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24 juin 2007 7 24 /06 /juin /2007 02:11

 

 

Confiteor

 

par Bernard Besret

 


 

Par sa conscience, l’homme est à cheval entre deux mondes. D’un côté il est lié au morcellement de l’espace et au déroulement du temps. Il participe de l’éphémère dans lequel il est inséré. Mais de l’autre, il a la capacité de le dépasser, de penser en catégories d’ailleurs, de passé, de futur. Il parvient même, c’est du moins ma conviction, en certains moments privilégiés de sa vie, à élargir sa conscience à la perception de l’univers dans sa globalité, comme s’il participait alors, même de façon modeste et timide, à la vision que Dieu a du monde.

Cette conscience de la transcendance, loin de dévaloriser celle de l’éphémère, lui confère au contraire une importance et une valeur d’éternité. Chaque instant vécu est le moment, chaque être croisé est le lieu d’un rendez-vous avec le Réel qui les transcende mais que chacun exprime à sa manière. Ils sont donc éminemment précieux. D’autre part, tout instant du temps étant co-actuel à l’instant éternel de Dieu, tout acte que Je pose, toute parole que je profère, toute pensée que j’émets qui ne laissent qu’une trace éphémère dans ma mémoire et à fortiori dans celle des autres hommes, imprime une marque éternelle dans la conscience que Dieu en a. A chaque instant je sécrète donc de l’information éternelle.

Le point Oméga de l’humanité avec Dieu n’est donc pas situé en avant de nous, en un moment mythique du futur. Il est co-actuel à chaque instant que nous vivons et se déplace comme un curseur sur la ligne du temps. L’idée que l’humanité tend par le progrès vers son achèvement ultime, qu’elle y travaille par la recherche scientifique et technique, par l’élaboration d’une civilisation de la communication, loin de valoriser le travail de l’homme me semble au contraire en dévaloriser tous les moments. En privilégiant un hypothétique point du futur, elle inhibe la conscience que nous pouvons prendre du verso éternel du chaque instant de notre vie.

C’est en effet à chaque instant et en chaque homme, quelle que soit l’évolution de la civilisation à laquelle il appartient, que l’humanité débouche sur l’éternité de Dieu. C’est ce que j’entends lorsque Jésus déclare : Il n ’y a rien de caché qui ne devienne manifeste, ni rien de secret qui ne doive être connu et venir au grand jour (Lc 8, 17). De même que tous nos cheveux sont comptés, de même tous nos sentiments, toutes nos pensées, toutes nos paroles, tous nos actes, sont inscrits à l’encre indélébile dans le livre de vie qui n’est autre que la conscience éternelle que Dieu a du monde.

La substance vidée

Revenons maintenant aux modalités quotidiennes de notre vie sociale. Nous sommes sollicités de toutes parts et la pression s’est encore accentuée sur chacun d’entre nous depuis que par le biais des médias la planète entière est devenue notre entourage et que notre prochain a pris le visage de multitudes innombrables. Nous risquons vite d’y épuiser nos énergies et d’être vidés de notre substance (cela me rappelle un dessin humoristique de Sempé dont tous les personnages, dans les rues de la ville ou les étages des immeubles, se saluaient les uns les autres en se plaignant d’être crevés ! Être crevé semble en effet devenir la condition universelle de l’homme contemporain). Mais que vaut la parole d’un crevé ? Que vaut l’action d’un crevé ? Où trouveront leur puissance et leur signification la parole de celui qui parle et l’action de celui qui agit, sinon dans son intériorité ? Sinon dans sa relation roboratrice à la Source qui lui donne d’être, de vivre et de devenir ?

In ipso enim vivimus, et movemur et sumus (Actes. 17,28). Plus je me ressource et mieux je puis agir. L’un n’est pas le contraire de l’autre mais bien sa condition.

Or je n’ai de lieu et de moment pour me brancher sur le Réel qui me fonde qu’ici et maintenant, selon l’expression commune aux spirituels de toutes les traditions. Je ne dois surtout pas m’évader de l’instant présent car il est ma seule prise sur l’au-delà du temps. Ma capacité à atteindre la Transcendance est donc à la mesure même de la qualité de ma présence dans l’espace et le temps. Autrement dit, à la mesure de mon incarnation.

L’inverse est également vrai. Je ne contribuerai à métamorphoser le monde et les êtres qui m’entourent, à leur apporter lumière et vie que si je suis moi-même habité par une lumière et une vie qui puisent leur force génératrice à la source de toute lumière et de toute vie. En toi est la source de vie par ta lumière nous verrons la lumière (Ps 38, 10)

L’action et la contemplation, loin d’être deux sœurs ennemies, s’appellent l’une l’autre pour se féconder mutuellement. Le dehors n’est pas le contraire du dedans. Il en est le verso. Plus le dedans s’ouvre sur la transcendance, mieux le dehors peut se développer à la dimension du monde sans risquer de s’y disperser et de s’y épuiser.

Au sens strict, Dieu est la seule source d’énergie absolument inépuisable puisqu’elle n’a pas même besoin de se renouveler. Celui qui sait y puiser sa force intérieur ne s’épuisera jamais.

Il pourra être économe en gestes et en paroles car son geste et sa parole seront éminemment signifiants et efficaces.

C’est l’histoire bouddhiste du gros chat qui, sans bouger, par sa seule présence, éloigne les souris à plusieurs lieues à la ronde ! Il ne sert à rien de crier ou de s’agiter pour être efficace. Comme le pensait Maître Eckhart et comme aimait à le rappeler Raymond Abellio, ce ne sont pas nos actes qui nous sanctifient, c’est nous qui sanctifions nos actes. C’est donc en dernière analyse la qualité de notre être qui leur confère leur valeur et non l’inverse.

Ma méditation revient inlassablement à son point de départ : la conviction métaphysique que le monde tel que nous le connaissons en appelle à un Dieu qui le crée, non pas en un hypothétique instant zéro de son histoire, mais bien tout au long et en tout instant de sa durée, c’est à dire en ce moment même où j’écris ces lignes autant qu’en tout autre et que par conséquent tout être mais aussi tout acte et tout événement n’existent l’espace et dans le temps que parce que Dieu les pose dans l’existence. C’est le mystère de la création.

Je n’aurai pas trop de ma vie entière pour en scruter tous les arcanes. Ils contiennent en germe une sorte de mythe de l’incarnation puisque tout phénomène que nous percevons est, du fait même de son existence, une manifestation de Dieu, un signe qu’il nous donne, une parole qu’il nous adresse.

L’univers créé est le véritable livre de la révélation. Comme tout langage, il nous voile et à la fois nous dévoile sa signification. Il nous voile et nous dévoile le Créateur. Il nous le voile, car si tout, dans l’univers créé, nous parle de lui, rien ne peut être purement et simplement identifié à lui. Dieu reste irrémédiablement au-delà des portes de la perception. Le monde nous le dévoile cependant, parce qu’à travers le visible, nous pressentons l’invisible qui le fonde, per visibilia ad invisibilia (Logion 3).

Pour le meilleur ou pour le pire, notre destin spirituel ne se joue nulle part ailleurs qu’en nous-même. Il ne se joue pas dans l’appartenance à une caste, un peuple, une secte, une chapelle ou une Église. Nous ne pouvons pas nous en démettre sur quelqu’un d’autre. Il se joue en chacun de nous. Hors de soi, point de salut ! Tout au plus pouvons-nous trouver des amis ou des précurseurs qui, en éclaireurs, nous font part de leur expérience. A nous d’en tirer parti, avec discernement.

Dans "l’Évangile selon Mathieu", Jésus ne dit pas autre chose : Pour vous, ne vous faites pas appeler Rabbi car vous n’avez qu ’un Maître et tous vous êtes les frères. N’appelez personne votre Père sur la terre car vous n’en avez qu’un, le Père céleste. Ne vous faites pas non plus appeler Docteur : car vous n’avez qu’un Docteur : le Christ (Mt. 23,8-10).

Le véritable guide n’est pas à rechercher parmi les hommes. Il est au plus profond de chacun d’entre nous. Comme nous le rappellent les Upanishads : Tat Twam asi : Tu es cela...

Pour prier ou méditer, je puis me sentir mieux dans un lieu donné parce qu’il est plus chargé d’histoire et qu’il est alors un puissant stimulant pour ma mémoire. Je puis aussi me sentir mieux dans certains lieux dont on m’affirme, mais je n’ai aucun moyen de le vérifier, qu’ils sont chargés de vibrations telluriques. Mais Dieu, lui, est présent en tous lieux. Aujourd’hui, comme il y a deux mille ans, comme dans cent mille ans.

Crois-moi, femme, l’heure vient

où ce n’est ni sur cette montagne ni à Jérusalem

que vous adorerez le Père.

Dieu est esprit et ceux qui adorent,

c’est en esprit et vérité qu’il doivent adorer. ( Jn 4, 21 et 24)

Retraverser la mer rouge

Personne n’a le droit de s’approprier Dieu sans risquer le plus grave des dénis de justice. Dieu n’appartient à personne en particulier et n’a passé de contrat d’exclusivité avec aucune agence de communication.

Il est présent en tous et potentiellement accessible à tous. Il est le dedans de nous et nous n’avons aucune raison de laisser une religion, quelle qu’elle soit, nous en spolier au profit de son institution et de son système. Dieu est le fondement de notre liberté, non de notre aliénation. Au cours de ce voyage à Jérusalem, l’urgence m’apparut, impérative, de retraverser la Mer rouge. Retraverser la Mer rouge, c’est cesser de considérer que notre histoire commence avec Moïse et se décline nécessairement en judaïsme, christianisme, Islam ou, par défaut, athéisme.

Je revendique le droit de ne me reconnaître vraiment dans aucun de ces corps constitués, de renoncer à toute orthodoxie définie par des gardes patentés et de développer en toute liberté, mon hétérodoxie. A chacun d’entre nous de créer la sienne en dehors de tout dogmatisme.

Il n’y a rien à craindre. Dieu y reconnaîtra les siens ! Si j’ose reprendre, en l’inversant, la formule tristement célèbre d’un moine cistercien qui a laissé une bien sinistre mémoire en terre albigeoise. Retraverser la Mer rouge, c’est aussi poser un regard nouveau et désembué de tout à priori, sur l’univers des dieux. C’est s’interroger sans préjugé sur la signification réelle du polythéisme à l’aube des temps historiques.

Les dieux de l’Antiquité étaient-ils vraiment les rivaux du Dieu de la métaphysique ? La confusion a-t-elle été essentiellement linguistique ? André Chouraqui reproche aux occidentaux jusqu’à l’usage du mot Dieu, Deus, Theos, dont il trouve, à tort ou à raison, l’origine étymologique dans le nom de Zeus, le célèbre dieu de l’Olympe. Il reproche en somme au Dieu des occidentaux de n’être qu’un dieu mal dégrossi.

Mais ne pourrions-nous pas renvoyer cette mise en question à la tradition juive ? Le Dieu du peuple hébraïque n’était-il pas à l’origine un dieu ethnique comme tant d’autres ? Le génie de Moïse n’a-t-il pas été de se convaincre puis de convaincre son peuple et enfin de convaincre jusqu’à un certain point le reste du monde, que ce Dieu-là n’était pas seulement le seul valable parmi tous les autres, mais qu’il s’identifiait aussi avec le Principe, le Créateur de l’univers ?

Au fond n’est-il pas, lui aussi, un dieu mal dégrossi ? D’où ses colères, ses parti-pris, ses alliances politiques, qui le font apparaître si souvent comme bien peu universel et, à certains égards, bien peu sympathique ? Le chant des psaumes dont certains sont d’une grande beauté sapientielle mais dont beaucoup d’autres sont d’inspiration guerrière, n’était tolérable à longueur de nuit dans nos monastères que parce qu’ils étaient chantés en latin et que, la musique répétitive de la psalmodie aidant, il était possible de faire totalement abstraction de leur contenu. Leurs textes ne servaient alors que de prétexte.

Quand je demandais à Dom Alexis comment il s’en appropriait le contenu que je trouvais pour ma part assez pénible (en particulier, je n’aimais pas passer mon temps à rappeler le massacre des premiers nés d’Égypte pour lequel nous étions sensés rendre grâce à Dieu, car éternel est son amour !), il me répondait qu’il pensait à la misère des petits chinois !

Nous étions loin de la transparence du signe et de sa signification.

Illuminer l’histoire

Les premiers chapitres de la Genèse trébuchent d’ailleurs sur cette question du polythéisme. L’un des récits de la création parle des Élohim, ces dieux dont l’exégèse s’efforce aussitôt de faire oublier le pluriel. Ces dieux qui par la suite deviennent des anges, beaucoup moins encombrants, sont encore au chapitre 6 de la Genèse, capables de faire des enfants aux filles des hommes. De ces accouplements qui ne semblent pas avoir été totalement contre nature, naissent des géants, les néphilim, qui rappellent les Titans des autres traditions (notons en passant que cet épisode redonne du sens à la querelle byzantine sur le sexe des anges car les anges dont il est question n’ont en vérité rien d’angélique au sens éthéré que nous avons donné au mot au cours des siècles suivants).

Chouraqui a raison : nous ne devrions pas employer le même mot pour parler des dieux et de Dieu. Il s’agit bien en effet de réalités parfaitement hétérogènes. Mais ce constat une fois établi, il me semble, pour ma part, que nous devrions reprendre, l’esprit dégagé de toute attitude défensive, l’étude du polythéisme que nous retrouvons sous des vocabulaires différents à l’origine de toutes les grandes civilisations.

A quoi correspondent ces dieux, ces anges, ces célestes dont les premiers textes historiques laissent entendre qu’ils ont joué un rôle primordial juste avant que ne commence l’histoire répertoriée ? Après tout c’est un problème à caractère historique ou tout du moins protohistorique que nous devrions traiter sans passion partisane. Ce n’est pas un problème métaphysique. Dieu (puisque je n’ai pas d’autre mot en français pour le désigner) n’est nullement en danger. Il n’est pas du même ordre. Il n’est pas en guerre contre ces dieux qui sont probablement des messagers, à leur manière, comme nous le sommes nous aussi à la nôtre.

Retraverser la Mer rouge, ce n’est pas nécessairement faire allégeance à la religions des pharaons. C’est élargir l’horizon. C’est s’ouvrir à toutes les cultures, toutes les traditions du monde, sans le regard condescendant de ceux qui estiment, à priori, avoir un point de vue supérieur, parce qu’il se trouve qu’ils bénéficient dune élection ou d’une révélation divines, indépendamment d’ailleurs de leur volonté puisqu’il s’agit, dans la grande majorité des cas, d’une affaire de naissance.

Retraverser la Mer rouge, c’est se mettre à l’écoute de toutes les voix de Dieu. C’est, si le cœur vous en dit, partir en explorateur sur toutes les voies de Dieu. Cela n’exclut ni les profondeurs de la sagesse hébraïque, ni les fulgurances des intuitions chrétiennes, ni la pureté du mysticisme musulman. Refuser le système ne signifie pas refuser l’héritage. Je suis fier pour ma part de la lignée dans laquelle je m’insère. Cela dénie seulement aux religions du Livre toute primauté congénitale et la prétention à un monopole sur la communication avec Dieu.

Retraverser la Mer rouge, pour moi, c’est au bout du compte revenir à la sagesse sous-jacente à toutes les grandes traditions. C’est revenir à la Philosophie éternelle d’Aldous Huxley.

La boucle est ainsi bouclée.

Sources Nouvelles Clés

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