La Maçonnerie
considérée comme le résultat
des religions Egyptienne, Juive et Chrétienne
par le Fr.°. Reghellini de Shio
1842
"Il existe au fond de nos coeurs un désir insatiable de connaître la vérité"
3ème partie
Les auteurs anciens paraissent confondre les noms des divinités égyptiennes et romaines ; nous verrons même qu'on a confondu le culte de Sérapis avec celui de Jésus-Christ, et que les allégories subirent les mêmes éventualités. Quelquefois Apulée nomme Isis Cybèle, et dans d'autres circonstances Minerve, Vénus, Diane , Proserpine, Gérés, Junon, Bellone, Hécate et Rhamnusia, ce qui donne lieu de l'appeler Myrionyme ou la déesse à dix mille noms. Voici comme s'explique cet auteur ; il fait parler Isis : « Je suis la Nature, mère de toutes choses, maîtresse des élémens, le commencement des siècles, la souveraine des Dieux, la première de nature céleste, la face uniforme des Dieux et des Déesses; c'est moi qui gouverne la multitude lumineuse des cieux, les vents salutaires des mers, le silence lugubre des enfers; ma divinité unique, mais à plusieurs formes, est honorée avec différentes cérémonies et sous différens noms. Les Phrygiens m'appellent la Pessinontienne, mère des Dieux ; les Athéniens, Minerve-Cecropienne ; ceux de Chypre , Vénus - Paphiane ; ceux de Crète, Diane-Dyctinne ; les Siciliens, qui parlent trois langues, Proserpine Stygiane ; les . Eleusiniens, l'ancienne Déesse Cérès ; d'autres Junon ; d'autres Bellone ; quelques - uns Hécate ; il y en a aussi qui m'appellent Rhamnusia. Les Ethiopiens, les Orientaux, les Ariens et ceux qui sont instruits de l'ancienne doctrine , je veux dire les Egyptiens, m'honorent avec des cérémonies, qui me sont propres, et m'appellent de mon véritable nom, la Reine Isis. »
Un marbre qu'on a trouvé à Capoue, avec une inscription rapportée par Montfaucon, t. II, la qualifie ainsi : « Déesse Isis, qui êtes une et toute choses, » Arrius Babinus vous fait ce vœu. »
Cette inscription démontre que les Romains, qui étaient initiés aux doctrines égyptiennes, regardaient cette Déesse comme l'emblème de l'unité de Dieu et de l'Univers.
Les prêtres égyptiens tenaient toujours occupés leurs néophytes par différens emblèmes et par les allégories des trois vérités , qui étaient le fondement de leurs mystères, et qui rappelaient les effets éternels et successifs de la nature universelle :
1° Que tout est formé par la génération;
2.° Que la destruction suit la génération dans toutes ses œuvres;
3.° Que la régénération rétablit sous d'autres formes les effets de la destruction.
Selon la doctrine la plus généralement adoptée chez les Chinois, que l'on croit le peuple le plus ancien du globe, l'homme est composé de divers élémens, dont la séparation a lieu par la mort, et dont chacun rejoint la masse universelle (Leibnitz, OEuv. IV, 206). Le sacerdoce n'inventa rien, il a su profiter de ce qui a toujours existé, il a trouvé dans la nature le germe de toutes les doctrines et de toutes les religions qu'il a établies en se prévalant de la faiblesse du coeur de l'homme. Le sacerdoce n'a donc fait que diriger plus tôt un développement moral qu'un autre.
Les doctrines dont je viens de parler, se conservent encore aujourd'hui dans nos institutions et nos dogmes, et elles sont expliquées aux Frères par les Vénérables, instruits des sciences anciennes et qui savent les adapter aux circonstances.
Le Frère Delaunay, dans son Tuileur de l'Écossisme ancien et accepté, donne un savant extrait du système de la génération universelle des êtres, suivant la doctrine symbolique des anciens. On ne saurait assez consulter cet écrit.
Les doctrines de la génération, de la destruction et de la régénération se manifestent clairement dans le 3e grade de la Maçonnerie universelle, dans les mots sacrés M.'. B.'. qui, vulgairement, sont traduites par « la chair quitte l'os », quand littéralement ces mots signifient produit de la putréfaction ; ce qui donne l'idée de la condition nécessaire au développement d'autres êtres et aux principes des nouvelles existences.
Les mêmes doctrines allégoriques se manifestent dans les emblèmes du Maître parfait et dans ceux du Chevalier du Soleil ; le cercle explique la succession éternelle des êtres alimentée par la mort et la vie ; et le carré se rapporte aux quatre élémens qui détruisent et régénèrent les êtres et qui produisent les nouveaux placés au centre du cercle, reproduisant ainsi tout autre être végétal et animal.
De semblables doctrines se trouvent dans le catéchisme de R.'. R.'.+.'.+.'. de Kilwining, et y sont bien faciles à apercevoir, si l'on fait attention aux trois points majeurs qui se trouvent dans ces branches d'instruction :
1.° la Création du Monde;
2.° le Déluge;
3.° la Rédemption du genre humain.
L'introduction de ces événemens se rapporte aux allégories égyptiennes de la génération, de la destruction et de la régénération.
Ces mêmes doctrines se trouvent développées dans les instructions d'une quantité d'autres R.'. R.'.+.'.+.'. , et par les lettres initiales I.'.N..'..R.'.!..'. qui dans tous les rites ont une seule explication; malgré cela, dans plusieurs rites, on leur en donne une seconde, relative au but et à la destination du rite en sa spécialité ; comme dans le rite qui s'occupe des sciences occultes et hermétiques, ces initiales sont adaptées aux quatre élémens Iamin, Nour, Rouach, Iebeschal, qui signifient l'eau, le feu, le vent, la terre ; et dans le rite qui s'occupe de la chimie ces mêmes initiales sont interprétées par Igne Nitrum Roris Invenitur, où on les explique par un autre aphorisme Igne Natura Renovatur Integra.
L'élément du feu joue un grand rôle chez les Israélites ; dans la Sainte Écriture il descend du ciel pour consumer l'holocauste d'Abel, ensuite pour consumer celui d'Abraham ; il brûle Sodôme et Gomorrhe ; après il descend du ciel dans le buisson, qui brûle sans se consumer. Un tel miracle annonce la vocation de Moïse pour chef du peuple de Dieu, et le destine à le délivrer de l'esclavage. (Exode, ch. 3.) Ce feu descend encore pour consumer le sacrifice d'Aaron ; ce feu sacré seul devait servir à allumer les encensoirs qui devaient brûler en l'honneur du Grand-Jéhovah. Nabab et Abiu , fils d'Aaron et prêtres, s'étant servis d'un autre feu profane, furent dévorés par le feu qui sortit soudain de l'autel des parfums. ( Lévït. X , v. 8 , 9.) Le feu descend du ciel à la dédicace du temple de Salomon, et après à celle du second temple bâti par Zorobabel. D'après les règlemens de Moïse, on devait veiller à la conservation du feu sacré(12), comme il était pratiqué par les prêtres de Mythra , et qu'il le fut ensuite par les vestales.
L'élément de l'eau détruit le genre humain par le déluge ; l'eau submerge les Egyptiens, et fait place aux Israélites dans leur passage de la Mer Rouge. Les élémens de l'air et de la terre figurent souvent dans la Bible : nous invitons les curieux à lire les Catéchismes des sept Ordres de la Royale- Arche , à l'usage de la Loge de Baltimore ; ils y trouveront tous les passages de la Bible, et une infinité d'autres auteurs que nous laissons par brièveté.
Dans l'Allemagne et l'Italie , les F.°.F.°., admis jadis au degré de R.'. R.'.+.'.+.'. , ont toujours porté au doigtun anneau, soit en or, soit en argent, sur lequel éaient gravés les initiales I.°.A.°.A.°.T.°., Ignis , Aer, Aqua, Terra ; ils entendaient, par un tel mémento , référer leurs doctrines aux trois vérités enseignées par les prêtres égyptiens. Des doctrines pareilles passèrent des Egyptiens aux Grecs ; on trouve que le philosophe Empedocle attribuait tous les mystères de la nature aux quatre élémens ; même il les a divinisés, en démontrant qu'ils étaient révérés par bien des nations sous différentes formes.
Les mêmes doctrines se trouvent aussi dans le Gr.°. Ecc.°. Quatre de ces signes portent les noms des quatre élémens, et le mot de passe (13) se réfère aux quatre anges qui, dans la Bible , président aux élémens : Asdurel, Casmaran, Tarliud , Furlac. Le premier préside au feu , le second à l'air, le troisième à l'eau , et le quatrième à la terre.
Ces mêmes doctrines nous les verrons aussi dans la haute Maç.°.égyptienne, et elles rappellent entièrement lesdites vérités.
On est forcé de reconnaître que les doctrines que l'on suit de nos jours dans nos temples philosophiques, tirent leur origine des mystères et des doctrines égyptiennes : nous en conservons toutes les traces dans nos réceptions, initiations, et dans certains Ordres.
Nous prévenons nos Frères que lorsque nous parlerons, dans la suite, des dogmes égyptiens, de leurs mystères , de ceux de Moïse , de Zoroastre et de Jésus Christ, ce n'est pas dans l'intention de donner, en aucune manière, notre opinion personnelle , et encore moins celle de notre Ordre : tout Frère, quelque peu instruit qu'il soit, sait que la Maçonnerie reçoit indistinctement dans son giron tout honnête citoyen, tout sujet dévoué à son gouvernement et aux lois de sa patrie, quelle que soit, d'ailleurs, la religion à laquelle il appartient, la tolérance universelle pour les opinions religieuses étant une des bases de notre doctrine.
Nous serons obligés d'entrer de temps à autre dans ces considérations, pour éclaircir les doctrines anciennes de notre dogme, qui ont tiré leur origine de celles des Egyptiens, introduites après chez les Israélites. C'est par cette raison que nous nous permettrons d'en faire des tableaux comparatifs avec nos mystères et paroles sacrés ; toutes ces digressions sont nécessaires pour expliquer plausiblement notre dogme, notre histoire , pour mettre en évidence les calomnies débitées de nos jours contre les doctrines maçonniques, et pour démontrer notre thème ; elles serviront aussi à détruire toutes les insinuations sourdes jetées contre les Chevaliers Templiers lors de leur destruction ; d'autant plus que, d'après plusieurs savans, c'est à ces Chevaliers qu'on devrait l'introduction , en Europe, de la Maçonnerie.
Dans cet aperçu, on trouvera aussi des faits historiques qui, pris isolément, pourraient paraître oiseux et étrangers à la matière : nous prions nos Frères de suivre avec attention notre plan, et nous espérons qu'ils nous accorderont que toutes ces choses devenaient nécessaires à son développement. Nous déclarons aussi qu'il est impossible de constater tous les faits que nous introduirons par l'histoire. Chacun sait que l'Europe eut des siècles de ténèbres, et que les historiens les plus accrédités, en parlant de notre matière, allèrent en tâtonnant, privés de guides sûrs. Néanmoins, nous ne dirons rien que l'histoire puisse contredire. Il est notoire aussi que les motifs historiques qui, à différentes époques, établirent la chaîne de nos grades et de nos différens rites, sont encore dans l'obscurité ; ce qui fait que des Frères intelligens, admis aux grades et Ordres les plus éminens, n'ayant pu obtenir un précis historique clair, ni les instructions nécessaires, les regardent comme des choses indifférentes et même qui choquent leur raison.
Les mystères du jour, image des anciens, conservent encore leur loi orale, qui en faisait et en fait toute la science, et cette partie la plus sacrée n'a jamais été écrite ; ainsi, n'étant pas communiquée à tous les accolytes. il se trouve des Frères qui se récrient contre l'institution même qu'ils ne connaissent aucunement.
C'est aussi avec crainte que nous nous sommes livré à un travail dans une langue qui nous est étrangère : nous espérons que nos efforts exciteront l'émulation des hommes lettrés qui sont admis dans notre Ordre; aidés des recherches par nous puisées dans une foule d'ouvrages imprimés et dans des manuscrits maçonniques , ils pourront développer nos idées et déchirer le voile ténébreux qui couvre notre histoire, des premiers temps du christianisme jusqu'au XIIe siècle.
On a beaucoup écrit sur la Maçonnerie ; mais jusqu'à présent aucun écrivain n'a cherché à rattacher l'histoire de cet Ordre à celle des opinions théosophiques et de l'esprit humain. Le champ est vaste ; nous ne nous engageons pas à écrire tout ce qu'on pourrait dire de la Maçonnerie, mais nous chercherons, s'il est possible , à mettre en évidence qu'elle est une société religieuse dont firent partie les premiers chrétiens, et qu'elle existait avant même le christianisme. En conséquence, nous nous sommes appuyé sur la Bible , sur les Evangiles et l'Apocalypse , dont une quantité de mystères, paroles et emblèmes s'allient avec les nôtres.
D'autre part, on sera obligé de rapporter les sentimens des critiques de la Bible, de l'Evangile, de l'Apocalypse , et plus particulièrement de l'Ancien-Testament ; ils le regardent comme un livre écrit dans l'esprit de parti pour flatter la seule nation juive, et prétendent qu'il est en contradiction avec les histoires contemporaines, et inexact dans les faits qu'il rapporte (14), ne le considérant que comme un livre mystérieux. Ils s'appuient même de saint Augustin , qui , dans son ouvrage de Gen. contra Manicheos , liv. I , ch. i , dit qu'il n'y a pas moyen de conserver le vrai sens des trois premiers chapitres de la Genèse, sans attribuer à Dieu des choses indignes de lui, et qu'il faut avoir recours à l'allégorie, si on veut expliquer le sens littéral ; ces critiques disent encore qu'on n'aura jamais une leçon de vérité dans la conduite d'Abraham en Egypte, ni de générosité dans les guerres de Josué, et encore moins un exemple de pudeur, si l'on s'en rapporte aux histoires de Loth, de David et de Salomon.
Pour nous, nous regardons la Bible comme un écrit contenant des élémens excellens, et qui, sous certains rapports, se rattachent à la civilisation politique et religieuse du siècle.
Notes
(12) Lëfitique, ch. VI, v. 12 , et au v. 13 : « On tiendra le feu continuellement allumé sur l'autel, et on ne le laissera point éteindre. » En Egypte, en Perse, à Rome comme à Jérusalem > le feu sacré était perpétuel.
(13) Le mot de passe, c'est-à-dire, le mot qu'on est obligé de dire même pour être introduit en loge et pour passer ; c'est un terme de convention.
(14) Voici les noms des critiques qui ont regardé la Bible comme un œuvre controuvé, ou qui attaquent les Evangiles et l'Apocalypse :
Alembert (d'), Hobbes, Argens (marquis d'), Mercier, Bayle, Messier, Boulanger, Mettrie (La), Condorcet (Carli), Mirabeau, Diderot (Dupuis), Montesquieu, Freret, Morel (l'abbé), Harpe (La), Payne, Helvetius, Prades (l'abbé de), Raynal (l'abbé), Saint-Evremont, Schussembourg, commenté par Bolyngbroke, Spinosa, Voltaire, Waston, Yvon (l'abbé), etc. etc.
A suivre...
Posté par Adriana Evangelizt