eux sont mélangés les vices et les vertus. Il y a des versets qui élèvent, des versets qui dégradent. Ils y a des prières pour le pardon et pour la vengeance. Dans la littérature du monde il n'y a rien de plus sans-coeur, de plus infâme, que le 109ème Psaume.

Dans les Proverbes il y a beaucoup de sagacité, de nombreuses maximes précises et prudentes, beaucoup de sages déclarations. Les mêmes idées sont exprimées de différentes façons - la sagesse de l'économie et du silence, les dangers de la vanité et de l'oisiveté. Quelques-uns sont superficiels, d'autres sont fous, beaucoup sont sages. Ces Proverbes ne sont pas généreux - pas altruistes. Des dires de même nature sont trouvés parmi toutes les nations.

L'Ecclésiaste est le livre le plus profond de la Bible. Il a été écrit par un incroyant - un philosophe - un agnostique. Enlevez les interpolations, et il est en accord avec la pensée du dix-neuvième siècle. Dans ce livre on trouve les passages les plus philosophiques et les plus poétiques de la Bible.

Après avoir traversé le désert de la mort et du crime, après avoir lu le Pentateuque, Josué, Juges, Samuel, Rois et Chroniques - il est délicieux de rejoindre cette oasis de palmiers, appelé le Cantique des Cantiques. Un drame de l'amour - de l'amour humain ; un poème sans Jéhovah - un poème né du coeur et des divins instincts de l'âme.

« Je dors, mais mon coeur s'est éveillé. »

Esaïe est le travail de plusieurs. Ses mots ronflants, ses vagues images, ses prophéties et malédictions, ses divagations contre les rois et les nations, sa moquerie de la sagesse de l'homme, sa haine du bonheur, n'ont pas la plus mince tendance à accroître le bien-être de l'homme.

Dans ce livre est raconté le plus absurde de tous les miracles. L'ombre d'un cadran solaire recule de dix degrés, dans le but de convaincre Eséchias que Jéhovah ajoutera quinze années à sa vie.

Avec ce miracle le monde, qui tourne d'ouest en est à la vitesse d'environ deux mille kilomètres par heure, est non seulement stoppé, mais tourne dans l'autre sens jusqu'à ce que l'ombre du cadran ait reculé de dix degrés ! Y a-t-il dans le monde entier un homme ou une femme intelligent qui croit en cet impossible mensonge ?

Jérémie ne contient rien d'important - aucun fait de valeur ; rien sauf des aveux, lamentations, des croassements, plaintes, malédictions et promesses ; rien sauf famine et prières, la prospérité des méchants, la ruine des Juifs, la captivité et le retour, et à la fin Jérémie, le traître, au pilori et en prison.

Et Lamentations est une simple continuation des délires du même pessimisme malsain. Rien sauf poussières, le sac et la cendre, larmes et braillements, invectives et injures.

Et Ezéchiel - mangeant des manuscrit, prophétisant siège et désolation, avec ses visions de charbon ardent, et chérubin, et roues avec des yeux, le type et les mesures de la bouilloire, et la résurrection des os secs - est sans utilité, sans valeur possible.

Comme Voltaire, je dirais que celui qui admire Ezéchiel devrait être invité à dîner avec lui.

Daniel est un rêve déformé - un cauchemar.

Que pouvons-nous faire de ce livre avec son image d'une tête en or, bras et poitrine en argent, ventre et bassin en cuivre, jambes en fer, et pieds en fer et argile mêlés ; avec ses écrit sur le mur, sa fosse aux lions, et sa vision du bélier et du bouc ?

Y a-t-il quelque chose à apprendre d'Osée et de sa femme ? Y a-t-il quelque chose d'utile dans Joël, dans Amos, dans Obadiah ? Pouvons nous retirer quoi que ce soit de Jonas et son poisson ? Est-il possible que Dieu soit le vrai auteur de Michée et Nahum, d'Habacuc et Sophonie, d'Aggée et Malachie et Zacharie, avec les chevaux rouges, les quatre cornes, les quatre charpentiers, le rouleau volant, les montagnes de cuivre et le rocher aux quatre yeux ?

Y a-t-il quelque chose dans ces livres "inspirés" qui a été bénéfique à l'homme ?

Nous ont-ils apprit comment cultiver la terre, à construire des maisons, à tisser des vêtements, à préparer de la nourriture ?

Nous ont-il enseigné comment peindre des tableaux, ciseler des statues, construire des ponts, ou des bateaux, ou n'importe quoi de beau ou d'utile ? Avons-nous trouvé nos idées de gouvernement, de liberté religieuse, de liberté de pensée dans l'Ancien Testament ? Avons-nous eu de n'importe quel de ces livres un conseil sur une science quelconque ? Y a-t-il dans ce "volume sacré" un mot, une ligne, qui a ajouté à la santé, à l'intelligence ou au bonheur de l'humanité ? L'un des livre de l'Ancien Testament est-il aussi divertissant que "Robinson Crusoé", ou "Les voyages de Gulliver" ? Est ce que l'auteur de la Genèse en savait autant sur la nature que Humboldt, ou Darwin, ou Haeckel ? Est ce que ce que nous appelons le Code Mosaïque est aussi sage ou aussi miséricordieux que celui de n'importe quelle nation civilisée ? Les écrivains de Rois ou Chroniques étaient-ils d'aussi grands écrivains, d'aussi grands historiens que Gibbon et Draper ? Jérémie et Habacuc sont-ils les égaux de Dickens ou Thackeray ? Les auteurs de Job et des Psaumes peuvent-ils être comparés à Shakespeare ? Pourquoi devrions-nous imputer le meilleur à l'homme et le pire à Dieu ?

V

JEHOVAH ETAIT-IL UN DIEU D'AMOUR ?

Est-ce que ces mots viennent du cour de l'amour ?

 - « Quand le Seigneur ton Dieu les conduira devant toi, tu devra les frapper et les détruire complètement ; tu ne devra accepter aucun accord avec eux, ni leur montrer aucune pitié. »

« Je les accablerai de mal. J'enverrai mes flèches sur eux ; ils seront brûlés de colère et dévorés par une chaleur brûlante jusqu'à la destruction totale. »

« J'enverrai le croc des bêtes sauvages contre eux, et le poison des serpents de la poussière. »

« L'épée au dehors, et la terreur au dedans, détruiront aussi bien le jeune homme que la vierge ; le nourrisson aussi, avec l'homme aux cheveux gris. »

« Que ses enfants soient orphelins de père et sa femme une veuve ; que ses enfants soient continuellement vagabonds et mendiants ; qu'ils doivent chercher leur pain dans des lieux désolés ; que l'usurier vole tout ce qui est à lui ; que l'étranger profite de son travail ; qu'il n'y ai personne qui lui témoigne de la pitié, ni personne qui fasse une faveur à ses orphelins de père. »

« Et tu devra manger le fruit de ton propre corps - la chair de tes fils et de tes filles. »

« Et que le ciel qui est au dessus de toi soit de cuivre, que la terre qui est sous toi soit de fer. »

« Maudit sois tu dans la ville, et maudit sois tu dans les champs. »

« Je rendrai mes flèches ivres de sang. »

« Je rirai de leurs calamités. »

Est-ce que ces malédictions, ces menaces, viennent de la source de l'amour ou de la bouche des sauvages ?

Jéhovah était-il bon ou mauvais ?

Pourquoi devrions-nous placer Jéhovah au-dessus de tous les dieux ?

L'homme dans sa peur et son ignorance a-t-il jamais imaginé un plus grand monstre ?

Les barbares de n'importe quel pays et de n'importe quelle époque ont-ils façonné un dieu plus impitoyable ?

Brahma était mille fois plus noble, de même qu'Osiris et Zeus et Jupiter. De même le dieu suprême des Aztèques, à qui ils offraient seulement le parfum des fleurs. Le pire dieu des Hindous, avec son collier de crânes et son bracelet de serpents vivants, était gentil et compatissant comparé à Jéhovah.

Comparé avec Marcus Aurélius, combien petit semble Jéhovah. Comparé avec Abraham Lincoln, combien cruel, combien méprisable est ce dieu.

VI

L'ADMINISTRATION DE JEHOVAH

Il a crée le monde, l'hôte des cieux, un homme et une femme - placés dans un jardin. Alors le Serpent les trompa, et ils furent jetés dehors et obligés de gagner leur pain.

Jéhovah s'était fait rouler.

Alors il essaya encore. Il vint pendant environ six cents ans pour essayer de civiliser les gens.

Pas d'écoles, pas d'églises, pas de Bible, pas d'écrits - personne n'apprit à lire ou écrire. Pas de Dix Commandements. Le peuple devint pire et pire, jusqu'à ce que le miséricordieux Jéhovah envoie le déluge et noie tout le monde excepté Noé et sa famille, huit en tout.

Alors il recommença, et changea leur régime. Au début Adam et Eve étaient végétariens. Après le déluge Jéhovah dit : « Toute chose vivante qui se meut sera nourriture pour vous » - serpents et vautours.

Ensuite il échoua encore, et à la Tour de Babel il dispersa et divisa le peuple.

Trouvant qu'il ne pourrait pas réussir avec tout le monde, il pensa qu'il devrait essayer avec quelques-uns, aussi il sélectionna Abraham et ses descendants. Encore il échoua, et son peuple choisi fut capturé par les Egyptiens et mis en esclavage pendant quatre cent ans.

Alors il essaya encore - les sauva du Pharaon et en route pour la Palestine.

Alors il changea leur régime, les autorisant à manger la viande seulement des bêtes qui ont le sabot fendu et qui ruminent leur nourriture. Encore il échoua. Le peuple le détesta, et préféra l'esclavage de l'Egypte à la liberté de Jéhovah. Donc il les garda errants dans le désert jusqu'à ce que tous ceux qu'il avait sorti d'Egypte soient morts. Puis il essaya encore - Leur donna la Palestine et les fis gouverner par des Juges.

Ceci, aussi, fut un échec - pas d'écoles, pas de Bible. Alors il essaya les Rois, et les rois furent pour la plupart idolâtres.

Alors le peuple élu fut conquis et emmené en captivité par les Babyloniens.

Un autre échec.

Ensuite ils revinrent, et Jéhovah essaya les prophètes - braillants et gémissants - mais le peuple devenait pire et pire. Pas d'écoles, pas de sciences, pas d'arts, pas de commerce. Alors Jéhovah pris lui-même chair, fut né d'une femme, et vécu parmi le peuple qu'il avait essayé de civiliser depuis plusieurs milliers d'années. Alors ce peuple, obéissant aux lois qu'il leur avait donné dans les temps sauvages, accusèrent cet homme-Jéhovah - ce Christ - de blasphème ; le jugèrent, le condamnèrent et le tuèrent.

Jéhovah avait échoué une fois de plus.

Alors il quitta les Juifs et tourna son attention vers le reste du monde.

Et maintenant les Juifs, abandonnés par Jéhovah, persécutés par les Chrétiens, sont le peuple le plus prospère de la terre. Encore avait échoué Jéhovah.

Quelle administration !

A suivre...

Sources :LA BIBLE QUELLE ORIGINE ? 1ère partie


 

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