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7 avril 2007 6 07 /04 /avril /2007 14:00

La première partie se trouve ICI...

 

Le déséquilibre du monde 2

par Gustave Le Bon

1924

2ème partie

Première partie

Chapitre IV

Conséquences politiques des erreurs de psychologie

Suite

La troisième des erreurs énumérées plus haut, celle d'avoir empêché, par tous les moyens possibles, l'introduction en France après la paix des produits allemands accumulés pendant la guerre, est une de celles qui ont le plus contribué à l'établissement de la vie chère.

Cette interdiction ne résulta pas, bien entendu, des décisions de la Conférence de la Paix, mais
uniquement de notre gouvernement.

Il fut, d'ailleurs,
le seul à commettre pareille faute. Plus avisées, l'Amérique et l'Angleterre ouvrirent largement leurs portes aux produits venus d'Allemagne et profitèrent du bon marché de ces produits pour aller s'en approvisionner et réduire ainsi le prix de la vie dans leur pays.

Commercer de préférence avec des pays dont le change est favorable constitue une notion économique tellement évidente, tellement élémentaire, que l'on ne conçoit pas qu'il ait pu exister un homme d'État incapable de la comprendre.

Les illusoires raisons de nos interdictions d'importation, ou, ce qui revient au même, de nos taxes douanières prohibitives, étaient de favoriser quelques fabricants impuissants, d'ailleurs, à produire la dixième partie des objets dont la France avait besoin.

Pour plaire à quelques industriels, le public en fut réduit à payer trois à quatre fois trop cher aux négociants anglais et américains des produits qu'ils auraient pu se procurer à très bon marché en Allemagne et que nous pouvions y acheter comme eux.

Les erreurs psychologiques que nous venons d'examiner furent
commises au moment de la paix. Depuis cette époque, les hommes d'État européens en ont accumulé bien d'autres.

Une des plus graves, puisqu'elle faillit compromettre la sécurité de l'Europe, fut
l'attitude prise à l'égard de la Pologne par le ministre qui dirigeait alors les destinées de l'Angleterre.

Espérant
se concilier les communistes russes, ce ministre n'hésita pas à conseiller publiquement aux Polonais d'accepter les invraisemblables conditions de paix proposées par la Russie, notamment un désarmement dont la première conséquence eût été le pillage de la Pologne, d’effroyables massacres et l'invasion de l'Europe.

Pour bien montrer sa bonne volonté aux bolchevistes, le même Ministre
interdisait, contre tout droit d'ailleurs, le passage par Dantzig des munitions destinées aux Polonais et il obtenait du gouvernement belge la même interdiction pour Anvers.

Le résultat de cette intervention fut d'abord de provoquer chez les neutres – sans parler de la France –
une indignation très vive. Voici comment s'exprimait à ce sujet Le Journal de Genève :


« Ces
deux actes d'hostilité contre la Pologne ont causé aux admirateurs de l'Angleterre une stupéfaction extraordinaire et une douloureuse déception. Aujourd'hui, ces admirateurs disent ceci :

L'Angleterre, grâce au sang non seulement anglais, mais français, belge, italien, polonais,
est, aujourd'hui, en sûreté dans son île. La France, la Belgique, la Pologne, restent aux avant-postes, exposées en première ligne.

L'Angleterre
croit-elle qu'il soit conforme à ses traditions de loyauté, qu'il soit même conforme à son intérêt le plus évident, de laisser ses alliés s'épuiser dans la lutte pour arrêter le bolchevisme en marche vers l'Occident, sans user de toute son influence et de toutes ses forces pour leur venir en aide? »

Les intérêts commerciaux qui déterminèrent l'orientation politique de l'homme d'État anglais étaient faciles à voir. Ce qu'il n'a pas aperçu, ce sont les, conséquences pouvant résulter de sa conduite à l'égard des Polonais.

Si la Pologne, cédant aux suggestions anglaises, avait renoncé à la lutte, le Bolchevisme, allié à
l’Islamisme, si maladroitement traité en Turquie, fût devenu plus dangereux encore qu'il ne l'est aujourd’hui.

La Pologne vaincue, l'alliance de la Russie bolcheviste avec l'Allemagne était certaine.

Fort heureusement pour nous, – et plus encore, peut-être, pour l'Angleterre, – notre gouvernement eut une vision autrement nette de la situation que l'Angleterre.

Bien que le cas des Polonais semblât désespéré, puisque l'armée rouge était aux portes de Varsovie, notre président du conseil n'hésita pas à les secourir non seulement par
l'envoi de munitions, mais surtout en faisant diriger leurs armées par le chef d'état-major du maréchal Foch. Grâce à l'influence de ce général, les Polonais, qui reculaient toujours sans paraître se soucier de combattre, reprirent courage, et quelques manœuvres habiles transformèrent leurs persistantes défaites en une éclatante victoire.

Ses conséquences furent immédiates : la Pologne délivrée, les espérances de l'Allemagne déçues, le bolchevisme refoulé, l'Asie moins menacée.

Pour arriver à ces résultats, il avait suffi de voir juste et d'agir vite. On ne saurait trop louer nos gouvernants d'avoir fait preuve de qualités qui, depuis quelque temps, devenaient exceptionnelles chez eux.


*
* *


La politique européenne
vit d'idées anciennes correspondant à des besoins disparus. La notion moderne d'interdépendance des peuples et la démonstration de l'inutilité des conquêtes n'ont aucune influence sur la conduite des diplomates. Ils restent persuadés qu'une nation peut s'enrichir en ruinant le commerce d’une autre et que l'idéal pour un pays est de s'agrandir par des conquêtes.

Ces
conceptions usées semblent choquantes aux peuples que n'agitent pas nos préjugés et nos passions ataviques.

Un journal du Brésil en exprimait son étonnement dans les lignes suivantes qui traduisent bien les idées du nouveau monde :


« Tous les peuples du vieux continent, quels qu'ils soient, ont
une conception antique du monde et de la vie. Que veulent-ils ? Prendre. Que voient-ils dans la fin d'une guerre ? L'occasion de recevoir le plus qu'ils peuvent. C'est la conception antique, c'est le passé de nombreux siècles se faisant toujours sentir chez les grands esprits, comme dans les masses, même dans les milieux socialistes et ouvriers, où les idées sont confuses et les appétits exaspérés simplement par égoïsme de classes. »


Les hommes d'État européens parlent bien quelquefois
le langage du temps présent mais ils se conduisent avec les idées des temps passés. L'Angleterre proclame très haut le principe des nationalités, mais elle s'empare ou tente de s'emparer de l'Égypte, de la Perse, des colonies allemandes, de la Mésopotamie, etc. Les nouvelles petites républiques fondées avec les débris des anciens empires professent, elles aussi, de grands principes, mais tâchent également de s'agrandir aux dépens de leurs voisins.

La paix ne s'établira en Europe que
quand l'anarchie créée par les erreurs de psychologie ne dominera plus les âmes. Il faut, parfois, bien des années pour montrer à un peuple les dangers de ses illusions.


*
* *


La guerre ayant
bouleversé les doctrines guidant les chefs d'armée comme celles dont s'alimentait la pensée des hommes d'État, un empirisme incertain reste leur seul guide.

Cet état mental a été bien mis en évidence dans un discours prononcé par un président du Conseil devant le Parlement français.

« Nous avons fait, disait-il,
la guerre dans l'empirisme et la paix aussi parce qu'il est impossible que ce soit autrement. De doctrines économiques, il n'en est chez personne ici. »

L'empirisme représente forcément la période de début de toutes les sciences, mais en progressant elles réussissent à tirer de l'expérience des lois générales permettant de
prévoir la marche des phénomènes et de renoncer à l'empirisme.

Nul besoin d'empirisme par exemple, pour savoir que
quand un corps tombe librement dans l'espace, sa vitesse à un moment donné est proportionnelle au temps de sa chute et l'espace parcouru au carré du même temps.

Les lois physiques sont tellement certaines, que lorsqu'elles semblent ne pas se vérifier on est sûr qu'intervient
une cause perturbatrice, dont il est possible de déterminer la grandeur. Ainsi l'astronome Leverrier constatant qu'un certain astre ne paraissait plus obéir rigoureusement aux lois de l'attraction, en conclut que sa marche devait être troublée par l'influence d'une planète inconnue. De la perturbation observée, fut déduite la position de l'astre produisant cette perturbation et on le découvrit bientôt à la place indiquée.

La psychologie et l'économie politique sont soumises, comme d'ailleurs tous les phénomènes de la nature, à des lois immuables, mais ces lois, nous en connaissons très peu, et celles connues subissent tant d'influences perturbatrices qu'on arrive à douter des plus certaines, alors même qu'elles ont de nombreuses expériences pour soutien.

Il est visible que
les gouvernants européens n'ont possédé, ni pendant la guerre, ni depuis la paix, aucune règle fixe de conduite. Leur oubli de certaines lois économiques et psychologiques n'empêche pas l'existence de ces lois. De leur méconnaissance ils furent souvent victimes.




Livre I : Le déséquilibre politique


Chapitre III



La paix des professeurs.




Aux erreurs de psychologie précédemment énumérées il faut ajouter les illusions qui présidèrent à la rédaction du traité de paix. Leur importance va être montrée dans ce chapitre.

Peu d'hommes possédèrent au cours de l'Histoire un pouvoir égal à celui du président Wilson lorsque, débarqué en Europe, il dicta les conditions de la paix. Pendant la rayonnante période de sa puissance, le représentant du nouveau monde resta enveloppé d'un prestige que les Dieux et les Rois n'obtinrent pas toujours au même degré.

À entendre ses merveilleuses promesses, une nouvelle lumière allait éclairer l'univers. Aux peuples sortis d'un effroyable enfer et redoutant d'y être replongés apparaissait l'aurore d'une paix éternelle.
Un âge de fraternité remplacerait l'ère des carnages et des dévastations.

Ces vastes espoirs ne durèrent
pas longtemps. La réalité prouva bientôt que les traités si péniblement élaborés n'avaient eu d'autres résultats que de précipiter l'Europe dans l'anarchie et l'Orient dans une série d'inévitables guerres. La presque totalité des petits États créés en découpant d'antiques monarchies, envahirent bientôt leurs voisins et aucune intervention des grandes puissances ne réussit, pendant de longs mois, à calmer leurs fureurs.

Des diverses causes qui transformèrent en désillusions de grandes espérances, une des plus actives fut
la méconnaissance de certaines lois psychologiques fondamentales qui, depuis l’origine des âges, dirigent la vie des nations.

Le
président Wilson était le seul personnage assez puissant pour imposer, avec le morcellement de l'Europe, une série des conditions de paix dont on a pu dire qu'elles faisaient hurler le bon sens. Nous savons, aujourd'hui, qu'il ne fut pas leur unique auteur.

Les révélations de l'ambassadeur américain Elkus, que reproduisit le Matin, ont appris que les diverses clauses du traité avaient été rédigées par une petite phalange de professeurs.

« Lorsque le président Wilson confia au colonel House la mission de choisir les futurs délégués, il stipula :

« – Je ne veux
que des professeurs de l'Université.

« – Vainement, le colonel tenta de rappeler que l'Amérique possédait de grands ambassadeurs, des industriels qui sont les premiers de la terre, des hommes d'État qui avaient une profonde expérience de l'Europe :

« –
Je ne veux que des professeurs, répéta le président. »

Ce fut donc une cohorte de professeurs qui peuplèrent les commissions. « Penchés sur les textes,
et non sur les âmes, ils interrogeaient les grands principes abstraits et fermaient les yeux devant les faits. » La paix devint ainsi ce que l'ambassadeur Elkus appelle « une paix de professeurs ». Elle montra, une fois de plus, à quel point des théoriciens pleins de science, mais étrangers aux réalités du monde, peuvent être dépourvus de bon sens, et, par conséquent, dangereux.


*
* *


La traité de paix comprenait, en réalité, deux parties distinctes :

1° Création
d'États nouveaux, aux dépens surtout de l'Autriche et de la Turquie ;

2° Constitution d
'une Société des Nations, destinée à maintenir une paix perpétuelle.

En ce qui concerne la création d'États nouveaux aux dépens de l'Autriche et de la Turquie, l'expérience montra vite, comme je l'ai déjà indiqué plus haut, ce que valait une telle conception. Ses premiers résultats furent
d'installer pour longtemps dans ces pays la ruine, l'anarchie et la guerre. On vit alors combien fut chimérique la prétention de refaire à coups de décrets des siècles d'Histoire. C'était une bien folle entreprise de découper de vieux empires en provinces séparées, sans tenir compte de leurs possibilités d'existence. Tous ces pays nouveaux, divisés par des divergences d'intérêts et des haines de races, ne possédant aucune stabilité économique, devaient forcément entrer en conflit.

La minuscule Autriche actuelle est
un produit des formidables illusions politiques qui conduisirent le maître du Congrès à désagréger une des plus vieilles monarchies du monde.

Que pourront les Alliés quand l'Autriche, réduite à la dernière misère,
reconnaîtra qu'elle ne saurait vivre qu'en s'unissant à l'Allemagne ? C'est alors seulement que les auteurs du Traité de paix constateront l'erreur commise en détruisant le bloc aussi utile que peu dangereux constitué par l'ancienne Autriche.

Prétendre
refaire avec une feuille de papier l'édifice européen lentement édifié par mille ans d'histoire, quelle vanité!

M. Morgenthau, ambassadeur d'Amérique, a fait récemment des petits États fabriqués par les décisions du Congrès la description suivante :

« Quel tableau que celui de l'Europe centrale aujourd'hui ! Ici,
une poussière de petites républiques sans force physique réelle, sans industrie, sans armée, ayant tout à créer, cherchant surtout à s'étendre territorialement sans savoir si elles auront la force de tout administrer, de tout vérifier. Et là, un État compact de 70 millions d'hommes qui savent la valeur de la discipline, qui savent qu'il s'en est fallu de quelques pouces qu'ils asseyent leur domination sur le monde entier, qui n'ont rien oublié de leurs espoirs, et qui n'oublieront rien de leurs rancunes. »


*
* *


L'Angleterre respecta les utopies du président Wilson, de solides réalités lui étant accordées en échange de cette tolérance. Gagnant d'immenses territoires, qui en firent la véritable bénéficiaire de la guerre, elle n'avait aucun intérêt à s'opposer aux parties du traité ne la concernant pas.

Restée seule,
la France dut subir toutes les exigences de l'idéologie wilsonienne, exigences d'autant plus intransigeantes qu'elles prétendaient dériver de la pure raison.

La manifeste erreur du président Wilson et de son équipe d'universitaires fut ju
stement de croire à cette puissance souveraine de la raison sur la destinée des peuples. L'Histoire tout entière aurait dû leur enseigner, pourtant, que les sentiments et les passions sont les vrais guides des collectivités humaines et que les influences rationnelles ont, sur elles, une bien minime action.

La politique, c'est-à-dire
l'art de conduire les hommes, demande des méthodes fort différentes de celles qu'utilisent les professeurs. Elles doivent toujours avoir pour base cette notion fondamentale que les sentiments s'influencent, je le répète encore, avec des sentiments et non avec des arguments rationnels.


*
* *


La
constitution de la Société des Nations, bien que distincte du traité de paix, lui reste intimement liée. Son but était, en effet, de maintenir cette paix.

Elle débuta par un éclatant échec :
refus du Sénat américain de s'associer à la création du président Wilson.

Idéalistes, parfois les dirigeants de l'Amérique conservent cependant
une claire vision des réalités, et les discours des professeurs ne les influencent guère. Le successeur de M. Wilson a résumé les motifs de leur refus dans les termes suivants :

« Le seul covenant que nous acceptons est
le covenant de notre conscience. Il est préférable au contrat écrit qui fait litière de notre liberté d'action et aliène nos droits entre les mains d'une alliance étrangère. Aucune assemblée mondiale, aucune alliance militaire ne forcera jamais les fils de cette République à partir en guerre. Le suprême sacrifice de leur vie ne pourra jamais leur être demandé que pour l'Amérique et pour la défense de son honneur. Il y a là une sainteté de droit que nous ne déléguerons jamais à personne. »

Nous aurons à parler plus loin de
la Société des Nations. Construite sur des données contraires à tous les principes de la psychologie elle n'a fait que justifier les opinions de l'Amérique en montrant son inutilité et son impuissance. Il fallait en vérité une dose prodigieuse d'illusions pour s'imaginer qu'un grand pays comme les États-Unis consentirait à se soumettre aux ordres d'une petite collectivité étrangère sans prestige et sans force. C'eût été admettre l'existence en Europe d'une sorte de super gouvernement dont les décisions eussent régi le monde.

Troisième partie

Posté par Adriana Evangelizt



 

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