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16 janvier 2007 2 16 /01 /janvier /2007 02:46

La suite de l'épopée de Moïse ou comment avec deux bonhommes, on n'en fait un seul...

 

 

 Moïse et le monothéisme

 

par Sigmund Freud

1939

5ème partie

4ème partie

3ème partie

2ème partie

1ère partie

Si Moïse fut égyptien

V

 

 

 

Mais voici que s'offre à nous un moyen imprévu de tourner la difficulté. Après Ed. Meyer, Gressmann et d'autres chercheurs s'efforcèrent encore d'élever la figure de Moïse bien au-dessus de celle des prêtres de Quadès et de ratifier le renom que lui a donné la tradition. En 1922, Ed. Sellin a fait une découverte d'une importance capitale 1 en trouvant dans le livre du prophète Osée (seconde moitié du VIIIe siècle) les traces certaines d'une tradition selon laquelle le fondateur de religion, Moïse, trouva une fin brutale au cours d'une révolte de son peuple opiniâtre et récalcitrant.


La religion qu'il avait fondée fut, à la même époque, abandonnée. Cette tradition, d'ailleurs, ne se retrouve pas que dans Osée, elle reparaît plus tard dans les écrits de la plupart des prophètes et c'est même sur elle, d'après Sellin, que se baseraient tous les espoirs messianiques ultérieurs. C'est vers la fin de l'exil babylonien que les Juifs commencèrent à espérer que le prophète qu'ils avaient si ignominieusement assassiné allait se relever d'entre les morts et conduire son peuple repentant, et d'autres peut-être avec lui, dans le royaume de la félicité éternelle. Nous n'avons pas ici à faire de rapprochement avec le destin si semblable réservé plus tard à un autre fondateur de religion.


Je ne suis naturellement pas en mesure de décider si Sellin a correctement interprété les passages prophétiques. Mais s'il avait raison, il nous serait alors permis de considérer comme une vérité historique la tradition qu'il a reconnue. En effet, de pareils faits ne s'inventent pas, on n'aurait aucun motif tangible d'agir ainsi. Mais au cas où ces faits se seraient réellement produits, on comprend facilement
pourquoi il a semblé souhaitable de les oublier. Rien ne nous oblige à ajouter foi à tous les détails de la tradition. Sellin croit que le meurtre de Moïse eut pour théâtre Shittim, dans la région orientale du Jourdain. Nous verrons bientôt que le choix de cette localité ne s'accorde guère avec nos arguments.


Nous empruntons à Sellin l'idée
qu'après l'assassinat de l'Égyptien Moïse par les Juifs, la religion qu'il avait importée fut abandonnée. Cette hypothèse nous permet de tisser notre trame sans aller à l'encontre des résultats dignes de confiance obtenus par les historiens. Toutefois nous nous permettons de ne pas adopter toutes les opinions de ceux-ci et de suivre notre propre chemin. L'Exode d'Égypte demeure notre point de départ. Un nombre considérable de gens durent quitter le pays à la suite de Moïse ; en effet, un ambitieux comme lui, qui visait haut, ne se serait pas donné la peine de diriger une petite troupe de Juifs. Sans doute le séjour en Égypte des émigrants avait-il duré assez longtemps pour que les Juifs constituassent une population nombreuse. Toutefois nous ne risquerons pas de nous tromper en admettant, avec la plupart des auteurs, qu'une fraction seulement de ce qui devait devenir le peuple juif avait subi la captivité en Égypte. Autrement dit, la tribu, revenue d'Égypte, vint rejoindre par la suite, dans la région située entre l'Égypte et Canaan, d'autres tribus apparentées qui s'y trouvaient déjà installées depuis longtemps. Cette fusion, d'où sortit le peuple d'Israël, se manifesta par l'adoption d'une nouvelle religion commune à toutes les tribus, la religion de Jahvé. D'après Ed. Meyer c'est à Quadès, sous l'influence des Midianites, que se produisit cet événement. Après quoi le peuple se sentit assez fort pour entreprendre la conquête de Canaan. Tous ces faits empêchent d'admettre que la catastrophe subie par Moïse et par sa religion se soit produite dans la région à l'est du Jourdain, elle dut se réaliser bien avant la jonction des tribus.


Il est certain que nombre d'éléments très variés ont contribué à la formation du peuple juif, mais
la grande différence entre les tribus dérivera certainement de ce que certaines avaient séjourné en Égypte, y avaient subi tous les événements qui s'y étaient produits, tandis que les autres étaient restées chez elles.


En tenant compte de ce fait, nous pouvons dire que la nation est issue de l'union
de deux constituants, d'où la séparation, après une courte période d'unité politique, en deux parties : le royaume d'Israël et le royaume de Juda. L'histoire aime ces sortes de restaurations grâce auxquelles de tardives fusions sont annulées tandis qu'au contraire les séparations antérieures réapparaissent. L'exemple le plus frappant de ce genre est, on le sait, celui de la Réforme, lorsqu'elle laissa réapparaître, après un intervalle de plus de mille ans, une ligne de démarcation entre la Germanie romanisée et la Germanie demeurée indépendante. En ce qui concerne le peuple juif, nous ne retrouvons pas d'aussi fidèle reproduction d'un ancien état de choses; notre connaissance de cette époque n'est pas assez certaine pour que nous puissions affirmer que dans le nord du pays se trouvaient ceux qui y étaient restés et, dans le sud, ceux qui étaient revenus d'Égypte ; Cependant ici encore la décomposition ultérieure a dû n'être pas sans rapports avec l'union jadis réalisée. Les anciens Égyptiens, sans doute moins nombreux, devaient être les plus évolués au point de vue de la civilisation; ils eurent, sur l'évolution ultérieure du peuple, une grande influence, parce qu'ils apportaient une tradition qui manquait aux autres.


Peut-être apportaient-ils
quelque chose d'autre encore, quelque chose de plus palpable qu'une tradition. La question de l'origine des Lévites constitue l'une des plus grandes énigmes de la préhistoire des Juifs. On les fait descendre de l'une des douze tribus d'Israël, la tribu de Lévi, mais aucune tradition n'a osé préciser d'où était venue cette tribu ni quelle région du pays conquis de Canaan lui avait été attribuée. Ils occupaient dans le clergé les postes les plus importants tout en se distinguant des prêtres. Un Lévite n'est pas nécessairement un prêtre ; ce n'est pas le nom d'une caste.


Notre hypothèse concernant Moïse nous suggère une explication. Il est impossible qu'un aussi grand personnage que l'Égyptien Moïse se soit présenté sans escorte devant un peuple étranger. Il était certainement
accompagné d'une suite : proches partisans, scribes, domestiques. Tous ceux-ci furent les premiers Lévites. Quand la tradition fait de Moïse un lévite, c'est là une évidente déformation des faits. Les Lévites étaient les gens de Moïse. Le fait suivant, déjà cité plus haut, confirme cette thèse : dans les temps qui suivront, ce n'est que parmi les Lévites qu'on trouvera des noms égyptiens 2 . Nous pouvons supposer qu'un grand nombre de ces gens de Moïse purent échapper à la catastrophe qui atteignit le prophète et la religion par lui fondée.

Ces rescapés se multiplièrent dans les générations suivantes ; tout en fusionnant avec les populations du pays où ils vivaient, ils demeurèrent fidèles à leur chef, honorèrent sa mémoire et maintinrent la tradition de ses doctrines. A l'époque de la réunion avec les sectateurs de Jahvé, ils constituaient une minorité agissante, plus civilisée que le reste de la population.


Supposons un instant qu'entre la fin de Moïse et l'établissement de la religion à Quadès, deux générations - un siècle peut-être - aient passé. Comment déterminer si les Néo-Égyptiens (j'appellerai ainsi, pour les distinguer des autres Juifs, ceux qui étaient revenus d'Égypte
) si les Néo-Égyptiens, dis-je, rencontrèrent leurs frères de race avant ou après que ceux-ci eurent adopté la religion de Jahvé ? Probablement avant. Mais le résultat final fut le même. Ce qui se produisit à Quadès fut un compromis à l'établissement duquel la tribu de Moïse prit évidemment part.


Appelons-en ici de nouveau
à la coutume de la circoncision qui ne cesse, à la manière, pourrait-on dire, d'un « Leitfossil », de nous rendre les plus grands services. Cette coutume acquit force de loi dans la religion de Jahvé et, comme elle est indissolublement reliée à l'Égypte, son adoption ne peut avoir été qu'une concession faite aux gens de Moïse. Ceux-ci, tout au moins parmi eux les Lévites, ne voulaient pas renoncer au signe de leur consécration. C'était là ce qu'ils tenaient à conserver de leur ancienne religion et, en revanche, ils étaient disposés à révérer la nouvelle divinité et à croire tout ce que les prêtres Midianites en racontaient. Peut-être même ces derniers obtinrent-ils d'autres concessions encore. Nous avons déjà dit que le rituel juif prescrivait certaines restrictions dans l'emploi du nom de la divinité. Au lieu de Jahvé, il fallait dire Adonaï. Il serait tentant de se servir de cette prescription pour étayer notre argumentation, mais il ne s'agit là que d'une hypothèse sans véritable fondement solide. Comme chacun sait, l'interdiction de prononcer le nom divin est un très antique tabou. On ne voit pas très bien pour quelle raison il réapparut dans la loi juive ; peut-être sous l'influence de quelque motif nouveau. Il n'y a aucune raison de penser que cette défense ait été rigoureusement observée ; il resta permis de faire entrer le nom de la divinité Jahvé dans des noms propres théophores, c'est-à-dire dans des composés tels que Jochanan, Jehu, Josué. Mais ces noms avaient quelque chose de particulier. On sait que l'exégèse biblique reconnaît à l'Hexateuque deux sources désignées par les lettres J et E, initiales l'une du saint nom de Jahvé, l'autre de celui d'Elohim; Elohim, il est vrai, et non pas Adonaï, mais rapportons ici la remarque de l'un de nos auteurs : « Les noms différents indiquent avec netteté qu'il s'agissait primitivement aussi de dieux différents 3 . » A notre avis le maintien de la circoncision prouve qu'un compromis avait été établi lors de la fondation de la nouvelle religion à Quadès ; J. et E. nous ont appris en quoi il consistait. Puisque les deux récits concordent c'est qu'ils doivent dériver d'une source commune (écrits ou tradition orale). L'idée directive était de démontrer la grandeur et la puissance du dieu nouveau Jahvé. Or comme les gens de Moïse attachaient une très grande importance à leur exode d'Égypte, il convenait d'attribuer à Jahvé cette entreprise de libération. C'est pour cela que l'événement fut paré de toutes sortes d'ornements propres à démontrer le terrible pouvoir du dieu des volcans, par exemple, la colonne de fumée qui, au cours de la nuit, se changea en une colonne de feu, la tempête qui divisa les eaux de telle sorte que les poursuivants se noyèrent dans les flots resurgis. En même temps, l'Exode et l'instauration de la nouvelle foi turent rapprochés dans le temps et le long intervalle qui sépare les deux événements se trouva nié. On affirma aussi que les commandements avaient été donnés non pas à Quadès, mais au pied de la montagne sacrée, sous le signe d'une éruption volcanique. Toutefois cette description portait à la mémoire de Moïse un grave préjudice. C'était bien lui et non le dieu des volcans qui avait tiré son peuple d'Égypte. Une compensation lui était due et c'est pourquoi on le transféra à Quadès ou sur le mont Sinaï-Horeb, à la place du prêtre midianite. Nous verrons plus tard comment cette solution permit de satisfaire une autre pressante et irréductible tendance. Une sorte de compromis se trouvait de la sorte réalisé : Jahvé, l'habitant de la montagne midianite, fut autorisé à étendre son pouvoir jusqu'en Égypte, tandis que l'existence et l'activité de Moïse se trouvèrent transférées à Quadès et jusque dans la région à l'est du Jourdain. C'est ainsi que Moïse se confondit avec celui qui fonda plus tard une religion, le gendre de Jethro le Midianite, l'homme auquel il prêta son nom de Moïse. Toutefois, de ce Moïse-là, nous ne savons rien de personnel car il est entièrement éclipsé par l'autre, le Moïse égyptien, et nous ne connaissons que l'image pleine de contradictions que nous donne le texte biblique du caractère de Moïse. Il nous est assez souvent représenté comme un être autoritaire, irascible, voire même brutal, et cependant on dit également de lui qu'il fut le plus doux et le plus patient des hommes. Il est clair que ces dernières qualités n'auraient nullement convenu au Moïse égyptien qui nourrissait de si vastes et difficiles projets concernant son peuple. Sans doute furent-elles plutôt l'apanage du Moïse midianite. Il nous est donc permis, je crois, de séparer l'un de l'autre les deux personnages et nous admettrons que le Moïse égyptien ne dut jamais venir à Quadès et n'entendit jamais prononcer le nom de Jahvé, tandis que le Moïse midianite ne foula jamais le sol de l'Égypte et ignorait totalement Aton. Afin de permettre la fusion de deux personnages, il fallut que la tradition et la légende transférassent à Midian le Moïse égyptien et nous avons vu que ce fait fut expliqué de diverses manières.

 

 

La sixième partie

 

1 Ed. Sellin, Mose und seine Bedeutung für die israelitischjüdische Religiongeschichte (Moïse et son importance dans l'histoire de la religion israélo-juive), 1922.

2 Cette opinion s'accorde avec ce qu'écrit Yahuda au sujet de l'influence égyptienne sur les anciens écrits juifs. Voir A. S. Yahuda, Die Sprache des Pentateuch in ihren Beziehungen zum Aegyptischen, 1929. (La langue du Pentateuque dans ses rapports avec la langue égyptienne.)

3 Grossmann, Mose und seine Zeit (Moïse et son temps), 1913.

Posté par Adriana Evangelizt

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