Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

PrÉSentation

  • : LE PORTEUR DE LUMIERE
  • : Qu'est-ce que l'Hermétisme ? L'Occultisme ? Le Spiritisme ? Savez-vous qu'à la base il n'y avait qu'un seul Enseignement et que ce sont les hommes qui ont inventé les religions ?
  • Contact

Texte Libre

Il y a  

  personne(s) sur ce blog

Recherche

Texte libre

Archives

8 mai 2007 2 08 /05 /mai /2007 22:20

Dernière partie de l'exposé de Freud sur Moïse l'Egyptien... avec une chute finale très intéressante... après la mort du Père -Moïse- et par la même celui de Dieu... survint celle du Fils pour le rachat du crime commis... après la mort d'une religion remplacée par une autre venue d'Egypte, vint la dernière dont s'empara l'Eglise de Rome. La boucle est-elle bouclée ? Certains disent que Ieschoua n'a pas dit son dernier mot. Fiat Lux.

 

 

Moïse, son peuple et le monothéisme

 

par Sigmund Freud

16ème partie

 

15ème partie

14ème partie

13ème partie

12ème partie

1ère partie

 

Moïse, son peuple et le monothéisme : deuxième partie

II. Le peuple d'Israël

VIII. La vérité historique

 

Par toutes ces digressions nous avons voulu démontrer que la religion mosaïque n'a exercé une influence sur le peuple juif que lorsqu'elle fut devenue une tradition. Sans doute n'avons-nous affaire qu'à des probabilités ; mais supposons que nous ayons acquis une preuve certaine, il ne s'en dégagerait pas moins l'impression qu'en la matière nous avons négligé le facteur quantitatif en tenant compte uniquement, du facteur qualitatif. Tout ce qui a trait à la création d'une religion - et ceci s'applique naturellement aussi à la création de la religion judaïque - est empreint d'un caractère grandiose que toutes nos explications ne suffisent pas à éclairer. Il doit y avoir un autre élément, quelque chose qui comporte peu d'analogie et n'a nulle part d'équivalent, quelque chose d'unique qui ne se peut mesurer que d'après ses conséquences et dont l'ordre de grandeur est celui de la religion elle-même.

Essayons d'aborder notre sujet par le côté inverse. Nous comprenons que le primitif a besoin d'un dieu créateur du monde, chef de sa tribu et protecteur personnel. Ce dieu a sa place derrière les aïeux disparus dont la tradition a conservé quelque souvenir. L'homme des époques plus tardives, celui de notre temps, par exemple, se comporte de la même manière. Lui aussi est resté infantile et, même à l'âge adulte, a besoin de protection, lui aussi sent qu'il ne peut se passer de l'appui de son dieu. C'est là un fait indiscutable, toutefois l'on comprend moins pourquoi il ne doit y avoir qu'un seul Dieu et pour quelle raison le passage de l'hénothéisme au monothéisme prend une aussi formidable importance. Certes, nous l'avons dit déjà, le croyant participe à la grandeur de son Dieu et plus ce Dieu est puissant, plus est efficace la protection qu'il peut assurer. Mais la puissance de Dieu ne présuppose pas son unicité. Un grand nombre de peuples ont eu d'autant plus de considération pour leur dieu que celui-ci régnait sur une plus grande multitude d'autres divinités inférieures. Ils ne pensaient pas que l'existence de ces autres divinités diminuât la grandeur du dieu principal. En admettant l'universalité de Dieu, l'homme abandonnait en outre un peu de son intimité avec celui-ci qui avait à se soucier de tous les pays et de tous les peuples. Il fallait, pour ainsi dire, partager son Dieu avec des étrangers et se consoler en pensant que l'on était préféré. Notons encore que l'idée d'un Dieu unique implique un progrès dans la spiritualité, toutefois il ne convient pas d'attacher une énorme importance à ce point.

Cependant les croyants ont trouvé un moyen de combler cette évidente lacune dans la motivation. Ils prétendent que si l'idée de Dieu a eu sur les hommes une telle emprise, c'est parce qu'elle émane de la vérité éternelle qui, bien longtemps cachée, est enfin apparue pour balayer tout ce qui existait auparavant. Nous sommes obligés d'avouer que c'est là un facteur proportionné à l'ampleur du sujet autant qu'à celle de ses effets.

Nous serions satisfaits, nous aussi, d'adopter cette solution, toutefois nous nous heurtons à une difficulté. L'argumentation religieuse est basée sur une hypothèse optimiste et idéaliste. Jamais on n'a pu établir que l'intellect humain possédât une aptitude particulière à discerner la vérité ni que l'esprit humain tendît spécialement à accepter la vérité. Nous savons, au contraire, que l'intelligence humaine s'égare très facilement à notre insu et que nous ajoutons aisément foi, sans nous soucier de la vérité, à tout ce qui flatte nos désirs et nos illusions. Voilà pourquoi notre adhésion n'est pas totale. Nous aussi pensons que la solution proposée par les croyants est vraie, mais vraie historiquement et non pas matériellement. Et nous revendiquons le droit de corriger une certaine déformation subie par cette vérité quand elle réapparut. C'est-à-dire que si nous ne croyons pas à l'existence aujourd'hui d'un Dieu suprême tout-puissant, nous pensons qu'aux époques primitives il y eut un personnage qui dut alors sembler gigantesque et qui, élevé ensuite au rang divin, resurgit dans le souvenir des hommes.

Nous supposions que la religion mosaïque, après avoir été rejetée et en partie oubliée, réapparut plus tard sous la forme de tradition. Nous admettons maintenant que ce processus n'était que la répétition d'un processus antérieur. En apportant au peuple l'idée d'un Dieu unique, Moïse ne lui donnait rien de nouveau et ne faisait que ranimer un événement ancien remontant aux époques primitives de la famille humaine et qui avait, depuis longtemps, échappé à la mémoire consciente des hommes. Mais cet événement avait été si important, avait provoqué ou bien préparé de tels changements dans l'existence des hommes que tout permet de croire qu'il avait laissé dans l'âme humaine une trace profonde, comparable à une tradition.

La psychanalyse des individus nous apprend que les impressions les plus précoces, recueillies à une époque où l'enfant ne fait encore que balbutier, provoquent un jour, sans même resurgir dans le conscient, des effets obsédants. Nous sentons qu'il doit en aller de même quand il s'agit des événements les plus précoces vécus par l'humanité. L'un des effets dus à ces événements serait justement l'apparition du concept d'un seul Dieu tout-puissant ; il s'agit là, il est vrai, d'un souvenir déformé mais malgré tout réel. Ce concept possède un caractère obsédant et il faut se contenter d'y ajouter foi. Dans la mesure où il est déformé, on peut l'appeler démence ; dans la mesure où il apporte quelque lumière sur le passé on doit l'appeler vérité. La démence des psychopathes elle-même renferme une parcelle de vérité et la conviction du malade s'établit sur cette parcelle pour au-delà se répandre sur toute la construction démentielle.

Ce qui va suivre n'est qu'une répétition à peine modifiée de mon premier exposé.

En 1912, j'ai essayé dans a Totem et Tabou » de reconstituer la situation ancienne dont découlèrent toutes ces conséquences. Dans ce but, j'ai utilisé certaines réflexions théoriques de Charles Darwin, d'Atkinson et surtout de Robertson Smith en les combinant avec certaines découvertes et certaines suggestions de la psychanalyse. A Darwin, j'empruntai l'hypothèse suivant laquelle les hommes avaient originairement vécu en petites hordes, dont chacune était soumise à l'autorité tyrannique et brutale d'un mâle plus âgé qui avait réduit à merci des jeunes hommes dont certains étaient ses fils, ou s'était débarrassé d'eux. J'adoptai la description donnée par Atkinson de la fin du régime patriarcal : les fils révoltés se liguèrent contre leur père, le vainquirent puis le dévorèrent en commun. Me basant sur la théorie du totem de Robertson Smith, j'admis que le clan totémique des frères succéda à la horde du père. Afin de vivre en paix, les frères victorieux renoncèrent aux femmes pour lesquelles cependant ils avaient assassiné leur père et édictèrent l'exogamie. La puissance paternelle ayant aussi été brisée, les familles s'organisèrent d'après le droit matriarcal. L'ambivalence des fils à l'égard de leur père persista au cours de toute l'évolution ultérieure. En lieu et place du père, un certain animal fut choisi comme totem, considéré comme l'ancêtre, l'esprit protecteur, et il fut interdit de lui faire du mal ou de le tuer. Toutefois, une fois l'an, tout le clan s'assemblait pour un festin où l'animal totem, révéré en général, était mis en pièces et dévoré en commun. Personne n'était autorisé à s'abstenir de participer à ce festin qui était une répétition solennelle du meurtre du père, meurtre qui avait marqué le début d'un nouvel ordre social, d'une nouvelle loi morale et d'une nouvelle religion. Plusieurs auteurs ont, avant moi, été frappés de la relation qui existe entre le festin totémique de Robertson Smith et la communion chrétienne.

Je continue présentement à m'en tenir à cette façon de considérer les choses. On m'a maintes fois véhémentement reproché de n'avoir pas, dans les récentes éditions de mon oeuvre, modifié mes opinions, puisque de modernes ethnographes, avec un ensemble parfait, ont rejeté les théories de Robertson Smith pour les remplacer par d'autres entièrement différentes. A cela je réplique que tout en étant bien au courant de tous ces soit-disant progrès, je ne suis convaincu ni de leur bien-fondé ni des erreurs de Robertson Smith. Contester n'est pas nécessairement réfuter et innover ne signifie pas toujours progresser. Et surtout je ne me donne pas pour ethnographe, mais pour psychanalyste et j'étais en droit de tirer de données ethnographiques ce dont j'avais besoin pour mon travail psychanalytique. Les travaux du génial Robertson Smith m'ont fourni de précieux points de contact avec le matériel psychologique de l'analyse en même temps que des suggestions pour utiliser ce matériel. Je n'en saurais dire autant des travaux de ses contradicteurs.

 

IX. Le développement historique

 

Je ne puis reproduire ici de façon détaillée le contenu de « Totem et Tabou », mais j'essaierai de combler le fossé qui sépare ces présumés événements primitifs et la victoire. à une période historique, du monothéisme. Une fois qu'eurent été institués le clan des frères, le matriarcat, l'exogamie et le totémisme, il se réalisa une évolution qu'on peut considérer comme un lent « retour du refoulé ». Ce n'est pas dans son sens propre que le mot « refoulé » est employé. Il signifie ici quelque chose de passé, de révolu et de surmonté dans la vie d'un peuple et ce quelque chose nous tentons de le traiter comme un équivalent du matériel refoulé dans le psychisme de l'individu. Nous ne sommes pas encore en mesure de dire sous quelle forme psychologique le passé subsiste pendant sa période d'obscurcissement. Il n'est guère facile de transférer à la psychologie collective les concepts de la psychologie individuelle et je doute qu'il puisse y avoir quelque profit à instaurer le concept d'un inconscient « collectif ». Le contenu de l'inconscient n'est-il pas, dans tous les cas, collectif ? Ne constitue-t-il pas une propriété générale de l'humanité ? Ne nous servons donc, pour le moment, que des analogies. Les phénomènes qui se produisent dans la vie des peuples, sans être absolument identiques à ceux que la psychopathologie nous fait connaître, sont cependant très semblables à ces derniers. Concluons-en que les résidus psychiques de ces époques primitives ont constitué un héritage qui, à chaque génération nouvelle, a dû être non pas reconquis, mais rendu au jour. Considérons, par exemple, le symbolisme du langage qui semble certainement inné. Il remonte à l'époque même où le langage naquit et est familier à tous les enfants sans jamais leur avoir été enseigné. Malgré la diversité des langues, ce symbolisme est le même chez tous les peuples. Les investigations de la psychanalyse nous fournissent, sur des points douteux, d'autres renseignements encore. Nous constatons qu'en bien des circonstances importantes nos enfants ne réagissent pas de la manière que devrait leur inspirer leur propre expérience, mais instinctivement, à la façon des animaux, ce qui ne peut s'expliquer que par atavisme phylogénétique.

Le retour du refoulé s'effectue avec lenteur, non pas spontanément mais sous l'influence de tous les changements des conditions de la vie, changements qui abondent dans l'histoire de la civilisation humaine. Je ne puis examiner ici les conditions de ces changements ni donner plus qu'une énumération incomplète des étapes de ce retour. Le père redevint le chef de la famille, sans récupérer toutefois l'omnipotence du père de la horde primitive. Au cours d'étapes transitoires bien délimitées, l'animal totem a été évincé par le dieu. Au début, le dieu sous sa forme humaine conserve encore la tête de l'animal ; plus tard il prend volontiers la forme même de cet animal, puis l'animal lui devient sacré et il en fait son compagnon préféré, ou alors il a tué l'animal dont il ajoute le nom au sien. Entre l'animal totem et le dieu, le héros a fait son apparition, ce qui n'a constitué souvent qu'un stade précoce de la déification. L'idée d'une divinité supérieure semble surgir de bonne heure, d'abord confuse et sans rapport avec les préoccupations quotidiennes de l'homme. Lorsque les tribus et les peuples se groupèrent en plus vastes unités, les dieux eux-mêmes s'organisèrent en familles, en hiérarchies. Souvent l'un des dieux grandit et devient le maître des autres dieux et des hommes. L'étape suivante, celle qui conduit à l'adoration d'un seul Dieu, se franchit avec hésitation. Enfin on en arrive à révérer ce Dieu unique, à lui attribuer l'omnipotence et à ne souffrir à ses côtés aucune autre divinité. C'est alors seulement que la grandeur du père de la horde primitive se trouve rétablie et que les émois qu'il suscitait peuvent être répétés.

Cette reprise de contact avec ce dont les hommes avaient été si longtemps privés, avec ce à quoi ils aspiraient, eut un effet écrasant et tel exactement que nous le rapporte la tradition en nous décrivant comment la loi fut édictée sur le Sinaï. Le peuple ressentit de l'admiration, du respect, de la reconnaissance envers ce Dieu qui lui donnait ce témoignage de sa faveur : la religion de Moïse ne connaît que ces sentiments positifs envers Dieu le Père. La croyance en l'invincibilité de Dieu, la soumission à sa volonté n'avaient pu être plus absolues chez le fils sans défense, craintif du père de la horde primitive et elles se conçoivent aisément si l'on se replace, par la pensée, dans un milieu infantile et primitif. Les émotions infantiles sont bien plus intenses, bien plus inépuisables que celles des adultes et seule l'extase religieuse peut les ramener. C'est ainsi qu'un transport de dévotion fut la première réaction au retour du Père tout-puissant.

Le sens dans lequel devait évoluer cette religion du Père se trouvait donc à tout jamais fixé, mais l'évolution elle-même n'en était pas achevée pour autant. L'ambivalence est un caractère essentiel des relations entre père et fils. Il fallait bien qu'au cours des siècles l'hostilité, qui avait un jour incité les fils à tuer un père à la fois admiré et redouté, se manifestât à nouveau. Une haine meurtrière à l'égard du père ne devait plus trouver place dans le cadre de la religion mosaïque. Une seule puissante réaction pouvait se manifester : un sentiment de culpabilité, le remords d'avoir péché et de continuer à pécher envers Dieu. Ce sentiment de culpabilité sans cesse entretenu par les prophètes, et qui devint bientôt partie intégrante du système religieux, avait encore une autre motivation superficielle qui dissimulait adroitement son origine réelle. Le peuple eut de durs moments à traverser, les espoirs qu'il avait mis en Dieu tardaient à se réaliser et il lui devenait vraiment difficile de continuer à se croire le peuple élu. Pour ne pas renoncer à ce bonheur, il fallait bien qu'un sentiment de culpabilité, que la conscience d'avoir péché, vint bien à propos disculper Dieu. En effet, c'est parce que l'on avait enfreint les lois du Seigneur que celui-ci vous punissait. Et par besoin d'atténuer le remords implacable jailli d'une source si profonde, on se voyait contraint de rendre ces lois toujours plus rigoureuses, plus pénibles et aussi plus mesquines. Dans un nouveau transport d'ascétisme, les Juifs s'imposaient constamment de nouveaux renoncements instinctuels et parvenaient, par ce moyen, tout au moins en théorie et en doctrine, à atteindre des sommets éthiques inaccessibles aux autres peuples de l'antiquité. Nombre de Juifs considèrent ces hautes aspirations comme la seconde grande caractéristique et la seconde grande réalisation de leur religion. Nous cherchons à démontrer comment elles se relient à la première idée, à la conception d'un Dieu unique. Il est indéniable que cette éthique tire son origine d'un sentiment de culpabilité dû à un sentiment réprimé d'hostilité envers Dieu. Elle a le caractère jamais achevé, inachevable, des formations réactionnelles qu'on observe dans les névroses d'obsession. On devine aussi qu'elle sert secrètement de châtiment.

Ce qui advint ensuite dépasse le judaïsme. D'autres éléments resurgis de la tragédie qui s'était jouée autour de la personne du père primitif ne sont nullement compatibles avec la religion mosaïque. A cette époque le sentiment de culpabilité ne demeura pas l'apanage des Juifs ; il affecta, à la manière d'un vague malaise, d'un triste pressentiment dont nul ne pouvait expliquer la cause, tous les peuples méditerranéens. Les historiens modernes parlent d'un vieillissement de la culture antique, je les soupçonne fort de n'avoir vu, dans cette dépression des peuples, que les causes occasionnelles et accessoires. C'est le judaïsme qui clarifia cette situation pénible. Bien que les voies eussent été préparées de différents côtés, ce fut cependant dans l'esprit d'un Juif, Saul de Tarse, qui en tant que citoyen romain était appelé Paul, que naquit l'idée suivante : « Si nous sommes aussi malheureux, c'est parce que nous avons tué Dieu le Père. » Nous concevons parfaitement qu'il n'ait pu saisir cette vérité que sous la forme fabulée, erronée, de cette bonne nouvelle : « Nous voilà débarrassés de toute culpabilité depuis que l'un d'entre nous a donné sa vie pour le rachat de tous nos péchés. » Évidemment, on ne trouve pas dans cette formule d'allusion au meurtre de Dieu, mais un crime que seul le sacrifice d'une vie pouvait racheter pouvait-il être autre chose qu'un meurtre? Il était dit, de plus, que le sacrifié était le propre Fils de Dieu, ce qui établissait un lien entre l'illusion et la vérité historique. Puisant sa force dans une vérité historique, la nouvelle foi put surmonter tous les obstacles; au sentiment enivrant d'avoir été choisi succéda le soulagement de la rédemption salvatrice. Toutefois le fait de l'assassinat du père, quand son souvenir resurgit dans la mémoire des hommes, eut à surmonter de bien plus grands obstacles que l'autre, celui qui avait constitué l'essence du monothéisme. Ce fait-là subit aussi de bien plus considérables déformations. Le meurtre dont on ne pouvait faire mention fut remplacé par le concept vraiment vague du péché originel.

Péché originel, rédemption par le sacrifice d'une vie, telles devinrent les bases de la nouvelle religion fondée par Paul. Au sein de la horde des frères révoltés, s'était-il vraiment trouvé un meneur, un instigateur du meurtre ou bien ce personnage a-t-il été créé ultérieurement et introduit dans la tradition par les poètes pour se magnifier eux-mêmes ? C'est là une question qui demeure sans réponse. Après que la doctrine chrétienne eut fait sauter les cadres du judaïsme, elle emprunta certains éléments à bien d'autres sources, renonça à divers caractères du monothéisme pur et adopta nombre de particularités rituelles propres aux autres peuples méditerranéens. Tout se passa comme si l'Égypte se vengeait des héritiers d'Ikhnaton. Il convient de noter la façon dont la nouvelle religion avait résolu le problème de l'ambivalence en ce qui concerne les relations entre père et fils. Certes, le fait principal y était la réconciliation avec Dieu le Père et l'expiation du crime perpétré envers celui-ci, mais, d'autre part, un sentiment inverse se manifestait également du fait que le Fils, en se chargeant de tout le poids du péché, était lui-même devenu Dieu aux côtés ou plutôt à la place de son Père. Issu d'une religion du Père, le christianisme devint la religion du Fils et ne put éviter d'éliminer le Père.

Une partie seulement du peuple juif adopta la nouvelle doctrine et ceux qui la rejetèrent s'appellent encore aujourd'hui les Juifs. Du fait de cette décision, ils se trouvent à l'heure actuelle plus séparés que jadis du reste du monde. Les nouvelles communautés religieuses qui, en dehors des Juifs, comprenaient des Égyptiens, des Grecs, des Syriens, des Romains et ultérieurement aussi des Germains, reprochèrent aux Juifs d'avoir assassiné Dieu. Voici quel serait le texte intégral de cette accusation : « Ils n'admettent pas qu'ils ont tué Dieu, tandis que nous, nous l'avouons et avons été lavés de ce crime. » On aperçoit facilement la part de vérité dissimulée derrière ce reproche. Il serait intéressant de rechercher, en en faisant l'objet d'une étude particulière, pourquoi il a été impossible aux Juifs d'évoluer dans le même sens que les autres en adoptant une religion qui, en dépit de toutes les déformations, avoue le meurtre de Dieu. Les Juifs ont par là assumé une lourde responsabilité qu'on leur fait durement expier!

Peut-être notre travail a-t-il jeté quelque clarté sur la façon dont le peuple juif a acquis les qualités qui le caractérisent. Mais comment a-t-il réussi à maintenir jusqu'à nos jours son individualité? C'est là une question qui n'est pas encore élucidée. Il est raisonnable de renoncer à résoudre entièrement cette énigme. Ce que j'ai pu offrir dans mon étude n'est qu'une simple contribution qui ne doit être appréciée qu'en tenant compte des limitations mentionnées au début de cet ouvrage.

Notes

1 Dans l'ancien temps, il arrivait souvent qu'on insultât les Juifs en les traitant de lépreux. Cette injure doit être considérée comme une projection : « Ils se tiennent éloignée de nous comme si nous étions des lépreux. »

2 Gardons-nous de laisser faussement croire à certains que la complexité du monde est telle que toute explication doit nécessairement comporter une parcelle de vérité. Non, notre esprit a conservé la liberté d'inventer des rapports, des relations qui n'ont aucun équivalent dans la réalité et il attache évidemment un grand prix à cette faculté en en faisant, dans les, sciences et ailleurs encore, un important usage.

3 Voir Frazer, l. c.

4 Allusion à un passage de Faust: « Ne méprise que la raison et la science. »

5 Laissons une fois encore la parole au poète. Voici comment il explique son inclination :

Du warts in abgelebten Zeiten.

Meine Schwester oder meine Frau.

« Tu fus en des temps révolus ma soeur ou bien ma femme. » (Goethe, vol. IV, Ed. de Weimar, p. 97).

Posté par Adriana Evangelizt

Partager cet article
Repost0

commentaires