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7 avril 2007 6 07 /04 /avril /2007 01:03

Gustave Le Bon a écrit Le déséquilibre du monde en 1924 mais quand on le lit, on a l'impression qu'il est d'époque. Impressionnant. Il parle là de la guerre 14-18 pour analyser le manque d'anticipation des élites par leur ignorance de la connaissance de l'âme des Peuples.  

Le déséquilibre du monde 1

par Gustave Le Bon

1924

Introduction

La physionomie actuelle du monde


Les civilisations modernes se présentent sous deux faces, tellement dissemblables, tellement contradictoires, que vues d'une planète lointaine, elles sembleraient appartenir à deux mondes entièrement différents.

Un de ces mondes est celui de la science et de ses applications. Des édifices qui le composent rayonnent les éblouissantes clartés de l'harmonie et de la vérité pure.

L'autre monde est le ténébreux domaine de la vie politique et sociale. Ses chancelantes constructions restent enveloppées d'illusions, d'erreurs et de haines. Des luttes furieuses le ravagent fréquemment.

Cet éclatant contraste entre les divers domaines des grandes civilisations tient à ce que chacun d'eux est formé
d'éléments n'obéissant pas aux mêmes lois et n'ayant pas de commune mesure.

La vie sociale est régie par
des besoins, des sentiments, des instincts légués par l'hérédité et qui pendant des entassements d'âges, représentèrent les seuls guides de la conduite.

Dans cette région, l'évolution progressive demeure très faible. Les sentiments qui animaient nos premiers aïeux :
l'ambition, la jalousie, la férocité et la haine, restent inchangés.

Durant des périodes, dont la science révèle l'accablante longueur,
l'homme se différencia peu du monde animal qu'il devait tant dépasser intellectuellement un jour.

Restés les égaux des animaux dans le domaine de la vie organique, nous les dépassons à peine dans la sphère des sentiments. C'est seulement dans le cycle de l'intelligence que notre supériorité est devenue immense. Grâce à elle les continents ont été rapprochés, la pensée transmise d'un hémisphère à l'autre avec la vitesse de la lumière.

Mais
l'intelligence qui, du fond des laboratoires, réalise tant de découvertes n'a exercé jusqu'ici qu'un bien faible rôle dans la vie sociale. Elle reste dominée par des impulsions que la raison ne gouverne pas. Les sentiments et les fureurs des premiers Âges ont conservé leur empire sur l’âme des peuples et déterminent leurs actions.


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La compréhension des événements n'est possible
qu'en tenant compte des différences profondes séparant les impulsions affectives et mystiques des influences rationnelles. Elles expliquent pourquoi des individus d'une intelligence supérieure ont accepté, à toutes les époques, les plus enfantines croyances : l'adoration du serpent ou celle de Moloch, par exemple. Des millions d'hommes sont dominés encore par les rêveries d'illustres hallucinés fondateurs de croyances religieuses ou politiques. De nos jours, les chimères communistes ont eu la force de ruiner un gigantesque empire et de menacer plusieurs pays.

C'est également parce que
le cycle de l'intelligence a peu d'action sur celui des sentiments qu'on vit, dans la dernière guerre, des hommes de haute culture incendier des cathédrales, massacrer des vieillards et ravager des provinces, pour l'unique satisfaction de détruire.



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Nous ignorons le rôle que la raison exercera un jour sur la marche de l'histoire.
Si l'intelligence n'en conserve d'autre que de fournir aux impulsions sentimentales et mystiques qui continuent à mener le monde des procédés de dévastation plus meurtriers chaque jour, nos grandes civilisations sont vouées au sort des grands empires asiatiques, que leur puissance ne sauva pas de la destruction et dont le sable recouvre aujourd'hui les derniers vestiges.

Les futurs historiens, méditant alors sur les causes de ruine des sociétés modernes, diront sans doute qu'elles périrent parce que
les sentiments de leurs défenseurs n'avaient pas évolué aussi vite que leur intelligence.  


*
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La complication des problèmes sociaux qui agitent aujourd'hui la vie des peuples tient en partie à la difficulté de concilier des intérêts contradictoires.

Pendant la paix les divergences entre peuples et entre classes d'un même peuple existent également, mais les nécessités de la vie finissent par équilibrer les intérêts contraires. L'accord ou tout au moins un demi-accord s'établit.

Cette entente
toujours précaire ne survit pas aux profonds bouleversements comme ceux de la grande guerre. Le déséquilibre remplace alors l'équilibre. Libérés des anciennes contraintes, les sentiments, les croyances, les intérêts opposés renaissent et se heurtent avec violence.

Et c'est ainsi que depuis les débuts de la guerre le monde est entré dans une phase de déséquilibre dont il ne réussit pas à sortir.

Il en sort d'autant moins que
les peuples et leurs maîtres prétendent résoudre des problèmes entièrement nouveaux avec des méthodes anciennes qui ne leur sont plus applicables aujourd'hui.

Les
illusions sentimentales et mystiques qui enfantèrent la guerre dominent encore pendant la paix. Elles ont créé les ténèbres dans lesquelles l’Europe est plongée et qu'aucun phare directeur n'illumine encore.



*
* *


Pour que les menaces dont l'avenir paraît enveloppé soient évitées, il faut étudier sans passions et sans illusions les problèmes qui se dressent de toutes parts et les répercussions dont ils sont chargés. Tel est le but du présent ouvrage.

Cet avenir, d'ailleurs, est surtout
en nous-mêmes et tissé par nous-mêmes. N'étant pas fixé comme le passé, il peut se transformer sous l'action de nos efforts. Le réparable du présent devient bientôt l'irréparable de l'avenir. L'action du hasard, c’est-à-dire des causes ignorées, reste considérable dans la marche du monde, mais il n'empêcha jamais les peuples de créer leur destinée.




Gustave Le Bon, Le déséquilibre du monde (1923)


Livre I

Le déséquilibre politique



L’évolution de l’idéal





J'ai, souvent, étudié au cours de mes livres le rôle prépondérant
de l'idéal dans la vie des peuples. Il me faut cependant y revenir encore, car l'heure présente s'affirme de plus en plus comme une lutte d'idéals contraires. Devant les anciens idéals religieux et politiques dont la puissance a pâli se dressent, en effet, des idéals nouveaux qui prétendent les remplacer.

L'histoire montre facilement
qu'un peuple, tant qu'il ne possède pas des sentiments communs, des intérêts identiques, des croyances semblables, ne constitue qu'une poussière d'individus, sans cohésion, sans durée et sans force.

L'unification qui fait
passer une race de la barbarie à la civilisation s'accomplit par l'acceptation d'un même idéal. Les hasards des conquêtes ne le remplacent pas.

Les
idéals susceptibles d'unifier l’âme d'un peuple sont de nature diverse : culte de Rome, adoration d'Allah, espoir d'un paradis, etc. Comme moyen d'action leur efficacité est la même dès qu'ils ont conquis les cœurs.

Avec
un idéal capable d'agir sur les âmes un peuple prospère. Sa décadence commence quand cet idéal s'affaiblit. Le déclin de Rome date de l'époque où les Romains cessèrent de vénérer leurs institutions et leurs dieux.


*
* *


L'idéal de chaque peuple contient des éléments très stables, l'amour de la patrie, par exemple, et d'autres qui varient d'âge en âge, avec les besoins matériels, les intérêts, les habitudes mentales de chaque époque.

À ne considérer que
la France, et depuis une dizaine de siècles seulement, il est visible que les éléments constitutifs de son idéal ont souvent varié. Ils continuent à varier encore.

Au moyen âge, les éléments théologiques prédominent, mais la féodalité, la chevalerie, les croisades, leur donnent une physionomie spéciale. L'idéal reste cependant dans le ciel, et orienté par lui.

Avec
la Renaissance, les conceptions se transforment. Le monde antique sort de l'oubli et change l'horizon des pensées. L'astronome l'élargit en prouvant que la terre, centre supposé de l'univers, n'est qu'un astre infime perdu dans l'immensité du firmament. L'idéal divin persiste, sans doute, mais il cesse d'être unique. Beaucoup de préoccupations terrestres s'y mêlent. L'art et la science dépassent parfois en importance la théologie.

Le temps s'écoule et
l'idéal évolue encore. Les rois, dont papes et seigneurs limitaient jadis la puissance, finissent par devenir absolus. Le XVIIe siècle rayonne de l'éclat d'une monarchie qu'aucun pouvoir ne conteste plus. L'unité, l'ordre, la discipline, règnent dans tous les domaines. Les efforts autrefois dépensés en luttes politiques se tournent vers la littérature et les arts qui atteignent un haut degré de splendeur.

Le déroulement des années continue et
l'idéal subit une nouvelle évolution. À l'absolutisme du XVIIe siècle succède l'esprit critique du XVIIIe. Tout est remis en question. Le principe d'autorité pâlit et les anciens maîtres du monde perdent le prestige d'où dérivait leur force. Aux anciennes classes dirigeantes : royauté, noblesse et clergé, en succède une autre qui conquiert tous les pouvoirs. Les principes qu'elle proclame, l'égalité surtout, font le tour de l'Europe et transforment cette dernière en champ de bataille pendant vingt ans.

Mais comme
le passé ne meurt que lentement dans les âmes les idées anciennes renaissent bientôt. Idéals du passé et idéals nouveaux entrent en lutte. Restaurations et révolutions se succèdent pendant près d'un siècle.

Ce qui restait
des anciens idéals s'effaçait cependant de plus en plus. La catastrophe dont le monde a été récemment bouleversé fit pâlir encore leur faible prestige. Les dieux, visiblement impuissants à orienter la vie des nations, sont devenus des ombres un peu oubliées.

S'étant également montrées impuissantes, les plus antiques monarchies se virent
renversées par les fureurs populaires. Une fois encore l'idéal collectif se trouva transformé.

Les peuples déçus cherchent maintenant à se protéger eux-mêmes. À la dictature des dieux et des rois, ils prétendent substituer celle du prolétariat.

Ce nouvel idéal se formule, malheureusement pour lui, à une époque où,
transformé par les progrès de la science, le monde ne peut plus progresser que sous l'influence des élites. Il importait peu jadis à la Russie de ne pas posséder les capacités intellectuelles d'une élite. Aujourd'hui, le seul fait de les avoir perdues l'a plongée dans un abîme d'impuissance.

Une des difficultés de l'âge actuel résulte de ce qu'il n'a
pas encore trouvé un idéal capable de rallier la majorité des esprits.

Cet idéal nécessaire, les démocraties triomphantes
le cherchent mais ne le découvrent pas. Aucun de ceux proposés n'a pu réunir assez d'adeptes pour s'imposer.

Dans l'universel désarroi,
l'idéal socialiste essaye d'accaparer la direction des peuples mais étranger aux lois fondamentales de la psychologie et de la politique, il se heurte à des barrières que les volontés ne franchissent plus. Il ne saurait donc remplacer les anciens idéals.


*
* *


Dans une des cavernes rocheuses dominant la route de Thèbes, en Béotie, vivait jadis, suivant la légend
e, un être mystérieux proposant des énigmes à la sagacité des hommes, et condamnant à périr ceux qui ne les devinaient pas.

Ce conte symbolique traduit clairement le fatal dilemme :
deviner ou périr, qui a tant de fois surgi aux phases critiques de l'histoire des nations. Jamais peut-être, les grands problèmes dont la destinée des peuples dépend, ne furent plus difficiles qu'aujourd'hui.

Bien que
l'heure d'édifier un idéal nouveau n'ait pas sonné il est déjà possible cependant de déterminer les éléments devant entrer dans sa structure, et ceux qu'il faudra nécessairement rejeter. Plusieurs pages de notre livre seront consacrées à cette détermination.






Livre I : Le déséquilibre politique


Chapitre II

Conséquences politiques des erreurs de psychologie





Le défaut de prévision d'événements prochains et l'inexacte observation d'événements présents furent fréquents pendant la guerre et depuis la paix.

L'imprévision s'est révélée à toutes les périodes du conflit. L'Allemagne n'envisagea ni l'entrée en guerre de l'Angleterre, ni celle de l'Italie, ni surtout celle de l'Amérique.
La France ne prévit pas davantage les défections de la Bulgarie et de la Russie, ni d'autres événements encore.

L'Angleterre ne montra pas une perspicacité plus grande. J'ai rappelé ailleurs que, trois semaines avant l'armistice, son ministre des affaires étrangères,
ne soupçonnant nullement la démoralisation de l'armée allemande, assurait dans un discours que la guerre serait encore très longue.

La
difficulté de prévoir des événements même rapprochés se conçoit ; mais celle qu'éprouvent les gouvernants à savoir ce qui se passe dans des pays où ils entretiennent à grands frais des agents chargés de les renseigner est difficilement compréhensible.

La
cécité mentale des agents d'information vient sans doute de leur impuissance à discerner le général dans les cas particuliers qu'ils peuvent observer.

En dehors
des lourdes erreurs de psychologie qui nous coûtèrent la ruine de plusieurs départements mais dont je n'ai pas à m'occuper ici, plusieurs fautes, chargées de redoutables conséquences, ont été commises depuis l'armistice.

La première fut de n'avoir
pas facilité la dissociation des différents États de l'Empire allemand, dissociation spontanément commencée au lendemain de la défaite.

Une autre erreur fut de
favoriser une désagrégation de l'Autriche, que l'intérêt de la paix européenne aurait dû faire éviter à tout prix.

Une erreur moins importante mais grave encore fut
d'empêcher l'importation en France des stocks accumulés par l'industrie allemande pendant la guerre.


*
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Examinons l'engrenage des conséquences issues de ces erreurs.

La première fut capitale. Ainsi que je l'avais dit et répété, bien avant la conclusion du traité de paix, il eût été d'un intérêt majeur pour la sécurité du monde de
favoriser la division de l'Allemagne en États politiquement séparés, comme ils l'étaient avant 1870.

La tâche se trouvait grandement facilitée, puisque l'Allemagne, après sa défaite, se divisa spontanément
en plusieurs républiques indépendantes.

Cette séparation n'eût
pas été du tout artificielle. C'est l'unité, au contraire, qui était artificielle, puisque l'Allemagne se compose de races différentes, ayant droit à une vie autonome, d'après le principe même des nationalités si cher aux Alliés.

Il avait fallu la main puissante de la Prusse et cinquante ans de caserne et d'école pour agréger en un seul bloc des pays séculairement distincts et professant les uns pour les autres
une fort médiocre sympathie.

Seuls, les avantages de cette unité avaient pu la maintenir. Ces avantages disparaissant, elle devait s'écrouler. Ce fut d'ailleurs ce qui en arriva au lendemain de la défaite.

Favoriser une telle division, en attribuant de meilleures conditions de paix à quelques-unes des républiques nouvellement fondées, eût permis de stabiliser la dissociation spontanément effectuée.

Les Alliés ne l'ont pas compris, s'imaginant sans doute qu'ils obtiendraient
plus d'avantages du bloc allemand que d'États séparés.

Maintenant, il est trop tard. Les gouvernants allemands ont
profité des interminables tergiversations de la Conférence de la Paix pour refaire péniblement leur unité.

Elle est, actuellement, complète. Dans la nouvelle constitution allemande, l'Empire semble partagé en une série d'États libres et égaux. Simple apparence. Tout ce qui ressort de la législation appartient à l'Empire. Les États confédérés sont bien moins autonomes, en réalité, qu'ils ne l'étaient avant la guerre. Ne représentant que de simples provinces de l'Empire,
ils restent aussi peu indépendants que le sont les provinces françaises du pouvoir central établi à Paris.

Le seul changement réel opéré dans la nouvelle unité allemande c'est que
l'hégémonie exercée jadis par la Prusse ne lui appartient plus.


*
* *


L'erreur politique consistant à favoriser
la désagrégation de l'Autriche fut encore plus grave. Certes, l'Autriche était un empire vermoulu, mais il possédait des traditions, une organisation ; en un mot, l'armature que les siècles seuls peuvent bâtir.

Avec
quelques illusions en moins et un peu de sagacité en plus, la nécessité de conserver l'Empire d'Autriche fût nettement apparue.

L'Europe entrevoit déjà et verra de plus en plus, ce que lui coûtera la dissolution de l'Autriche en petits États sans ressources, sans avenir et qui à peine formés entrèrent en conflit les uns contre les autres.

C'est surtout en raison des nouvelles conflagrations dont tous ces fragments d'États menacent l'Euro
pe, que le Sénat américain refusa d'accepter une Société des Nations qui pourrait obliger les États-Unis à intervenir dans les rivalités des incivilisables populations balkaniques.

La désagrégation de l'Autriche aura
d'autres conséquences encore plus graves. Une des premières va être, en effet, d'agrandir l'Allemagne du territoire, habité par les neuf à dix millions d'Allemands représentant ce qui reste de l'ancien empire d'Autriche. Sentant leur faiblesse, ils se tournent déjà vers l’Allemagne et demandent à lui être annexés.

Sans doute
, les Alliés s’opposent à cette annexion. Mais comment pourront-ils l'empêcher toujours puisque les Autrichiens de race allemande invoquent, pour réclamer leur annexion, le principe même des nationalités, c'est-à-dire le droit pour les peuples de disposer d'eux-mêmes, droit hautement proclamé par les Alliés ?

Et ici apparaît, une fois encore, comme il apparut si fréquemment dans l'histoire,
le danger des idées fausses. Le principe des nationalités, qui prétend remplacer celui de l'équilibre, semble fort juste au point de vue rationnel, mais il devient très erroné quand on considère que les hommes sont conduits par des sentiments, des passions, des croyances et fort peu par des raisons.

Quelle application peut-on faire de cet illusoire principe dans des pays où, de province en province, de village en village, et souvent dans le même village, subsistent
des populations de races, de langues, de religions différentes, séparées par des haines séculaires et n'ayant d'autre idéal que de se massacrer ?

Deuxième partie


Posté par Adriana Evangelizt

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