Chapitres extraits des Oeuvres complètes de Volney
Recherches Nouvelles sur l'histoire ancienne
Tome I
1821
par Constantin François Volney
CHAPITRE XV
Chapitres extraits des Oeuvres complètes de Volney
Recherches Nouvelles sur l'histoire ancienne
Tome I
1821
par Constantin François Volney
CHAPITRE XV
Des personnages antédiluviens 1
10 - Du personnage appelé Abraham 2
9 - Du personnage appelé Abraham 1
8 - De la tour de Babel
7 - Examen de la Genèse en particulier 2
6 - Examen de la Genèse en particulier1
5 Suite de "Problèmes cités par l'époque citée"
4 Problèmes résolus par l'époque citée
2 - Epoque de l'apparition du Pentateuque
1 - Des temps antérieurs à Moïse
CES ANALOGIES que nous avons vues se suivre depuis le déluge, se continuent au delà, et remontent jusqu’à l’origine première, dite la création. Les anciens auteurs, chrétiens en ont tous fait la remarque, en se plaignant d’ailleurs de l’altération, c’est-à-dire de la différence des noms et des âges que les livres chaldéens donnent aux personnages antédiluviens appelés par nous patriarches, et rois par les Chaldéens. Le Syncelle(1) nous a rendu le service d’en conserver la liste, copiée d’Alexandre Polyhistor ou d’Abydène, copistes eux-mêmes de Bérose.
Patriarches antédiluviens selon la Genèse
|
| Rois chaldéens antédiluviens selon Bérose
| |||
Noms
| Âges en années
|
| Noms
| Âges en sares
| En années
|
Adam
| 930
|
| Alor
| 10
| 36 000
|
Seth
| 912
|
| Alaspar
| 3
| 10 800
|
Énos
| 905
|
| Amélon
| 13
| 46 800
|
Kaïnan
| 910
|
| Aménon
| 12
| 43 200
|
Mahlaléel
| 862
|
| Metalar
| 18
| 64 800
|
Iared
| 895
|
| Daôn
| 10
| 36 000
|
Énoch
| 365
|
| Evedorach
| 18
| 64 800
|
Mathusala
| 969
|
| Amphis
| 10
| 36 000
|
Lamech
| 777
|
| Otiartes
| 8
| 28 800
|
Noé
| 950
|
| Xisuthrus
| 18
| 64 800
|
|
|
| Total
| 120
|
|
Voilà les prétendus rois que les Chaldéens disaient avoir régi le monde pendant 120 sares, équivalant à 432.000 ans. Ce calcul seul nous montre qu'il s’agit ici d’êtres astronomiques ou astrologiques ; et le Syncelle lui-même nous en avertit, lorsque, page 17, il dit que les Égyptiens, les Chaldéens et les Phéniciens se donnent une antiquité extravagante ; au moyen de certaines supputations astrologiques. L’Arménien Moïse de Chorène, environ 300 ans avant le Syncelle, avait fait les mêmes remarques. L’origine du monde, dit-il (chap. 3), n’est pas exposée par nos saints livres, de la même manière que par les historiens ; j’entends le très savant Bérose et Abydène ; dans, Abydène, les chefs de famille diffèrent quant au temps et aux noms (mais non quant au nombre qui est également de 10). Ces auteurs présentent même le chef du genre humain, Adam, sous un autre caractère que
On voit que les Chaldéens nous ont donné une sorte de logogriphe à résoudre ; il ne faut pas s’étonner s’il a été mal compris de beaucoup d’auteurs anciens et même modernes, puisque sa solution exige la connaissance d’une doctrine astrologique assez compliquée, et qui, longtemps tenue secrète, a été trop négligée depuis qu’elle a perdu son empire. Pour donner quelques idées claires sur cette énigme, il faut les reprendre à leur origine.
Lorsque l’expérience eut fait connaître aux anciens peuples agricoles, les rapports intimes qui se trouvent entre la production des substances terrestres et la marche du soleil dans le cercle céleste, un premier système astronomique et physique fut organisé, conforme aux besoins de l'agriculture, et aux phénomènes des corps célestes les plus remarquables : Ce système, inculqué dans tous les esprits, par l’éducation civile et religieuse, et par l’habitude, devint la base de tous les raisonnements, le type de toutes les hypothèses qui firent naître ensuite des idées plus étendues. Le grand cercle céleste avait été divisé en douze maisons (les douze signes du zodiaque), d’après les lunes qui se montraient tandis que le soleil le parcourait ; chacune de ces maisons était subdivisée en 30 parties (ou degrés), d’après les jours de chaque lune. Les étoiles, individuellement et en groupes, avaient reçu des noms tirés des opérations de l’homme ou de la nature pendant la révolution solaire ; et le ciel astronomique était devenu comme un miroir de réflexion de ce qui se passait sur la terre. Cet ordre de choses, si intéressant pour le peuple, en fut d’abord bien compris ; mais par le laps du temps plusieurs causes introduisirent dans les idées une confusion qui eut des suites à la fois ridicules et graves. Une classe d'hommes, livrés spécialement à l’observation des astres, était parvenue à découvrir le mécanisme des éclipses, à en prédire les retours. Le peuple, frappé d’étonnement de cette faculté de prédire, imagina qu’elle était un don divin qui pouvait s’étendre à tout : d’une part, la curiosité crédule et inquiète, qui sans cesse veut connaître l’avenir ; d’autre part, la cupidité astucieuse, qui sans cesse veut augmenter ses jouissances et ses possessions, agissant de concert, il en résulta un art méthodique de tromperie et de charlatanisme que l’on a appelé astrologie, c’est-à-dire, l’art de prédire tous les événements de la vie par l’inspection des astres et par la connaissance de leurs influences et de leurs aspects. La véritable astronomie étant la base de cet art, ses difficultés le restreignirent à un petit nombre d’initiés, qui, sous les divers noms de voyants, de devins, de prophètes, de magiciens, devinrent une corporation sacerdotale très puissante chez tous les peuples de l’antiquité. Quant aux influences des corps célestes, leur préjugé dut sa naissance aux premiers observateurs, qui, remarquant un rapport habituel entre le lever et le coucher de tel astre, avec l’apparition de tel phénomène ou de telle substance terrestre, supposèrent une action secrète de cet astre, par un fluide subtil, tel que l'air, la lumière ou l’éther. Ce préjugé devint le grand levier de toute l’astrologie ; les astres étant censés les moteurs et régulateurs de tout ce qui arrive dans le monde, le mortel qui connut leurs lois, put tout connaître, et par conséquent tout prédire.
Ces lois semblèrent d’abord assez simples, parce que l’on crut que le ciel avait un état fixe, comme il semble au premier aspect. Mais lorsque des observations séculaires eurent montré des changements considérables dans le premier ordre arrangé, il fallut inventer de nouvelles théories, que les progrès des sciences mathématiques rendirent plus savantes et plus compliquées.
La suite... Des personnages antédiluviens 2
Notes
1 Annus, annulus. En arabe, aïn désigne le rond de l’œil, le rond du soleil, le rond d’une fontaine.
Posté par Adriana Evangelizt