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23 octobre 2007 2 23 /10 /octobre /2007 14:02

 

 

Le paradis perdu

 

de John Milton

 

Traduction de Chateaubriand

1857

Livre I

2ème partie

1ère partie

Tableau de Christophe Sivet

Ainsi parlait Satan à son compagnon le plus près de lui, la tête levée au-dessus des vagues, les yeux étincelants; les autres parties de son corps affaissées sur le lac, étendues longues et larges, flottaient sur un espace de plusieurs arpents. En grandeur il était aussi énorme que celui que les fables appellent, de sa taille monstrueuse, Titanien, ou né de la terre, lequel fit la guerre à Jupiter; Briarée ou Tiphon, dont la caverne s'ouvrait près de l'ancienne Tarse. Satan égalait encore cette bête de la mer, Léviathan, que Dieu, de toutes ses créatures, fit la plus grande entre celles qui nagent dans le cours de l'Océan : souvent la bête dort sur l'écume norwégienne ; le pilote de quelque petite barque égarée au milieu des ténèbres la prend pour une île (ainsi le racontent les matelots) : il fixe l'ancre dans son écorce d'écaille, s'amarre sous le vent à son côté, tandis que la nuit investit la mer, et retarde l'aurore désirée. Ainsi, énorme en longueur le chef ennemi gisait enchaîné sur le lac brûlant ; jamais il n'eût pu se lever ou soulever sa tête, si la volonté et la haute permission du régulateur de tous les cieux ne l'avaient laissé libre dans ses noirs desseins; afin que par ses crimes réitérés il amassât sur lui la damnation, alors qu'il cherchait le mal des autres; afin qu'il pût voir, furieux, que toute sa malice n'avait servi qu'à faire luire l'infinie bonté, la grâce, la miséricorde sur l'homme par lui séduit; à attirer sur lui-même, Satan, triple confusion, colère et vengeance.

Soudain au-dessus du lac l'archange dresse sa puissante stature : de sa main droite et de sa main gauche les flammes repoussées en arrière, écartent leurs pointes aiguës, et, roulées en vagues, laissent au milieu une horrible vallée. Alors, ailes déployées, il dirige son vol en haut, pesant sur l'air sombre qui sent un poids inaccoutumé, jusqu'à ce qu'il s'abatte sur la terre aride, si terre était ce qui toujours brûle d'un feu solide, comme le lac brûle d'un liquide feu.

Telles apparaissent dans leur couleur (lorsque la violence d'un tourbillon souterrain a transporté une colline arrachée du Pelore ou des flancs déchirés du tonnant Etna), telles apparaissent les entrailles combustibles et inflammables qui là concevant le feu, sont lancées au ciel par l'énergie minérale à l'aide des vents, et laissent un fond brûlé, tout enveloppé d'infection et de fumée : pareil fut le sol de repos que toucha Satan de la plante de ses pieds maudits. Béelzébuth, son compagnon le plus proche, le suit, tous deux se glorifiant d'être échappés aux eaux stygiennes comme des dieux par leurs propres forces recouvrées, non par la tolérance du suprême pouvoir.

« Est-ce ici la région, le sol, le climat, dit alors l'archange perdu ; est-ce ici le séjour que nous devons changer contre le ciel, cette morne obscurité contre cette lumière céleste? Soit ! puisque celui qui maintenant est souverain, peut disposer et décider de ce qui sera justice. Le plus loin de lui est le mieux, de lui qui, égalé en raison, s'est élevé au-dessus de ses égaux par la force. Adieu, champs fortunés où la joie habite pour toujours ! salut horreurs ! salut, monde infernal ! Et toi, profond enfer, reçois ton nouveau possesseur. Il t'apporte un esprit que ne changeront ni le temps ni le lieu. L'esprit est à soi-même sa propre demeure, il peut faire en soi un ciel de l'enfer, un enfer du ciel. Qu'importe où je serai, si  je suis toujours le même et ce que je dois être, tout, quoique moindre que celui que le tonnerre a fait plus grand ! Ici du moins nous serons libres. Le Tout-Puissant n'a pas bâti ce lieu pour l'envier; il ne voudra pas nous en chasser. Ici nous pourrons régner en sûreté; et, à mon avis, régner est digne d'ambition, même en enfer ; mieux vaut régner en enfer que servir dans le ciel.

« Mais laisserons-nous donc nos amis fidèles, les associés, les copartageants de notre ruine, étendus, étonnés sur le lac d'oubli? Ne les appellerons-nous pas à prendre avec nous la part de ce manoir malheureux, ou, avec nos armes ralliés, à tenter une fois de plus s'il est encore quelque chose à regagner au ciel, ou à perdre dans l'enfer? »

Ainsi parla Satan, et Béelzébuth lui répondit :

« Chef de ces brillantes armées, qui par nul autre que le Tout-Puissant n'auraient été vaincues, si une fois elles entendent cette voix, le gage le plus vif de leur espérance au milieu des craintes et des dangers; cette voix si souvent relentissante dans les pires extrémités, au bord périlleux de la bataille quand elle rugissait; cette voix, signal le plus rassurant dans tous les assauts, soudain elles vont reprendre un nouveau courage et revivre, quoiqu'elles languissent à présent, gémissantes et prosternées sur le lac de feu, comme nous tout à l'heure assourdis et stupéfaits : qui s'en étonnerait, tombées d'une si pernicieuse hauteur ! »

Béelzébuth avait à peine cessé de parler, et déjà le grand ennemi s'avançait vers le rivage : son pesant bouclier, de trempe éthérée, massif, large et rond, était rejeté derrière lui; la large circonférence pendait à ses épaules, comme la lune dont l'orbe, à travers un verre optique, est observé le soir par l'astronome toscan, du sommet de Fiesole ou dans le Valdarno, pour découvrir de nouvelles terres, des rivières et des montagnes sur son globe tacheté. La lance de Satan (près de laquelle le plus haut pin scié sur les collines de Norwège pour être le mât de quelque grand vaisseau amiral, ne serait qu'un roseau) lui sert à soutenir ses pas mal assurés sur la marne brûlante; bien différents de ces pas sur l'azur du ciel ! Le climat torride voûté de feu, le frappe encore d'autres plaies : néanmoins il endure tout, jusqu'à ce qu'il arrive au bord de la mer enflammée. Là il s'arrête.

Il appelle ses légions, formes d'anges fanées, qui gisent aussi épaisses que les feuilles d'automne jonchant les ruisseaux de Vallombreuse, où les ombrages Étruriens décrivent l'arche élevée d'un berceau; ainsi surnagent des varechs dispersés, quand Orion, armé des vents impétueux, a battu les côtes de la mer Rouge; mer dont les vagues renversèrent Busiris et la cavalerie de Memphis, tandis qu'ils poursuivaient d'une haine perfide les étrangers de Gessen, qui virent du sûr rivage les carcasses flottantes, les roues des chariots brisés : ainsi semées abjectes, perdues, les légions gisaient, couvrant le lac, dans la stupéfaction de leur changement hideux. Satan élève une si grande voix, que tout le creux de l'enfer en retentit.

« Princes, potentats, guerriers, fleurs du ciel jadis à vous, maintenant perdu ! une stupeur telle que celle-ci peut-elle saisir des esprits éternels, ou avez-vous choisi ce lieu après les fatigues de la bataille, pour reposer votre valeur lassée, pour la douceur que vous trouvez à dormir ici, comme dans les vallées du ciel ? ou bien, dans cette abjecte posture, avez-vous juré d'adorer le vainqueur? Il contemple à présent chrérubins et séraphins, roulant dans le gouffre, armes et enseignes brisées, jusqu'à ce que bientôt ses rapides ministres, découvrant des portes du ciel leur avantage, et descendant nous foulent aux pieds ainsi languissants, ou nous attachent à coups de foudre au fond de cet abîme. Éveillez-vous! levez-vous! ou soyez  à jamais tombés! »

Ils l'entendirent et furent honteux et se levèrent sur l'aile, comme quand des sentinelles accoutumées à veiller au devoir, surprises endormies par le commandant qu'elles craignent, se lèvent, et se remettent elles-mêmes en faction avant d'être bien éveillées. Non que ces esprits ignorent le malheureux état où ils sont réduits, ou qu'ils ne sentent pas leurs affreuses tortures ; mais bientôt ils obéissent innombrables à la voix de leur général.

Comme quand la puissante verge du fils d'Amram, au jour mauvais de l'Egypte, passa ondoyante le long du rivage, et appela la noire nuée de sauterelles, louées par le vent d'orient, qui se suspendirent sur le royaume de l'impie Pharaon de même que la nuit, et enténébrèrent toute la terre du Nil : ainsi, sans nombre furent aperçus ces mauvais anges, planant sous la coupole de l'enfer, entre les inférieures, les supérieures et les environnantes flammes, jusqu'à ce qu'à un signal donné, la lance levée droite de leur grand sultan, ondoyant pour diriger leur course, ils s'abattent, d'un égal balancement, sur le soufre affermi, et remplissent la plaine. Ils formaient une multitude telle que le Nord populeux n'en versa jamais de ses flancs glacés pour franchir le Rhin ou le Danube, alors que ses fils barbares tombèrent comme un déluge sur le Midi, et s'étendirent, au-dessous de Gibraltar, jusqu'aux sables de la Libye.

Incontinent de chaque escadron, et de chaque bande, les chefs et les conducteurs se hâtèrent là où leur grand général s'était arrêté. Semblables à des dieux par la taille et par la forme, surpassant la nature humaine, royales dignités, puissances, qui siégeaient autrefois dans le ciel, sur des trônes : quoique dans les archives célestes on ne garde point maintenant la mémoire de leurs noms, effacés et rayés, par leur rébellion, du livre de vie. Ils n'avaient pas encore acquis leurs noms nouveaux parmi les fils d'Eve ; mais lorsque, errant sur la terre, avec la haute permission de Dieu pour l'épreuve de l'homme, ils eurent, à force d'impostures et de mensonges, corrompu la plus grande partie du genre humain, ils persuadèrent aux créatures d'abandonner Dieu leur créateur, de transformer souvent la gloire invisible de celui qui les avait faits, dans l'image d'une brute ornée de gaies religions pleines de pompes et d'or, et d'adorer les démons pour divinités : alors ils furent connus aux hommes sous différents noms et par diverses idoles, dans le monde païen.

Muse, redis-moi ces noms alors connus : qui le premier, qui le dernier se réveilla du sommeil sur ce lit de feu, à l'appel de leur grand empereur; quels chefs, les plus près de lui en mérites, vinrent un à un où il se tenait sur le nuage chauve, tandis que la foule pêle-mêle, se tenait encore au loin.

Ces chefs furent ceux qui, sortis du puits de l'enfer, rôdant pour saisir leur proie sur la terre, eurent l'audace, longtemps après, de fixer leurs siéges auprès de celui de Dieu, leurs autels contre son autel, dieux adorés parmi les nations d'alentour; et ils osèrent habiter près de Jehovah, tonnant hors de Sion, ayant son trône au milieu des chérubins : souvent même ils placèrent leurs châsses jusque dans son sanctuaire, abominations et avec des choses maudites, ils profanèrent ses rites sacrés, ses fêtes solennelles, et leurs ténèbres osèrent affronter sa lumière.

D'abord s'avance Moloch, horrible roi, aspergé du sang des sacrifices humains, et des larmes des pères et des mères, bien qu'à cause du bruit des tambours et des timbales retentissantes, le cri de leurs enfants ne fût pas entendu, lorsque à travers le feu ils passaient à l'idole grimée. Les Ammonites l'adorèrent dans Rabba et sa plaine humide, dans Argob et dans Basan, jusqu'au courant de l'Arnon le plus reculé : non content d'un si audacieux voisinage, il amena, par fraude, le très sage cоeur de Salomon à lui bâtir un temple droit en face du temple de Dieu, sur cette montagne d'opprobre; et il fit son bois sacré de la riante vallée d'Hinnon, de là nommée Tophet et la noire Géenne, type de l'enfer.

Après Moloch vient Chamos, l'obscène terreur des fils de Moab, depuis Aroer à Nébo et au désert du plus méridional Abarim ; dans Hésébon et Héronaïm, royaume de Soon, au delà de la retraite fleurie de Sibma, tapissée de vignes, et dans Éléalé, jusqu'au lac Asphaltite, Chamos s'appelait aussi Peor, lorsqu'à Sittim il incita les Israélites dans leur marche du Nil, à lui faire de lubriques oblations qui leur coûtèrent tant de maux. De là il étendit ses lascives orgies jusqu'à la colline du Scandale, près du bois de l'homicide Moloch, l'impudicité tout près de la haine; le pieux Josias les chassa dans l'enfer.

Troisième partie

Posté par Adriana Evangelizt


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