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23 juin 2007 6 23 /06 /juin /2007 22:54

Quelques extraits du très beau livrede Marie-Madeleine Davy Le désert intérieur...

 

Le désert intérieur

 

de Marie-Madeleine Davy

 

Extraits du livre

 

Quand il se trouve disposé
à la vraie intériorité,
qu’il laisse hardiment tomber
toute chose extérieure.
 Eckhart

Ose ! Recherche le désert, la solitude.
Renonce d’abord
à la conscience commune
et après, on verra.
Léon Chestov

                                                                                     

" Devant la crise qui ébranle métaphysiques, religions et valeurs, le désert intérieur n’est pas un refuge et n’offre aucun abri : il invite aux métamorphoses ".

" La vocation des hommes nouveaux - dont l’ère s’annonce et a déjà commencé - sera d’être voués au " sanctuaire de l’homme intérieur ". Ces derniers mots appartiennent aux Pères du Désert de Gaza. Tout se poursuit. La nouveauté est que ce " sanctuaire " ne sera plus fréquenté par une très faible minorité choisissant le désert extérieur comme lieu d’élection, mais par un grand nombre vivant parmi la foule tout en se tenant dans le désert du dedans.

 Les ermites extérieurs doivent abandonner leur famille, leur patrie, leur demeure. Les ermites intérieurs sont aussi affrontés à une séparation. Ils s’évadent de l’omnitude, de la conscience commune, des formes sclérosées, des antihumanismes et parfois de certaines formulations religieuses aliénantes.

Les comparaisons claudiquent. On peut toutefois se demander si les exigences du désert intérieur ne sont pas encore plus rigoureuses que celles du désert extérieur.

Quitter famille, amis, lieu de naissance, métier s’effectue en une seule fois, même si le voyageur se tourne vers son passé en le retenant encore dans sa mémoire et dans son cœur. Rompre avec ses habitudes, les divers enseignements qui ont pétri depuis le berceau, se sont mélangés à la chair et au sang ; avoir éprouvé la chaleur grégaire - dilatante pour les faibles - et qui risque de donner bonne conscience, tout cela ne peut se distancer que dans la mesure où loin d’en être comblé on vivait sa faim, cherchant désespérément une porte de sortie donnant accès sur un ailleurs.

La recherche tâtonnante, douloureuse, que nul enseignement donné du dehors n’informait, avait heureusement à sa disposition des lectures : celles des Ecritures sacrées. Encore fallait-il en comprendre le sens. Les Maîtres - appartenant à l’Orient et à l’Occident - répondaient à un besoin d’exotisme pour les uns et de prise en charge pour les autres. Les relations n’étaient pas sans danger.

 Les jeunes générations ignorent combien il a fallu à leurs aînés de courage, d’audace, de souffrances, pour briser les liens avec leur famille, leur milieu social ambiant, les habitudes de penser d’une époque dans laquelle ils s’inséraient. Quel combat sur tous les fronts ! La crainte de se tromper en se séparant d’autrui, le poids des malédictions dont les " repus " dits " spirituels " ne se privent jamais ; les vociférations des meutes cherchant à faire rentrer au bercail l’animal sauvage devenu incapable de supporter une bergerie anesthésiante.

Actuellement les jeunes possèdent à leur disposition des ouvrages se référant à l’intériorité, à la vie du dedans dont témoignent maints auteurs. Les écoles de méditations se multiplient, l’enseignement généralisé du yoga et du zen favorise la vraie recherche. Bien entendu les mélanges foisonnent et nombreux sont les imposteurs. Peu importe. Il y a choix et non pas défrichement comme hier. Et ceux qui appartiennent aux précédentes générations savent combien il leur a fallu de persévérance et de force pour continuer leur démarche au milieu de ce qui leur apparaissait ombres, ruines, abêtissements sordides, propositions édulcorées. Il leur fut nécessaire de se dévêtir des oripeaux qui collaient à leur peau et qui durant longtemps leur servirent de vêtements. Devant eux, une voie : le vide, le renoncement, la vacuité. Le rejet n’était pas nécessaire ; il s’opérait naturellement.

Le christianisme étant institutionnalisé depuis des siècles, il importait non pas de le quitter mais de le redécouvrir dans sa profondeur, en abandonnant ses caricatures qui l’ensevelissaient en le défigurant.

La mort de Dieu avait été annoncée à grand fracas. Comme on pouvait s’y attendre, elle fut suivie par la mort de l’homme. Qu’allions-nous faire sans Dieu et sans homme, sinon attendre la mort du monde et laisser paisiblement enterrer les morts sans avoir le goût de se recueillir sur leurs tombes.

 … Aujourd’hui le salut de l’homme est en jeu, c’est à dire sa santé, son équilibre, sa mesure et sa démesure, son harmonie. Il est impossible d’envisager l’homme coupé de sa profondeur d’origine divine. Comment accepter que la condition humaine ne réponde pas à sa vocation essentielle ? Privé du divin, l’homme est mutilé. Pourrait-on sans folie consentir à l’abolition d’une des ailes d’un oiseau ou à son ankylose ? Incapable de voler, il lui faudrait alors vivre dans une cage et demeurer prisonnier. Tel l’oiseau, l’homme est fait pour la souveraine liberté. Il la conquiert par un au-delà de tout esclavage ; celui de ses sens extérieurs, de son enracinement dans le terrestre. C’est à ce prix qu’il dépasse les familles charnelles, les patries transitoires, tout ce qui appartient au passage et ne saurait faire éclore le mystère dans sa propre splendeur.

Comment provoquer l’animation de la dimension intérieure, découvrir le " royaume du dedans " qui coïncide avec " la beauté de la fille du roi " ? Hier la réponse aurait été simple. Il suffisait de prendre une des voies traditionnelles et de se maintenir dans son sillage. Mais l’homme a évolué. Son exigence est devenue plus subtile. Il s’éprouve dans la nécessité de communier à l’universel, de rencontrer ses frères et de partager un amour identique, une semblable connaissance. Incapable de supporter les divisions, les comparaisons, les divergences, il tend vers l’union incluant les différences sans être séparé par leur présence.

Un seul banquet existe auquel tous les hommes sont conviés, indépendamment de leur origine et de leurs options. Une Déité unique préside à ce festin, son amour éternel s’étend indistinctement sur tous ceux qui s’orientent vers elle avec foi et confiance. Les uns veulent la nommer et comprendre qui elle est ; d’autre, plus sages, préférant au savoir l’expérience, ne tentent jamais de balbutier son nom.

Il n’existe aucune voie commune, rassemblant tous les hommes de bonne volonté, en dehors de l’intériorité. Tel est le chemin le plus court conduisant inexorablement vers son but. Le choisir et le suivre exige d’en subir l’attrait, de pouvoir s’y maintenir contre vents et marées, de se tenir à l’écoute du dedans, sourd aux appels du dehors. Il y aura toujours des donneurs de recettes pour crier " casse-cou " aux audacieux ; des sirènes pour distraire les " aventuriers de l’esprit ". Peu importe ! L’homme séduit par le dedans poursuit inexorablement sa route en sachant que le passage par la solitude, voire l’isolement, précède la communion. Qu’il devra cheminer seul avant de rencontrer ses frères, se libérer des fausses notions dont il a été parfois imbibé et pétri pendant son adolescence et sa jeunesse. Il lui faut devenir un homme neuf, choisissant une nouveauté de vie.

Cette nouveauté de vie ne survient qu’après un ultime détachement de tout ce qui encombre et qu’on a pu durant longtemps supposer nécessaire. Dans ce mouvement essentiellement dynamique, aucune tradition n’est récusée, aucune religion écartée. Traditions et religions sont épurées des divers revêtements imputables à l’Histoire. Elles deviennent d’autant plus vivantes, qu’elles sont enfin dégagées du fatras qui les encombrait et rebutait les hommes épris d’Absolu et d’authenticité. Privées de leur gangue, elles libèrent enfin leurs parcelles d’or.

De même l’homme est appelé à se débarrasser de son plomb, de sa finitude, de son pseudo-savoir, de ses fausses croyances, des superstitions auxquelles il a prêté foi. Tout doit être revu, purifié. Il lui faut pénétrer dans le creuset alchimique d’où surgira le grand oeuvre : l’apparition de l’étincelle divine.

Mystérieux, ce creuset symbolise moins un lieu qu’un état. Il inaugure un passage du dehors au dedans, du chaos à l’ordonnance, de l’esclavage à la liberté. Terrain de formation, sur lequel chacun se doit de tracer lui-même sa piste, il ne peut être abordé que par ceux qui consentent au dénuement, à la nudité, au vide, au détachement suprême à l’égard de soi-même. Seul l’homme privé de tout bagage dans ses mains, de tout savoir et souvenir dans sa tête, de toute possession intellectuelle en passera le seuil. Ne pourra s’y mouvoir que celui qui préfère l’essence à l’existence, la contemplation à l’action, l’éternité au temps, l’absolu au relatif, le sens intérieur à la littéralité, le silence à la parole ou à l’écriture. N’y sera indigène, que l’amoureux de la lumière ou de la ténèbre obscure par excès de clarté ; l’amant du feu qui consume et consomme les scories ; l’imitateur du papillon qui, tremblant de joie, se jette soudain dans la flamme brûlante.

Quel est donc ce lieu d’élection dans lequel amour et connaissance se jumellent, où le détachement fleurit en expérience, faisant franchir la Porte d’or donnant accès au " Verger des Mystères " ?

Il porte un nom : il s’appelle désert.

Désert ! Terme fascinant pour ceux qui possèdent le goût de l’alliance, de la montagne des révélations, de la parole reçue dans le cœur, des éternelles fiançailles dont le cœur est avide. Peu importe le passage par la " terre aride et ravinée, de sécheresse et de ténèbres " , les tentations qu’il faudra surmonter, la solitude, voire la déréliction. Un jour arrivera où " l’eau jaillira dans la steppe inculte, où la terre sèche deviendra un étang, où le pays de la soif se changera en sources " .

 " La source a soif d’être bue ", disait Irénée de Lyon. La terre de feu, le désert intériorisé brûle d’allumer la mèche des " lampes vivantes " qui, laissant filtrer la lumière, pourront éclairer leurs frères: les hommes, les animaux, les plantes, les pierres.

Sur la terre transfigurée, les passants verront la clarté dansante des " lampes vivantes " qu’ils prendront pour les étoiles d’un nouveau firmament :

" Je vis un nouveau ciel,
et une terre nouvelle. "



Ciel et Terre annoncent une nouvelle Alliance. Celle-ci est vécue par les " pneumatikoï ".

Quant à ceux qui ne participent pas encore à la plénitude de l’Esprit, qu’ils s’orientent avec une inaltérable confiance vers la Réalité ultime. De toute manière, de près ou de loin, ils seront les bénéficiaires du rayonnement de son illumination.

 A l’égard d’une option pour le voyage intérieur, donnant accès au désert du dedans, il est seulement possible de décrire un parcours, tenter de déchiffrer un enseignement. Le désert ne serait plus le désert si on dévoilait son mystère.

L’homme vivant dans la nuit et la lumière du désert s’écrie comme le prophète : " Ah ! Ah ! nescio loqui ! ". Qui pourrait parler et préciser ce qui est vu sans vision, entendu sans voix. L’oreille s’ouvre au silence et le regard y plonge lorsque les images et symboles se retirent pour faire place au surgissement de la Réalité pure. A cet instant, le mutisme naît de l’émerveillement.

… L’homme traverse son propre désert pour découvrir son fond mystérieux dont la beauté le remplit d’allégresse. Il oublie les perturbations de son long et périlleux voyage pour ne retenir que la jubilation qui l’envahit dès qu’il découvre sa propre source. Il comprend que le désert n’est rien d’autre que le passage par la mort donnant accès à une nouvelle naissance. Le désert intériorisé est Genèse.

Certains lecteurs de ces pages risquent de s’irriter devant ce qu’ils appelleront - à tort - un certain optimisme plus ou moins volontairement exprimé. En effet, une telle confiance peut sembler de mauvais goût lorsqu’elle est présentée en une période où tout se dégrade. Il s’agit moins d’un optimisme que de la conscience d’un déluge dévastateur sur tous les continents. Ce qui est proposé est une " arche " et cette arche est constituée par le " sanctuaire intérieur " dans lequel l’homme est invité à pénétrer et que le désert intérieur symbolise.

Si on tenait à parler d’optimisme, il faudrait dire que son fumier ou son engrais ont été pétris de nausée et d’angoisse. La nausée des caricatures mensongères, l’angoisse de l’extrême solitude : celle du navigateur esseulé pris dans d’incessantes tempêtes avant que la mer devienne calme et brillante de clarté.

A certains instants de notre existence, qui de nous n’a pas souhaité se retirer durant quelques jours, mois ou années " dans le désert, dans une auberge de voyageurs " ? A ce propos André Neher dira : " Où est cette auberge dans le désert, qui ne tient pas registre de ses hôtes...? Aucune route n’y conduit, elle n’est marquée dans aucun guide...Et pourtant, c’est en ce lieu dépouillé de toute localisation, en ce gîte dépourvu de tout habitat, en cette demeure privée de tout séjour, qu’est la résidence de Dieu. "

De même, Gurnemanz l’annonce à l’acte premier du Parsifal de Richard Wagner :

" Dire le Graal est vain,
vers lui ne s’ouvre aucun sentier,
et nul ne peut trouver la route
qu’il n’ait lui-même dirigé son chemin. "

Pour découvrir l’auberge qui respecte l’anonymat de ses hôtes, prendre à son compte la parole de feu, prononcée par Henri Le Saux : " J’ai découvert le Graal ", il n’existe pas de voie, de système, de technique. Aucun dogmatisme rassurant n’y conduit. "

Atteindre le désert intérieur exige d'opérer une percée à travers mille et une épaisseurs, dans des blocs de granit ou de béton. "Ma Parole - dira l'Eternel à Jérémie - comme un marteau fait voler en éclats les rochers". Sable mouvant d'une plage désertique, que le vent impétueux ou la brise légère soulève et transporte. A peine la béance ouverte, elle tend à se combler. Ce qui signifie que durant cette longue marche, il est impossible de s'assoupir car tout est perpétuellement à recommencer. La rigueur, on pourrait dire, l'extrême rigueur accompagne la longue quête.

… On pourrait dire avec simplicité que le désert intérieur n’est pas un refuge pour les inadaptés, les individus mal dans leur peau. Il ne constitue pas une retraite offerte aux pusillanimes. Certes, il est arche dans ce déluge qui nous inonde. Il apparaît surtout semblable à une chambre secrète où les sens nouveaux naissent. Afin d’y parvenir et de pouvoir accueillir la plénitude d’une nouveauté de vie, il importe de se débarrasser de nos habitudes, de nos tabous, de nos jugements de valeurs, de nous libérer de ce qu’on nous a appris durant notre enfance et notre adolescence.

Le passé n’est pas méprisé, il convient seulement de le libérer de son opacité, en sachant que tout est mouvement, dynamisme, éclosion. Il nous faut avoir l’audace d’appartenir à notre époque et de nous y insérer. L’option pour l’intériorité ne se présente pas au détriment de l’extériorité. Toutefois, il est évident qu’une remise en question bouscule des formulations, des adhésions prises au sein d’une conscience commune.

…Que l’approche du désert intérieur soit difficile, on ne saurait le nier. Qu’elle soit périlleuse, il faut bien en convenir.

 …Il faut le savoir : ou l’homme deviendra un robot situé au-dessous de l’animal ou il lui est encore possible d’acquérir un nouveau type de conscience. Le désert intérieur désigne le laboratoire où s’opère cette mutation. (...) Actuellement, le désert intérieur est comparable à une île habitée par quelques insulaires. Demain elle sera un continent devenant de plus en plus vaste.

Le désert intérieur est purification, ascèse à l’égard d’un enseignement millénaire. Qu’on le refuse, alors tout succombera. (...) le monde entier bascule, il apparaît en péril de mort. Il risque d’être livré aux forces nucléaires maniées par des hommes devenus fous parce que privés de leur dimension divine qui seule peut engendrer l’amour.

Invincible est l’élan vers l’intériorité : il vaincra.

Marie-Madeleine Davy
Editions Albin Michel
Paris 1985

Sources Le Qasar

 Posté par Adriana Evangelizt

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