Continuons sur notre lancée avec un autre texte du génial Nicolas Berdiaeff... après l'Argent, seconde plaie de ce monde dirons-nous, la première étant l'Amour galvaudé, dénaturé, trahi, parce qu'aussi "marérialisé" et pour nombre de gens associé à la "propriété". Je t'Aime donc tu m'appartiens. C'est sans compter l'amalgame Désir-Envie = Amour. Alors que dire à la Jeunesse qui rêve au fond de son cœur du Grand Amour ? Et oui, la Princesse ou le Prince Charmants dorment au fond de chaque adolescent nourri dans son enfance par les contes de la Belle au Bois dormant ou de Blanche-Neige. Mais plus sûrement, il faut savoir que l'Âme porte en elle la souvenance du "pays" dont elle s'est exilée pour s'incarner. Elle en a ramené la Lumière mais aussi le sentiment ineffable que toutes les âmes -dépourvues de corps- éprouvent entre elles.. Rien de comparable à ici-bas. Là-bas, tout n'est que radiance. A peine les âmes s'effleurent-elles que jaillit du noyau de leur essence une énergie luminescente qui explose dans l'éther en gerbes de lumière. Et c'est cette sensation purement idéale tapie au fond de lui que l'humain cherchera toute sa vie. Que sont les orgasmes humains comparés à cette fulgurance ? Il y a toujours pour l'Âme quelque chose d'inassouvi dans les étreintes corporelles. Et c'est ce qu'elle fait ressentir à l'humain. A ce triste humain -dont moi-même je fus- qui croit trouver l'Âme sœur au travers d'une belle apparence. Mais ce qui plaît au corps ne plaît pas forcément à son Être Intérieur. Voilà où se situe le problème de l'Amour sur Terre. Voilà pourquoi il cause tant de souffrance, tant de haine et tant de violence.
Il faut savoir que l'Âme génère de l'Energie à l'état pur qui se dissémine dans tout le corps. Cette énergie mal maîtrisée provoque des pulsions incontrôlables pour l'Humain qui n'en est encore qu'au stade Animal. Cela donne la colère, la jalousie mais aussi dans le pire des cas, le viol. Et ne pas croire que le viol est l'apanage de ce que l'on nomme les désaxés sexuels. Il y a des tas de femmes mariées ou vivant en couple qui sont obligées de subir les assauts de leurs conjoints de gré ou de force. Comme si c'était un dû. Un prix à payer du soit-disant Amour. Et ce fait se trouve tant chez les gens cultivés que chez les incultes. Mais il est vrai que lorsque nous nous penchons sur les écrits judéo-chrétiens, on comprend vite d'où vient le mal... et on comprend surtout comment sont traitées les femmes. On va commencer par le Deutérome qui à lui seul pourrait remplir des pages... suivi de près par le Lévitique dont les rabbins orthodoxes se font fort d'inculquer les aberrations à leurs élèves... la femme est un être impur, qu'on se le dise ! Elle n'est bonne que pour assouvir les pulsions de ces messieurs et procréer !
Lorsqu'un homme aura pris et épousé une femme qui viendrait à ne pas trouver grâce à ses yeux, parce qu'il a découvert en elle quelque chose de honteux, il écrira pour elle une lettre de divorce, et, après la lui avoir remise en main, il la renverra à sa maison.
Deutéronome 23/1
Parle aux enfants d'Israël, et dis : Lorsqu'une femme deviendra enceinte, et qu'elle enfantera un mâle, elle sera impure pendant sept jours ;
elle sera impure comme au temps de son indisposition menstruelle.
Lévitique 12/2
Elle restera encore trente-trois jours à se purifier de son sang ; elle ne touchera aucune chose sainte,
et elle n'ira point au sanctuaire, jusqu'à ce que les jours de sa purification soient accomplis.
Si elle enfante une fille, elle sera impure pendant deux semaines,
comme au temps de son indisposition menstruelle ;
elle restera soixante-six jours à se purifier de son sang
. Lévitique 12/4-5
Poussons plus loin l'infériorité de la femme grâce à ces chers rabbins et à leurs Saintes Ecritures... qu'ils disent...
"Eve elle-même ressemblait à un singe, comparée à Adam,
dont le talon -pour ne pas parler du visage- surpassait l'éclat du soleil."
(B.Baba Bathra 58a ; Lev. Rab 20, 2)
"Dieu créa Lilith (la femme) mais pour la créer,
il a utilisé des ordures et de la boue au lieu de poussière vierge"
(Num. Rab. 16, 25)
"L'acte d'amour est une chose mauvaise qu'Adam et Eve ont seulement appris de Samaël,
le diable, après qu'ils aient été chassés du Paradis"
(Sefer Adam 64-67 p.35)
Mais il est bien évident que l'Eglise Catholique Romaine n'est pas en reste... ainsi parle Pierre...
Femmes, soyez de même soumises à vos maris...
Pierre1/3-1
Quant à Paul qui avait été éduqué chez les Pharisiens, on peut constater qu'il en reste quelque chose...
Que la femme écoute l'instruction en silence, avec une entière soumission.
Je ne permets pas à la femme d'enseigner, ni de prendre l'autorité sur l'homme ;
mais elle doit demeurer dans le silence.
Timothée2/11-12*
Monsieur ne permet pas... La femme doit juste se taire et ne même pas être belle...
Je veux aussi que les femmes vêtues d'une manière décente,
avec pudeur et modestie, ne se parent ni de tresses,
ni d'or, ni de perles, ni d'habits somptueux...
Timothée2/9
Il en trépigne presque de rage et trouve même une explication pour confirmer l'infériorité de la femme et son statut de procréatrice forcée...
Car Adam a été formé le premier, Eve ensuite ;
et ce n'est pas Adam qui a été séduit,
c'est la femme qui, séduite,
s'est rendue coupable de transgression.
Elle sera néanmoins sauvée en devenant mère...
Timothée 2/14-15
On est loin là de l'Enseignement de Ieschoua don't les paroles ont bien sûr été traficotées par les scribes catholiques romains... *
Jésus leur répondit :
les enfants de ce siècle prennent des femmes et des maris ;
mais ceux qui seront trouvés dignes... ne prendront ni femmes ni maris.
Car ils ne pourront plus mourir, parce qu'ils seront semblables aux anges.
Luc 20/34-35-36
Il est bien évident qu'il parlait des Âmes. Ces dernières étant androgynes. Il n'y a donc nulle supériorité dans les sexes. Dans le mot Amour, il y a Ame... et l'Ame vient d'un monde libre. L'Amour l'est donc également. Nul ne peut le forcer ni le contraindre. Il est comme le vent. Il va là où il veut... s'arrête là où il se sent le mieux. Une âme vibrant au diapason d'une autre âme est le seul Véritable Amour. Il faut, pour cela, passer le cap du regard charnel. Toutes les beautés ne sont pas visibles à l'oeil nu. D'ailleurs vous remarquerez que nombre d'amours platoniques ont donné naissance à des oeuvres superbes. Quand la chair se tait, le cœur exulte, l'Âme rayonne. Car l'Amour sincère du cœur transcende avec l'énergie lumineuse de l'Âme et celui qui la maîtrise devient à son tour Créateur avec tout le génie que cela comporte. Ceci est très bien expliqué dans un autre texte de Berdiaeff que j'ai posé voilà quelques temps... La Création...
L'Amour
de Nicolas Berdiaeff
Tableau de Wojtek Siudmak
Dans l’acte créateur de l’amour, se dévoile le secret créateur de la face de l’aimé. Celui qui aime aperçoit l’aimé, à travers le nuage du monde naturel, à travers le masque qui s’étend sur chaque visage. L’amour est le chemin qui mène à la découverte du secret d’un visage, de la compréhension de la personne jusqu’à la profondeur de son être. Celui qui aime sait sur l’être aimé ce que le monde ignore, et en cela il est
plus près de la vérité que le monde entier. Ce n’est qu’en aimant qu’on peut comprendre intégralement une personnalité, pénétrer son génie. Nous tous qui n’aimons pas, nous ne connaissons les êtres qu’en surface, et non dans leur ultime secret. La tristesse mortelle de l’acte sexuel réside en ceci que dans son impersonnalité se perd et s’obscurcit le secret à la fois de l’aimant et de l’aimé. L’acte sexuel fait pénétrer dans le cycle de la nature impersonnelle, il se place entre la personne de celui qui aime et celui qui est aimé, et dissimule le secret de leurs visages.
Ce n’est pas dans l’espèce, ce n’est pas dans l’acte sexuel, que s’accomplit l’union amoureuse, celle qui crée une vie différente, la vie éternelle de la personne. C’est en Dieu que se rencontrent l’aimant avec l’aimé, c’est en Dieu que s’incarne le visage de l’amour. Dans le monde de la nature, ceux qui s’aiment se divisent.
La nature de l’amour est cosmique et supra-individuelle, et l’on ne peut saisir son secret à la lumière de la psychologie individuelle.
L’amour est destiné à la hiérarchie cosmique; c’est cosmiquement qu’il réunit, sous la forme de l’androgyne, ceux qui dans l’ordre de la nature restaient séparés. L’amour est la voie par quoi chacun peut découvrir en soi l’homme androgyne.
Nicolas Berdiaeff, Le Sens de la création,
Un essai de justification de l’homme, 1916.
L’éternelle tragédie de la famille est due à ce que l’homme et la femme représentent deux mondes distincts, dont les fins ne coïncident jamais. Ce principe tragique existe déjà dans l’amour, mais il se cristallise dans la famille, où tout s’alourdit, se solidifie, et où le tragique lui-même acquiert un caractère banal. La femme a une structure psychique et un sentiment de la vie qui se différencient radicalement de ceux de l’homme. Elle attend de la famille et de l’amour incommensurablement plus que lui. Il y a, en effet, dans son attitude à l’égard du sexe une intégralité et une absoluité, auxquelles ne peuvent correspondre le dédoublement et la relativité de l’attitude masculine. En somme, la plupart des mariages sont malheureux. Ils dissimulent de pénibles conflits mettant aux prises le conscient et l’inconscient. Le premier, élaboré par la quotidienneté sociale, cherche à étouffer le second, qui engendre dans la famille un nombre incalculable de difficultés. Seul l’amour authentique parvient à surmonter leurs conflits et à résoudre merveilleusement leurs relations. Mais l’amour véritable est une fleur rare dans notre monde, il n’appartient pas à la quotidienneté.
Lorsque l’amour existe, en tant que fondement ontologique de l’union conjugale, la question de la nécessité de la monogamie absolue ne se pose pas. Elle ne se pose que lorsque le sentiment véritable a disparu, qu’il s’est refroidi ou a péri et que l’on s’efforce de substituer à l’intérieur ce qui est extérieur, à l’énergie bienfaisante, la loi. L’union monogamique absolue n’est créée qu’en prévision d’un malheur possible, car dans le bonheur, on n’y songe même pas et il n’est point utile d’avoir recours à la loi pour l’affirmer. La monogamie n’apparaît contradictoire que dans l’amour malheureux, dans l’incompatibilité fatale. Et il faut bien reconnaître qu’en fait elle ne correspond pas à la loi naturelle de l’union sexuelle. Elle n’est en aucune façon inhérente à la "nature" de l’homme, elle n’a pas toujours existé et ne s’est formée qu’à un certain stade du développement humain. Si la monogamie est possible, elle ne l’est réellement que selon la grâce, mais nullement selon la nature ou selon la loi. Elle est bien plus un phénomène d’ordre spirituel et mystique que d’ordre naturel et social. C’est en cela que réside d’ailleurs son paradoxe fondamental. En effet, le mariage monogamique est revendiqué par la quotidienneté sociale, à laquelle précisément il n’est pas inhérent par sa nature. Nous sommes donc amenés à reconnaître qu’on ne peut l’affirmer que nominalement, mais non réellement. Dans le royaume de la banalité civilisée, le foyer monogamique trouve son corrélatif et son correctif dans l’effroyable phénomène de la prostitution, au sens large du terme, un des phénomènes les plus infamants de la vie humaine, légalisés par la quotidienneté.
À vrai dire, la monogamie réelle n’existe pas dans la société contemporaine; elle n’est qu’un mensonge, qu’une hypocrisie conventionnelle et qu’un nominalisme de la loi. Aussi une révolte contre la vieille famille monogamique était-elle absolument normale.
Nicolas Berdiaeff, De la Destination de l’homme,
Essai d’éthique paradoxale, 1931.
La débauche ne peut être vaincue que par le retour de l’élément sexuel à sa signification universelle, sa fusion avec le sens de la vie. L’indignation "bourgeoise" et "mondaine" qui accueille la débauche n’en saisit absolument pas le sens, et les vérités superficielles, utilitaires, conditionnelles, émises à ce sujet, n’atteignent pas le fond métaphysique du problème. Le moralisme d’opportunité, le traditionalisme social, ne sont pas de force à percer le mystère accablant de la débauche, le secret du non-être. Dans ce qu’on appelle le mariage, la débauche trouve un abri comme dans tous les lieux qui ne se justifient pas. La débauche a sa place partout où le but ne semble pas être l’union de ceux qui s’aiment, l’élucidation par l’amour du secret d’une personne. Le problème de la débauche n’est pas d’ordre moral, mais métaphysique. Tous les critères biologiques et sociologiques ne sont que conditionnels, c’est la voix de la bourgeoisie de ce monde qui parle en eux. Selon ce code, la débauche représente une forme vénale et monstrueuse de l’union des sexes, alors qu’en fait c’est l’absence d’union qui crée la monstruosité. L’acte sexuel est un acte de débauche en ce qu’il est incapable de réaliser une union profonde. Aussi la définition de la débauche, en tant qu’anomalie sexuelle, apparaît-elle superficielle. Notre vie sexuelle est elle-même une anomalie, où "le normal" pourrait apparaître plus débauché que "l’anormal". La débauche ne doit pas être interdite, elle doit être vaincue ontologiquement, par un être différent. L’amour est l’antidote de la débauche, et l’autre antidote en est une vie spirituelle supérieure. La volupté en elle-même n’est pas la débauche, seule est débauchée la volupté de la désunion, et sainte, au contraire, la passion voluptueuse de la réunion.
Est débauche la volupté qui ne pénètre pas dans l’objet, qui s’absorbe en elle-même, et sainte l’extase orgiaque de l’amour, se répandant sur l’être aimé.
Nicolas Berdiaeff, Le Sens de la création,
Un essai de justification de l’homme, 1916.